Musée national d’histoire, ou « Musée de la Nation » ? : retour sur quelques interventions lors des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64
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Martin, A. (2024). Musée national d’histoire, ou « Musée de la Nation » ? : retour sur quelques interventions lors des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64. Histoire Engagée. https://histoireengagee.ca/?p=13115Chicago
Martin Antoine. "Musée national d’histoire, ou « Musée de la Nation » ? : retour sur quelques interventions lors des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64." Histoire Engagée, 2024. https://histoireengagee.ca/?p=13115.Antoine Martin, étudiant à la maitrise en histoire à l’Université de Montréal
En tant que stagiaire chez Histoire Engagée, j’ai été mandaté pour couvrir les consultations sur la loi 64 instituant le Musée national de l’histoire du Québec (MNHQ). Ayant assisté aux débats, mes choix se sont portés sur quatre interventions en particulier, qui ont comme point commun de tabler sur la volonté d’étendre le mandat du futur musée afin de créer un récit pluriel ou, au minimum, de corriger la fixation maladive du ministre Lacombe sur la « Nation québécoise ».
Le 24 septembre 2024 fut la dernière journée d’une série d’audiences de la Commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale, portant sur le projet de loi 64 qui vise à entériner la création du Musée national d’histoire du Québec. En effet, les 17, 18, 19 et 24 septembre 2024, des spécialistes ont présenté leurs mémoires, formulant des recommandations au sujet de la mission et de la mise en place de ce nouveau musée national, quatrième institution du genre (les autres étant le Musée national des beaux-arts du Québec, le Musée d’art contemporain de Montréal et le Musée de la civilisation). Par la suite, l’Assemblée a adopté le projet de loi, le 10 octobre en l’occurrence. La loi a été sanctionnée une semaine plus tard.
Rappelons brièvement la liste des différents témoins qui sont intervenus durant ces audiences : Martin Pâquet, Yves Bergeron, Gérard Bouchard, Laurier Turgeon, Jean Hébert, Christine Bernier, Ollivier Hubert (et le Groupe d’étude sur le colonialisme québécois), Jonathan Livernois, Catherine Larochelle, Camille Robert et Johanne Lamoureux du côté des universitaires; la Fédération Histoire Québec, la Fondation Lionel-Groulx, l’Institut d’histoire de l’Amérique française, le Syndicat des professionnels et professionnelles du Gouvernement du Québec, la Société du patrimoine politique du Québec et le Conseil en Éducation des Première Nations, du côté des groupes et organismes. Toutes les interventions[1] et tous les mémoires déposés[2] sont disponibles en ligne. Pour ce texte, je reviendrai sur celles de l’Institut d’histoire de l’Amérique française, du Conseil en Éducation des Premières nations, de Jonathan Livernois et de Catherine Larochelle et Camille Robert.
Cependant, un préambule semble nécessaire, ne serait-ce que pour mettre en contexte ces audiences parlementaires. C’est que le projet de création de ce musée d’histoire avait suscité une assez vive controverse dans la foulée de l’annonce officielle en avril 2024. Lors d’une conférence de presse qui visait à présenter le projet de loi, le premier ministre François Legault avait exprimé le souhait que l’histoire qui sera racontée dans le futur musée serait celle de Champlain et des Canadiens français :
Il y a 11 nations autochtones, et puis on est ouverts à travailler avec eux autres pour aussi qu’il y ait des façons de faire connaître leur nation, mais l’idée c’est de montrer l’histoire de la nation qui était canadienne-française et qui est maintenant québécoise, qui a commencé avec Champlain[3].
