Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Religion Page 2 of 5

Prendre le voile: survivance, piété ou féminisme?

Par Mathilde Michaud, Doctorante à l’Université de Glasgow

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Cour du pensionnat de la Congrégation de Notre-Dame, Montréal, Canada-est (Québec), 18??.
Archives Congrégation de Notre-Dame, Montréal.

Dans le monde Atlantique Nord, les religieuses ont historiquement été perçues comme le bras auxiliaire d’une l’Église catholique en pleine modernisation. Au centre de l’essor de la religiosité, elles prospèrent et leur nombre croît malgré l’adversité, sans entraves, et leur importance aux yeux du Saint-Siège est telle qu’en 1852, l’Archevêque Paul Cullen en dit qu’elles sont « the best support to religion[1] ». Toutefois, tel que souligné par Micheline Dumont, il est facile de l’oublier lorsqu’on traite de cette institution androcentrique puisque les femmes ont plus souvent qu’autrement été reléguées à l’arrière-plan dans les recherches en histoire religieuse, demeurant dans l’ombre de leurs collègues masculins[2]. L’explosion du nombre de couvents au XIXe siècle rend cependant la tâche très difficile à ceux et celles qui souhaiteraient ignorer plus longtemps le nombre et l’importance des femmes parmi les religieux.ses. À cette époque, les femmes du Québec et de l’Irlande intègrent en effet les ordres catholiques à un rythme et à une échelle sans précédent[3]. La décennie  1840 marque le début de cette expansion fulgurante dans les deux pays. En effet, au Québec, les religieuses qui n’étaient que 650 en 1840 passent à 6600 à la fin du siècle, représentant près de 6% des femmes non mariées[4]. Durant la même période en Irlande, la taille des congrégations est multipliée par huit, alors même que, sous le coup de la famine, la population diminue de moitié[5].  Ce phénomène que certain.e.s ont qualifié de « révolution de la piété » soulève des questions incontournables pour les historien.ne.s des femmes et du genre : qu’est-ce qui a motivé tant de femmes à prendre le voile au XIXe siècle au Québec et en Irlande? S’agit-il réellement d’un élan collectif de dévotion religieuse tel que le suggère l’idée de révolution? S’agit-il plutôt d’une réaction à une nécessité économique? Ou encore, tel que suggéré par Marta Danylewycz, observons-nous l’éclosion d’une première mouvance féministe et le déplacement des corps féminins vers la sphère publique?

Sermons du dimanche et violence conjugale : points tournants religieux des identités maritales québécoises dans les années 1890

Par Mathilde Michaud, doctorante à la University of Glasgow

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Lorsqu’on explore les trajectoires de vie des femmes dans la culture chrétienne moderne, le mariage est souvent considéré comme un point tournant dans la construction de « l’identité féminine ». Si cette pression sociale s’est relâchée depuis les années 1960 et 1970, le mariage représentait une étape incontournable dans la vie des femmes au XIXe siècle et, le plus souvent, leur éducation était dédiée au développement des traits considérés désirables chez la bonne ménagère. Dans le Québec du XIXe siècle, le principal producteur de cette « identité féminine » est l’ultramontanisme, une branche du catholicisme accordant le pouvoir absolu au Pape et se refusant la moindre influence du libéralisme ou des soi-disant « libertés modernes »[1]. Prenant contrôle de l’éducation publique des mains de l’État et en revendiquant l’autorité temporelle de dicter la loi – surtout en regard des pratiques maritales – l’Église Catholique gagne un pouvoir social autant que spirituel sur les paroissien.ne.s québécois.e.s dans les années 1840[2]. Cet article investiguera les façons par lesquelles l’Église Catholique québécoise de la fin du XIXe siècle exerça son influence afin de réguler les expériences maritales individuelles ainsi que les scripts de genre – concept développé par Joan W. Scott référant aux attentes socialement prescrites en fonction du genre perçu d’un individu[3] – qu’elle souhaitait imposer plus particulièrement sur les femmes à l’intérieur de l’institution du mariage.

