Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Histoire urbaine

Toponymie pour des oubliées : Le cas du boulevard des Allumettières à Gatineau

Par Kathleen Durocher, Université d’Ottawa

Mise en boîte – 1920. Bibliothèque et archives du Musée des sciences et de la technologie du
Canada, Fonds E.B. Eddy/Domtar.

Introduction

En étudiant les motivations derrière le choix de cet odonyme féminin, nous découvrons comment celui-ci suscitera le désir de faire une place aux femmes, plus spécialement aux femmes ordinaires, dans la toponymie. Les enjeux qu’entraîne la désignation de noms de rues, le questionnement sur la valeur des acteurs historiques, tout comme l’ambition de favoriser la reconnaissance des groupes marginalisés, devient particulièrement d’actualité à Gatineau en 2006 et 2007 alors qu’une nouvelle voie routière stratégique — dont l’aboutissement prit plus de 30 ans — demande à être baptisée. Parmi les 72 propositions faites au Comité de toponymie de Gatineau, un citoyen, Gabriel Guertin, soumet le nom « des Allumettières », affirmant que l’idée lui était venue spontanément, se remémorant ces ouvrières dont son arrière-grand-mère lui avait si souvent parlées[1].

Après deux mois de consultation et de réflexion, l’odonyme représentant ces ouvrières de l’allumette sera finalement attribué à l’axe routier. De ce fait, nous observerons comment les témoignages de support et la justification faite par le Comité de toponymie de Gatineau soulignent les multiples symboliques qu’éveillent les allumettières. Également, comment le choix de l’odonyme fera la lumière sur des ouvrières oubliées, mais également sur le désir d’une plus grande reconnaissance des femmes dans l’espace public par le biais de la toponymie.

Le choix du Comité

L’achèvement de la construction d’un nouveau boulevard à l’automne 2006, englobant trois routes déjà existantes[2], amena le besoin de nommer cette artère avant son ouverture en décembre 2007. Dans ce contexte, la Ville de Gatineau, une entité nouvellement créée après la fusion de cinq municipalités en 2002, met en charge de ce dossier son Comité de toponymie. Pour l’occasion, une nouvelle politique de dénomination toponymique est mise en vigueur la même année, officialisant par le fait même le Comité[3]. Le fonctionnement de ce dernier ainsi que ses choix se doivent d’être conformes aux recommandations et aux politiques de la Commission de toponymie du Québec (CTQ)[4]. C’est ainsi que le Comité met en branle le processus pour nommer la nouvelle route.

La procédure commence par un premier appel à la participation citoyenne. Comme le promeut la CTQ, le déroulement de la sélection doit laisser plus de places aux résidents de la ville et le choix doit résulter d’un mécanisme démocratique[5]. Ainsi, du 18 novembre au 9 décembre 2006, les Gatinois sont invités à proposer leurs suggestions pour nommer le nouveau boulevard. Au total, 72 propositions sont reçues. Le Comité procède donc à la sélection des soumissions satisfaisant le mieux ses critères. Cinq noms sont retenus : Aimé-Guertin, des Allumettières, Asticou, Jos-Montferrand et Philemon-Wright[6]. Ainsi, débute la deuxième phase de consultation. Entre le 20 janvier et le 18 février 2007, tous sont invités à voter sur la question[7]. Le 21 février, le Comité annonce que l’odonyme « des Allumettières » est le grand gagnant avec 44,8 % de votes[8]. Le choix est officialisé par les élus municipaux une semaine plus tard. En date du 3 décembre 2007, le boulevard des Allumettières est enfin ouvert à la circulation.

La rénovation urbaine de la Basse-Ville d’Ottawa : le réveil des citoyens

Par Caroline Ramirez, doctorante au département de Géographie de l’Université d’Ottawa, et Anne Gilbert, professeure au département de Géographie de l’Université d’Ottawa

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Introduction

Étude de la mobilisation contre la rénovation urbaine de la Basse-Ville Est

Avec l’approbation du projet de rénovation de la Basse-Ville Est par le Conseil de la Ville d’Ottawa le 21 mars 1966, s’amorça dans le cœur francophone de la capitale une ère de transformations majeures. Le quartier fut en grande partie rasé et, du fait du retard dans la reconstruction et de la désorganisation de la Ville dans le relogement des habitants, la population se déplaça en grand nombre vers d’autres quartiers ottaviens ou traversa la rivière des Outaouais pour rejoindre Hull et Gatineau, du côté québécois. Les institutions autour desquelles s’articulait la vie communautaire furent pour certaines démembrées, les autres déplacées et isolées par un réaménagement routier qui fit de ce lieu de la vie française à Ottawa une zone de passage plutôt qu’un point d’ancrage de la communauté.

Les oppositions au projet furent pourtant nombreuses. Un mouvement de citoyens pour la défense du quartier s’organisa ainsi à partir de 1969, près de trois ans après le début de la rénovation. Appuyé au départ par les autorités municipales qui devaient s’assurer de mécanismes pour faire le lien avec les résidents du quartier, il s’en distança progressivement pour devenir leur porte-parole et agir comme le défenseur de leurs droits. Ses appels à la préservation de l’esprit du quartier et à la défense de son patrimoine sont évocateurs d’une prise de conscience par les francophones du rôle joué par la configuration du cadre de vie sur la cohésion communautaire.

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