Cette déclaration fut suivie de près par celle de l’historien-consultant du futur nouveau musée, Éric Bédard, qui estimait que les Premières Nations peuplaient la « préhistoire » de la « Nation québécoise ». Cette prise de position a aussitôt suscité la réaction critique de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), surprise de voir les Autochtones exclus de la sorte de la « véritable » histoire du Québec[4]. De plus, il s’avère que ce musée sera logé dans le pavillon Camille-Roy du Séminaire de Québec, déjà en voie de rénovation afin d’accueillir le vaisseau amiral des Espaces Bleus, ce projet de 17 musées, salles de spectacle et/ou autres équipements culturels à travers le Québec qui devaient servir dans le cadre d’un « legs nationaliste assumé », mais qui ont été abandonné à cause d’un budget qui s’alourdissait de manière considérable; aux yeux de plusieurs, le nouveau musée voyait le jour aux dépens de musées régionaux[5]. Au moment de l’annonce, d’autres voix encore se sont interrogées sur l’accent mis sur les Canadiens français en tant que groupe homogène, aux dépens des minorités issues de milieux culturels divers et variés, ainsi que des groupes traditionnellement ignorés comme les femmes ou les membres de la communauté LGBTQ+, qui ont également façonné le Québec d’aujourd’hui et dont l’importance ne devrait même plus être contestée[6]. À la lumière des déclarations des têtes pensantes du projet du MNHQ, il était difficile de ne pas craindre qu’il n’y ait aucune place pour ces groupes.
C’est pourquoi lors des séances parlementaires portant sur la loi 64, on a demandé à des spécialistes de diverses disciplines (muséologie, histoire, arts et littérature, géographie, etc.) de témoigner devant la commission, mémoires à l’appui, avec en plus des représentants autochtones du Conseil en Éducation des Premières Nations ainsi que de l’Association des Premières Nations du Québec et du Labrador. Les spécialistes devaient exposer leurs recommandations pour ensuite répondre aux questions du ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe (qui a déposé le projet de loi au nom du gouvernement caquiste), ainsi qu’à celles des membres de l’opposition, principalement la porte-parole de l’opposition officielle et députée du PLQ, Brigitte B. Marceau, ainsi que Sol Zanetti, député de Québec Solidaire.
Bien que la plupart semblent réceptifs à l’idée de la création du musée, presque tous s’accordent pour déclarer que le musée doit prendre forme de manière ordonnée, planifiée, avec toute la rigueur qui s’impose. Les intervenant.e.s voulaient s’assurer que le futur MNHQ et son administration collaborent avec les autres acteurs concernés par le projet, qu’il s’agisse des autres musées, des Premières Nations et Inuits, des groupes jadis exclus de l’histoire dite traditionnelle (communautés noires, juives, chinoises, ou groupes des ouvriers, des femmes, des membres LGBTQ+, etc.), que ce soit pour créer les expositions ou pour administrer le musée. Par exemple, dans leur mémoire, Thomas Wien et Karine Hébert, président et vice-présidente de l’Institut d’histoire de l’Amérique Française (IHAF), recommandent d’éviter une histoire militante et préconisent plutôt une histoire basée sur la compréhension, qui passe « par la prise en compte non seulement des valeurs communes et des consensus, mais aussi des tensions et des conflits qui ont marqué ce passé, qui en sont constitutifs[7] ». Wien et Hébert soulignent en outre qu’il est nécessaire d’historiciser la « nation québécoise », laquelle a mis du temps à voir le jour[8]. En examinant plus attentivement la question des autres communautés évoquées dans le projet de loi, les représentant.e.s de l’IHAF constatent que le projet de loi offre un rôle dans l’histoire de la nation québécoise à différentes communautés, que l’on soupçonne être des « communautés culturelles » telles que les Italo-Québécois.es ou les Noir.e.s. Mais quid des groupes à caractère social (ouvrier.ères, femmes, LGBTQ+)[9]? Une meilleure inclusivité paraît d’autant plus nécessaire que le législateur semble accorder une place minime (le terme « discrète » est privilégié par les auteur.e.s, possiblement par souci de politesse) aux Premières Nations, relégués au rang de concierges qui auraient eu la garde du territoire, en attendant l’arrivée des Canadiens français[10]!