Cette analyse se fera à travers l’étude de deux sermons n’ayant pas été étudiés à ce jour et qui furent prêché lors de deux services consécutifs par le Père François-Xavier Cloutier en 1891 : « Des devoirs du mari en sa qualité de supérieur » et « Devoirs de la femme envers son mari »[4]. Vicaire de la Cathédrale de l’Assomption, église mère de l’Évêché de Trois-Rivières, les sermons du Père Cloutier sont d’une importance particulière en raison de sa position, mais aussi de la paroisse dans laquelle il prédiquait. Ordonné en 1874, Cloutier devient le troisième Évêque de Trois-Rivières en 1899 et est connu pour son intérêt particulier pour l’implication de l’Église Catholique dans l’éducation publique. Lorsqu’il prêcha ses deux sermons, François-Xavier Cloutier avait déjà atteint un certain statut au sein de l’Évêché, ayant été nommé Chapelain ainsi que prédicateur principal de la Cathédrale en 1884[5].

Une libération rêvée!

Par Maurice Demers, professeur à l’Université de Sherbooke et directeur de la revue HistoireEngagée.ca[1]

Le Marron Inconnu de Saint-Domingue. Crédit : Kristina Just (Flickr).

Le peuple haïtien a lutté tout au long de son existence pour conquérir sa liberté : il y a d’abord eu l’abolition de l’esclavage en 1794, ensuite la déclaration d’indépendance en 1804 (première république noire libre au monde), puis l’opposition à l’impérialisme (français et étatsunien) et l’insurrection contre les dictateurs qui ont marqué son histoire politique. Depuis 1942, des centaines de missionnaires québécois sont allés en Haïti pour évangéliser la population et appuyer l’Église locale, mais aussi pour accompagner le peuple dans sa quête d’émancipation. L’expérience de Sr Marie-Paule Sanfaçon en Haïti, de 1971 à 1990, nous renseigne sur sa rencontre avec le peuple haïtien et sur ce que les missionnaires ont tenté de semer dans ce pays. Nous nous sommes entretenus avec Sr Marie-Paule pour recueillir ses réflexions sur son expérience missionnaire.

Ce qui est d’abord ressorti de notre entretien, c’est tout l’amour que Sr Marie-Paule a pour le peuple haïtien. Elle nous a confié : Le peuple haïtien nous rentre dans la peau, il est très attachant. Après avoir appris le créole, interagi avec les jeunes et côtoyé les Haïtiens et Haïtiennes tant en ville qu’à la campagne, Sr Marie-Paule s’est si bien intégrée à son pays d’adoption qu’elle aurait aimé y passer le reste de ses jours.

Elle a d’abord enseigné la catéchèse, l’anglais, la géométrie et le dessin à l’école normale du Cap-Haïtien. Elle nous explique que le père Yves Bélizaire, curé au Trou-du-Nord, lui a ensuite demandé de travailler à la pastorale paroissiale. Après un bref séjour au Canada, elle accepte l’invitation de Mgr François Gayot qui réclame ses services au Cap-Haïtien pour s’occuper de la catéchèse. Si elle juge sa contribution humblement, Sr Marie-Paule a quand même réussi à toucher, par la formation transmise dans ses cours, des centaines de filles et de garçons haïtiens.

