Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Histoire culturelle Page 2 of 5

Recension de Hockey : Challenging Canada’s Game – Au-delà du sport national, dirigé par Jenny Ellison et Jennifer Anderson

Par Étienne Lapointe, candidat au doctorat en sciences des religions, UQAM

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Depuis la parution en 1993 de Hockey Night in Canada : Sport, Identities and Cultural Politics[1], la plupart des chercheur.e.s canadien.ne.s s’intéressant au hockey en tant que phénomène culturel ont cherché à déconstruire le mythe tenace qui fait de ce sport d’hiver le ferment de l’identité canadienne[2]. C’est dans cette perspective que s’inscrit Hockey : Challenging Canada’s Game – Au-delà du mythe national, un ouvrage collectif, bilingue et pluridisciplinaire dirigé par les historiennes Jenny Ellison et Jennifer Anderson. C’est en faisant appel à des chercheur.e.s issus d’horizons disciplinaires variées que les co-directrices espèrent explorer les différentes « experiences of class, gender, race/ethnicity, language, ability, sexual orientation, and region [3] » en lien avec la pratique du hockey.

Outre l’introduction signée par Ellison et Anderson, l’ouvrage est divisé en cinq parties composées de sept « documents[4] » et de quinze chapitres qui offrent un regard critique sur un aspect particulier du hockey. Ainsi, la première partie est consacrée aux origines et à l’histoire du hockey. Dans le premier chapitre, Andrew Holman est d’avis que l’étude historique du hockey pourrait servir à approfondir les connaissances sur la société canadienne notamment en regard des divisions régionales, linguistiques, raciales et de genre. En effet, selon lui l’histoire de ce sport d’hiver est le reflet de la volonté d’unir une population hétérogène à partir d’un phénomène culturel commun. Paul W. Bennett et Michael Robidoux quant à eux se montrent favorables à une révision du récit « créationniste » du hockey qui serait le reflet des rapports de domination en vigueur dans une société qui n’aurait pas su se défaire de son héritage colonialiste. En somme, ces trois auteurs proposent une révision des mythes fondateurs du hockey afin de mieux rendre compte de son apport à la complexité de la société canadienne.

Repenser l’absolutisme en France aux XVIe et XVIIe 
siècles. Note de lecture sur
Le Prince absolu. Apogée et déclin de l’imaginaire monarchique d’Arlette Jouanna

Par Christian Legault, candidat à la maîtrise à l’Université du Québec à Montréal (UQAM)

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JOUANNA, Arlette. Le pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté. Paris, Gallimard, 2013, 436 p.

La manière dont le pouvoir politique s’est conceptualisé dans un régime absolutiste au XVIIe siècle façonne toujours nos sociétés d’aujourd’hui. Les Français y voient encore une époque où le pouvoir y était « arbitraire », « despotique », « inique » et « illégitime »[1]. S’interroger sur l’absolutisme n’est toutefois pas quelque chose d’inutile, car cela représente une occasion de retracer la genèse du pouvoir politique vers les régimes démocratiques modernes. Pour les historiens, l’étude des doctrines absolutistes permet notamment d’étudier l’interaction entre le discours politique et ses limites concrètes, la monarchie absolue du XVIIe siècle n’ayant pas su imposer un appareil d’État pouvant soumettre l’entièreté des sujets à l’obéissance d’un seul homme. Les notions de pouvoir absolu et de prince absolu sont au fondement d’un nouveau dogme politique qui s’installe dans la France des XVIe et XVIIe siècles. Or, ces idées restent de nature théorique, à la fois ambivalentes et polysémiques, et enracinées dans des discours où les significations sont portées à changer, selon les cadres spatio-temporels, les régimes politiques, les différentes formes de régulations sociales, ainsi que les multiples contextes intellectuels et culturels dans lesquels ces notions émergent. Il devient alors nécessaire de revenir sur ce qu’était l’absolutisme dans la France de l’époque moderne, afin de comprendre comment le pouvoir se construit et pour quelles raisons ce dernier fut qualifié – mais nuancé aujourd’hui par les historiens –  d’absolu.

Dans Le Prince absolu. Apogée et déclin de l’imaginaire monarchique, deuxième opus d’un diptyque, commencé avec le livre, Le pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté, Arlette Jouanna nous convie à comprendre les notions de pouvoir absolu, de prince absolu et d’absolutisme par une étude approfondie croisant l’histoire politique et l’histoire des idées politiques. Par l’étude des débats de l’époque entourant les théoriciens philosophiques du pouvoir politique, elle retrace comment ces notions se construisent dans l’imaginaire monarchique en France à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. Identifiant les guerres de religion du XVIe siècle, ainsi que les guerres civiles du XVIIe siècle, comme des éléments déclencheurs dans cette redéfinition du pouvoir politique, l’historienne en vient à identifier la nature traumatisante de ces événements; elle montre comment la peur du désordre, suivi de la mémoire des horreurs des guerres civiles, obséda les esprits, contribuant à faire accepter un renforcement considérable de l’autorité monarchique[2].

Mélancolie et résistance

Par Christian Nadeau, professeur titulaire au département de philosophie de l’Université de Montréal

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Gustave Courbet, Un enterrement à Ornans, 1849-1850. Source : Wikipedia Commons.

À propos de TRAVERSO, Enzo. Mélancolie de gauche. La force d’une tradition cachée (XIXe-XXIe siècle). Paris, La Découverte, 2016, 300 p.