C’est une approche qui est d’autant plus insultante aux yeux de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), qui devait encore digérer les déclarations controversées du premier ministre et de son historien-consultant. En effet, Ghislain Picard, le chef de l’APNQL, avait rapidement dénoncé ces propos pour ensuite revendiquer que des historiens autochtones reconnus s’impliquent dans le projet[11]. Avec cela en tête, le Conseil en Éducation des Premières Nations (CEPN), représenté par Denis Gros-Louis et John Martin, l’un étant le directeur général de la CEPN et l’autre le représentant attitré de l’APNQL, se sont présentés en chambre afin de présenter leurs recommandations lors de la séance parlementaire du 24 septembre 2024. Ils s’inspiraient du mémoire préparé par le CEPN, l’APNQL et l’Institut Tshakapesh. On y retient d’emblée les intentions déclarées du premier ministre et de son ministre de la culture, qui veulent pratiquement faire du MNHQ une institution centrée sur une supposée ethnie canadienne-française en faisant débuter le Québec à l’arrivée de Champlain ; le ministre écarte d’emblée la prise en compte du long passé des Autochtones en l’assimilant à faire « l’histoire de l’occupation du territoire de la vallée du Saint-Laurent », alors que le nouveau musée devrait s’en tenir aux faits et gestes de la « nation québécoise », selon lui[12]. Cependant, ce sont surtout les propos d’Éric Bédard, l’historien-consultant nommé par le gouvernement pour ce projet, qui réduisent l’entièreté de l’histoire des Premières Nations à une « préhistoire » du Québec : « On dit que l’histoire commence à l’écriture, et avant l’histoire, c’est la préhistoire. Peut-être que les autochtones sont un peu la préhistoire du Québec[13] ». Aux yeux de Denis Gros-Louis et John Martin, qui parlent ainsi au nom des groupes responsables du mémoire en question, cette déclaration est extrêmement problématique, puisqu’elle revient à réhabiliter le discours autour de la dépossession et l’expulsion des autochtones de leurs propres territoires, le tout au service d’intérêts coloniaux qui estiment bien de les traiter comme des « êtres primitifs ». Qui plus est, comme l’a rappelé John Martin durant les audiences, cette déclaration évoque aussi la doctrine de la terra nullius, selon laquelle l’Amérique n’aurait jamais été occupée avant l’arrivée des Européen.ne.s. Cette doctrine du 15e siècle, soulignent les intervenants, « a servi d’idéologie derrière la colonisation, l’expropriation forcée et la violence historique envers les Premières Nations ». C’est à ce titre, d’ailleurs qu’elle a été dénoncée par « la Commission de vérité et réconciliation du Canada, la Cour suprême du Canada et le droit international[14] ». Devant la controverse qu’elles ont suscitée, François Legault et Éric Bédard ont tous les deux retiré leurs déclarations respectives pour ensuite réitérer leur volonté de coopérer avec les Premières Nations. Néanmoins, ils ont simplement remplacé les propos incendiaires par des déclarations ambiguës, sans pour autant donner espoir que le projet puisse se faire de manière impartiale et scientifique, ce que dénoncent les porte-paroles des associations liées aux Premières Nations présents aux débats[15]. Plus globalement :
L’analyse du présent mémoire révèle que le projet de loi no 64, tel qu’il est proposé, ne répond pas aux recommandations de consultation et de codéveloppement avec les Premières Nations, et ne s’arrime ni aux principes de réconciliation ni à la reconnaissance des enjeux systémiques. Pour l’APNQL, le CEPN et l’Institut Tshakapesh, les musées doivent être des lieux de socialisation et d’éducation qui reflètent fidèlement l’histoire du Kepek, y compris celle des Premières Nations, qui ont habité ces territoires bien avant l’arrivée des Européens, et qui les ont sauvegardés et protégés depuis des temps immémoriaux, jusqu’à aujourd’hui.[16]