Fausses nouvelles, altérité et manifestations du racisme

Par Christine Chevalier-Caron, candidate au doctorat en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM)[1]

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Le 12 décembre dernier, TVA Nouvelles diffusait un regrettable reportage de Marie-Pier Cloutier qui allait provoquer un important tollé. La journaliste y affirmait faussement que les dirigeants de deux mosquées voisines de Côte-des-Neiges, autour desquels sont actuellement effectués des travaux, auraient passé un accord avec l’entrepreneur afin que les femmes travaillant sur le chantier en soient exclues le vendredi après-midi, moment lors duquel se tient la grande prière. En réaction à cette « nouvelle », les réponses ont été multiples : certains individus ont vivement et injustement critiqué les responsables de la mosquée, et, plus largement, les Musulmans.es; d’autres ont fait preuve de scepticisme en réclamant des preuves tangibles à la journaliste. En dépit du fait que Marie-Pier Cloutier a soutenu avoir en sa possession une preuve écrite « noir sur blanc », le caractère frauduleux de ses allégations, rapidement dénoncé par les dirigeants des Mosquées concernées, a été rapidement révélé au grand jour, et la « nouvelle » a été classée au rang des Fake News. Une fois la lumière faite sur cette affaire, TVA a finalement retiré ce reportage mensonger de sa plate-forme, et l’a remplacé par un timide message d’excuse dans lequel le média se justifiait en évoquant que les versions des témoins de cet « événement » avaient changé en court de route. Malgré les preuves évidentes de la supercherie du reportage, certaines personnes persistent à y croire : le vendredi 15 décembre, quelques dizaines d’individus.es se sont présentés.es aux abords des mosquées ciblées par le reportage afin de dénoncer une situation dont leur imagination fort probablement imprégnée d’islamophobie n’acceptait pas de reconnaître comme fausse.

La Déclaration Balfour : contexte et conséquences

Par Yakov Rabkin, Professeur titulaire au département d’histoire de l’Université de Montréal

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Tapis à l’effigie de Balfour. Tel-Aviv, années 1920. (Crédit: http://www.moreshet-auctions.com/carpet-with-the-image-of…).

Résumé

La Déclaration Balfour faite par le ministre des affaires étrangères britannique en novembre 1917 est un document historique dont la portée se fait sentir jusqu’à nos jours. Elle est à l’origine de la reconnaissance internationale de la colonisation sioniste en Palestine et du conflit que cette colonisation a engendré. La déclaration reflète en même temps l’antisémitisme qui stipule que les juifs constituent un corps étranger et ne peuvent pas faire partie intégrale de leurs pays. Leur place serait alors en Palestine. Les sionistes visent à transformer la Palestine en un État pour les juifs, ce que les Britanniques comprennent, mais ne formulent pas publiquement. La déclaration met fin aux promesses britanniques faites aux dirigeants de la région de favoriser la mise en place d’un grand État arabe indépendant. Par contre, le concept d’un État juif acquiert alors une légitimité internationale à travers la Société des Nations et les Nations Unies.

Mots-clés

sionisme; sionisme chrétien; antisémitisme; colonisation; Palestine; Israël?

Introduction

La Déclaration Balfour est une lettre dactylographiée qu’Arthur Balfour, le ministre des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, expédie le 2 novembre 1917 à Lionel Walter Rothschild, un leader de la communauté juive à Londres disposé à appuyer les sionistes. La lettre est si brève que la citer en entier n’alourdira guère cet article :

Cher Lord Rothschild,

Au nom du gouvernement de Sa Majesté, j’ai le plaisir de vous adresser ci-dessous la déclaration de sympathie à l’adresse des aspirations juives et sionistes, déclaration soumise au Parlement et approuvée par lui.

Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et fera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera accompli qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.

Arthur James Balfour

À la différence du terme « État » le vocable « foyer » est ambigu et ne possède aucun statut en droit international. Une semaine plus tard, la lettre est reproduite dans le Times sous le titre « Palestine for the Jews. Official Sympathy ». Le titre met en relief ce que la lettre tend à masquer : « La Palestine aux juifs » est bien différente de « l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Par ailleurs, l’original de la lettre rédigée par nul autre que Rothschild lui-même au cours de l’été 1917 parle également de la « reconstitution de la Palestine comme foyer national juif ». Les sionistes visent à transformer la Palestine en un État pour les juifs, ce que les Britanniques comprennent, mais n’articulent alors pas.

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