Les philosophes et les médecins tentèrent d’expliquer les maladies de l’âme, tristesse et désordres mentaux par des causes naturelles. Selon les physiologistes, la « bile noire » est ce fluide décrit par la théorie des humeurs comme étant la cause de la dépression. En 1621, l’écrivain anglais Robert Burton faisait paraitre L’anatomie de la mélancolie, où l’immense érudition de l’auteur se trouve déployée dans le but d’expliquer et de traiter la mélancolie. Au-delà du recueil de citations médicales des Hippocrate et Galien, Burton voit dans la culture une pharmacie où la mélancolie est à la fois poison et remède. Une tradition fascinante de la mélancolie a fait l’objet de livres importants, dont le célèbre Saturne et la mélancolie par Klibansky, Panofsky et Saxl[1].

S’agit-il d’un paradoxe, les sociétés marquées par l’expérience communiste, comme celles des pays de l’Est – mais on peut supposer qu’il en ira de même sous peu à Cuba – ont toutes voulu faire un grand bond en arrière, se projetant dans un passé idéalisé par le conformisme et le conservatisme. La mélancolie apparait alors comme la mémoire spectrale d’un espoir qui, trop replié sur le passé, peine à inspirer les émancipations du futur. Inversement, les pays du printemps arabe ont construit leurs propres révolutions sans modèles politiques. Chassant du pouvoir les dictatures, elles peinent aujourd’hui à bâtir des sociétés libres et égalitaires, faute d’une représentation claire de ce qu’elles voudraient devenir. Qu’elles se projettent avec nostalgie dans le passé ou de manière aveugle vers l’avenir, ce qui manque à chaque fois est la raison et la motivation de la liberté, lesquelles ne peuvent se définir uniquement par des idéaux abstraits. Elles nécessitent une tradition, des mythologies qui offrent les référents sans lesquels il est impossible de créer une société nouvelle.

La fabrication de l’immobilisme culturel dans les pays arabo-musulmans : le cas du Maroc

Par Osire Glacier, Université Bishop

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Sources : Association des droits humains. Tous droits réservés.

Sources : Association marocaine des droits humains. Tous droits réservés.

Résumé

Les récits des droits fondamentaux restent dominés par une vision eurocentriste du monde. Aussi l’Occident tend à être associé aux valeurs progressistes, tandis que l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient tendent à être associés à l’arriération. En prenant pour cas d’étude le Maroc, je propose de montrer que l’immobilisme culturel dont souffrent les citoyens marocains est un produit politique. L’élite dirigeante s’approprie l’appareil de l’État, y compris le système de justice. Or avec une telle appropriation, cette élite viole impunément les droits culturels des citoyens. En fait, programmes délibérés de privation d’accès à l’éducation et au savoir, prohibition de la culture des droits humains et violences politiques, sous forme de censure, arrestations abusives et torture, sont quelques mécanismes qui amputent la richesse des expressions de la culture nationale, et produisent en fin de compte l’immobilisme culturel.

Mots-clés

droits culturels; droits religieux; islam; islamisation; traditionalisation; immobilisme culturel; récits droits de la personne; orientalisme; droits humains au Maroc; Maghreb; Afrique du Nord et Moyen-Orient

Introduction

Cet article soutient que les violations des droits humains au Maroc ne sont pas le résultat d’un déterminisme culturel, mais plutôt le produit des structures du pouvoir. En effet, quand les rapports internationaux portant sur la réalité des droits humains classent le Maroc parmi les pays les moins performants au monde[1], en général, cela étonne peu. Les maltraitances perpétrées par cet État à l’encontre de ses citoyens vont dans le sens des croyances populaires. Après tout, comme tous les pays de la région, le Maroc vit sous un régime autoritaire où les violations des droits humains sont la règle plutôt que l’exception. D’ailleurs, certains universitaires n’hésitent pas à expliquer cette situation par la culture arabo-musulmane[2]. Celle-ci serait intrinsèquement incompatible avec les valeurs démocratiques. En outre, d’autres vont jusqu’à diviser le globe entre un Orient despotique et un Occident démocratique[3].

Sport, culture et enjeu militaire en Grèce antique

Par Marin Sorasso-Bluem, M2 de recherche en Histoire – Mondes Antiques, Paris-Sorbonne

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Leonidas aux Thermopyles, par Jacques-Louis David (1814). Source : Musée du Louvre.

Leonidas aux Thermopyles, par Jacques-Louis David (1814). Source : Musée du Louvre.

Introduction

Au vu des récents événements sportifs contemporains, glorifiant le sport, la compétition et la fierté nationale, on peut se demander si cet esprit de pratique sportive a des échos dans l’histoire. Et pour ce faire, il convient de revenir aux origines de notre compétition olympique mondiale, inspirée du modèle grec et pourtant peut-être très différente. Si les Jeux Olympiques remontent à une réalité historiquement datée, la place de cet événement sportif change du tout au tout dans le monde méditerranéen antique : limitée géographiquement et culturellement au monde grec, cette compétition panhellénique rassemble des sportifs venant des familles les plus nobles et les plus fortunées de la Grèce, au sein d’un événement qui mêle communément religion et sport. Au-delà de ces jeux, il s’agit ici de voir la place particulière du sport dans ce monde qui a tant inspiré Pierre de Coubertin (1863-1937). Si les Grecs n’ont pas inventé le sport, ils sont à l’origine de la pratique de la « gymnastique » (de gymnos) signifiant « nu », des exercices physiques (gymnasia) sont pratiqués au sein du gymnasion (le gymnase), lieu emblématique. Quant à l’étymologie du mot « sport », elle est bien différente. Venant de l’ancien français disporter, le terme désigne une plus grande variété d’activités, du jeu physique à sa pratique intensive[1]. Nous utiliserons ainsi le mot sport dans son sens le plus vaste, pour désigner l’éducation des enfants, celle des homoioi spartiates, ou encore la pratique compétitive et l’entraînement militaire.

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