En fait, on pourrait même être porté à croire que tel que proposé, le projet de loi accorde au futur musée national d’histoire du Québec l’unique mandat de diffuser une sorte de « récit national » axé sur une conception étroite de la « Nation québécoise ». Justement, dans leur mémoire présenté à l’assemblée, Catherine Larochelle et Camille Robert, l’une étant professeure d’histoire à l’Université de Montréal et l’autre doctorante et chargée de cours en histoire à l’Université du Québec à Montréal, réitèrent le besoin d’éviter cet écueil de récit national et d’aller dans le sens d’une histoire plurielle. Allant dans le même sens que les porte-paroles de l’IHAF, les auteures évoquent ici le concept de nation qui sous-tend le projet de loi : non seulement a-t-il considérablement évolué du 19e au 20e siècle, il est carrément anachronique une fois transposé à la Nouvelle-France. De plus, se contenter de se borner au « récit national » équivaut à réduire au silence les récits d’histoire régionale ou même locale, lesquels parlent davantage à la population de la province[17]. Ce récit national, par son étroitesse, perpétuerait le silence qui entoure les différentes communautés qui ont contribué à la construction dite nationale, notamment les Premières Nations et les communautés dont la culture ou l’origine ne correspond pas à celle des Canadien.ne.s français.es (noires, juives, italo-québécoise, sino-québécoise, etc.). Par conséquent, comment ces communautés peuvent-elles s’identifier à l’histoire du Québec lorsque celle-ci les ignore[18]? Il y tant d’événements qui ne peuvent être entièrement intelligibles et compréhensibles lorsqu’on met de côté des groupes entiers :
Certains pans du passé ne peuvent être compris qu’à travers ces liens entre communautés. Ainsi, on ne peut pas raconter l’histoire des Rébellions sans tenir compte des anglophones qui y ont participé ; le développement des chemins de fer doit être compris à travers les ouvriers qui l’ont construit, ou les porteurs noirs qui travaillaient dans les trains ; la grève des midinettes, ces ouvrières juives et canadiennes-françaises, s’inscrit dans les résistances à ce qu’on a appelé « la Grande noirceur » ; on ne peut pas présenter le développement d’Hydro-Québec sans inclure les points de vue des Cris et des Inuits ; ou encore, on peut difficilement comprendre l’émergence du Front de libération du Québec sans tenir compte de l’influence de la pensée et des luttes décoloniales, notamment en Algérie. Une trame qui serait strictement centrée sur la nation, comprise dans son sens ethnique, ne permettrait pas de raconter notre histoire dans toute sa complexité.[19]
Enfin, disent les intervenantes, cet éventuel récit national qui sent le manuel scolaire, ne peut qu’ennuyer les jeunes, alors que le gouvernement prétend vouloir susciter leur intérêt pour l’Histoire québécoise. Pourquoi ne pas offrir un récit dense, complexe, pluriel, en mouvement[20]? Pour tout cela, les auteures préconisent quelques pistes de solutions, notamment par le biais de la mise en place de collaborations avec des centres d’archives indépendants et avec d’autres musées. Cela implique notamment de diversifier les sources où puiser les archives. Le nouveau musée ne possède pas de collections qui lui appartiennent et est obligé d’en emprunter au musée de la Civilisation; C. Larochelle et C. Robert l’encouragent à ratisser large, en passant par les centres archivistiques les plus divers[21]. Les historiennes terminent leur intervention en notant que la formulation du MNHQ (Musée national d’histoire du Québec, et non Musée de l’histoire de la nation québécoise) exige la tenue d’une histoire plurielle dans toute sa complexité, pas d’un récit unique basé sur l’expérience d’une seule partie de la population québécoise[22].
