Par Walner OSNA[1], Université d’Ottawa

Résumé
Cet article analyse la critique (contestation de l’État) et la domination en Haïti à la lumière de la pensée de Luc Boltanski en considérant deux régimes politiques différents. D’une part, nous montrerons qu’une critique radicale du régime de Jean Pierre Boyer (1818-1843) a existé et qu’elle a pris la forme de mouvements armés. Ne laissant pas de place à cette critique de s’exprimer, le régime de Boyer a établi une domination simple. D’autre part, la critique a évolué (s’est transformée) en critique réformiste. Celle-ci a fait face à une domination complexe sous le régime de Michel Joseph Martelly (2011-2016), notamment parce que ce dernier a essayé d’incorporer la critique en adaptant son régime au contexte national et international post-1986.
Mots-clés
Haïti ; domination simple ; domination complexe ; critique ; régime politique
Introduction
Les questions de la critique (contestation) et de la domination politique traversent toute l’histoire politique d’Haïti. La société haïtienne est issue de la contestation. Elle a mené la plus grande révolution de l’histoire en remettant en question l’ordre capitaliste colonial esclavagiste : en novembre 1803, des «captifs[2]» ont mis en déroute la plus grande armée de l’époque, l’armée napoléonienne. Après l’indépendance d’Haïti, la critique et la domination ont pris des formes différentes selon l’époque et le régime politique. Cet article a pour objectif de comprendre la question de la domination en Haïti à la lumière de la sociologie de Luc Boltanski, et ce, en analysant deux régimes politiques différents. D’une part, nous analysons l’existence d’une critique radicale, prenant la forme de mouvements armés sous le régime de Jean Pierre Boyer (1818-1843). Cette contestation radicale a fait face à une domination simple en ce sens que le régime politique ne laissait pas de place à l’exercice de la critique. D’autre part, plus récemment, la critique a évolué et s’est transformée en critique réformiste et a mené à une domination complexe sous le régime de Michel Joseph Martelly (2011-2016). Ce dernier a incorporé la critique même si c’est pour la détourner de sa visée.