Soulignons que la plupart des spécialistes entendus lors des séances parlementaires sur la loi 64 semblent consentir à la construction du MNHQ (bien qu’ils demandent des amendements au projet). Le professeur titulaire de littérature, théâtre et cinéma de l’Université Laval et spécialiste d’histoire intellectuelle et culturelle Jonathan Livernois, n’est pas de cet avis. Il affirme que le projet de loi 64, dans sa forme actuelle, n’a pas sa place, puisqu’il conférerait au MNHQ une mission quasiment identique à celle du Musée de la civilisation et qu’il ferait une distinction inutile entre la culture et l’histoire. J. Livernois recommande donc que l’on précise le mandat du MNHQ afin de mieux le distinguer de celui du Musée de la civilisation. Il va jusqu’à prôner la « redéfinition de la mission du Musée national de l’histoire du Québec, telle qu’elle apparaît à l’article 2 du projet de loi 64[23] ». Pour expliquer sa première prise de position, il compare les missions des deux musées. D’abord, la mission du Musée de la civilisation est : « de faire connaître l’histoire et les diverses composantes de notre civilisation, notamment les cultures matérielle et sociale des occupants du territoire québécois et celles qui les ont enrichies[24] ». Pour ce qui est de la mission du futur Musée national d’histoire du Québec, elle serait : « de faire connaître et de promouvoir l’histoire du Québec, sa culture et son identité distincte ainsi que de témoigner de l’évolution de la nation québécoise et de l’apport des communautés qui ont façonné son parcours et son territoire.[25] ». Les seules différences, pour l’auteur, serait l’insertion de « l’identité distincte » dans la mission du MNHQ et l’absence de mention aux « occupants du territoire québécois » (mention présente dans la mission du MCQ) ce qui affiche une redondance significative par rapport à ce qui a déjà été établi en 1984[26].
Pour expliquer sa deuxième position, l’auteur explique que la distinction entre histoire et culture, « qui ne tient pas la route », n’a comme seule raison d’être qu’une sorte de justification politique basée sur une conception politique du 19e siècle qui avait pour conséquence de bloquer la prise de conscience nationale des Canadiens français. Si on ne fait que se borner à séparer la culture de l’histoire, cette séparation factice aurait comme effet de semer la confusion[27]. Afin de mieux distinguer les deux institutions, J. Livernois recommande notamment de doter le MNHQ de la mission suivante : « faire connaître et de promouvoir l’histoire du Québec et sa culture ainsi que de témoigner de l’évolution de la nation québécoise en prenant soin de montrer l’enrichissement et la participation des peuples autochtones et des communautés culturelles à ce parcours.[28] ». L’auteur explique ainsi ce changement souhaité en évoquant les problèmes de politisation des débats que pose « l’identité distincte » ainsi que l’occultation des communautés des Premières Nations et autres : on ne peut prétendre qu’ils ont aidé à façonner les Québec sans en faire partie[29].
S’il y a un bilan à retirer de tout cela, je crois que l’ensemble des débats entre les spécialistes et la classe politique auraient eu, à mes yeux, un résultat mitigé. D’une part, bien que le MNHQ soit une création du gouvernement caquiste, l’administration qui gèrera ce musée sera indépendante du parti au pouvoir, ce qui devrait lui assurer une marge de manœuvre conséquente, du moins en théorie. D’autre part, le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, s’est contenté de demander à chacune des personnes venues donner leur avis à la commission une profession de foi en l’existence de la « Nation Québécoise ». Ce, pour mieux écarter toute histoire accordant un rôle majeur aux peuples autochtones, qui, n’ayant pour sujet que « l’occupation du territoire de la vallée du Saint-Laurent », serait en définitive non nationale. Ce qui n’a pas empêché certain.e.s intervenant.e.s de proposer d’autres versions de l’histoire nationale. On peut nommer par exemple la réponse de Jonathan Livernois lors de la séance du 18 septembre, à la question de la définition de la « nation » vis-à-vis la « société » : elle existe, mais il est difficilement imaginable de voir la nation comme « un fil conducteur qui partirait de Cartier et de Champlain », puisqu’il faudrait par exemple occulter des lieutenants de Papineau d’origine irlandaise comme O’Callaghan ou d’autres de ses partisans comme Daniel Tracey[30]. Ou les vifs échanges verbaux entre Catherine Larochelle et le ministre Lacombe lorsqu’on arrive à la question autochtone et de leur intégration à la « Nation québécoise[31] ». Ou même le moment où le ministre Lacombe prétend que les représentants des intérêts des Premières Nations, John Martin et Denis Gros-Louis, sont contre la création d’un musée de la nation québécoise à la suite de leur demande de ne pas retomber dans le paradigme du colonisateur[32]. En fait, il est difficile de croire que le projet du MNHQ ne restera pas un projet aux fins partisanes, maintenant qu’il a été adopté et sanctionné sans réel changement. En plus de l’adoption de la loi 64 en octobre dernier, il y a eu du développement conséquent quant à cette affaire, notamment la nomination du directeur général du MNHQ ainsi que de celle de la nouvelle directrice générale du Musée de la civilisation. Si la nomination de cette dernière se montre rassurante quant à l’avenir du Musée de la civilisation, la CAQ a opté, dans le cas du MNHQ, pour un candidat dont l’historique, en ce qui concerne le projet de la création du MNHQ, se résume à accuser les historien.ne.s qui ont signé une lettre ouverte en mai dernier d’avoir exprimé de la suspicion face à un projet qui souhaite susciter « l’admiration des ancêtres, l’amour de la nation et la fierté[33] ». Combiné au fait qu’il n’y ait eu que très peu de changements (et donc que la plupart des recommandations sont restées « lettre morte »), je crois qu’il nous faudra nous montrer plus vigilant par rapport à ce qui se passera ensuite au sein du Musée national d’histoire du Québec.
Bibliographie
Mémoires :
- Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Conseil en Éducation des Premières Nations et Institut Tshakapesh, « Mémoire portant sur le projet de loi No 64 », (mémoire présenté à l’Assemblée nationale dans le cadre de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec), 15 p. https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_202887&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
- Hébert, Karine et Thomas Wien, « Mémoire de l’Institut d’histoire de l’Amérique française (1970) », (mémoire présenté à l’Assemblée nationale dans le cadre de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec), 8 p. https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_202781&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
- Livernois, Jonathan, « Mémoire présenté à la Commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale », (mémoire présenté à l’Assemblée nationale dans le cadre de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec), 12 p. https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_202385&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
- Robert, Camille et Catherine Larochelle, « Pour une histoire plurielle », (mémoire présenté à l’Assemblée nationale dans le cadre de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec), 4 p. https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_202971&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
Articles de presse :
- Auger, Michel C., « Une épopée des plus brillants exploits… », La Presse, mise à jour le 12 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/contexte/chroniques/2024-05-12/une-epopee-des-plus-brillants-exploits.php
- Béland, Gabriel, « Legault veut un musée pour « la nation qui était canadienne-française » », La Presse, mise à jour le 8 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/actualites/2024-05-08/musee-national-d-histoire-du-quebec/legault-veut-un-musee-pour-la-nation-qui-etait-canadienne-francaise.php
- Pedneaud-Jobin, Maxime, « Le nécessaire récit national », La Presse, mis à jour le 9 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2024-05-09/le-necessaire-recit-national.php
- Robert, Camille et Catherine Larochelle, « Les risques d’un retour au « récit national » », La Presse, Mis à jour le 2 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/dialogue/opinions/2024-05-02/musee-national-de-l-histoire-du-quebec/les-risques-d-un-retour-au-recit-national.php
Vidéos des séances parlementaires :
- Assemblée Nationale du Québec, Audition de M. Jonathan Livernois, professeur titulaire, Département de littérature, théâtre et cinéma, Université Laval sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec, 18 septembre 2024, 42 minutes 46 secondes. https://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-commissions/AudioVideo-105425.html
- Assemblée Nationale du Québec, Audition du Conseil en Éducation des Premières Nations sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec, 24 septembre 2024, 45 minutes 6 secondes. https://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-commissions/AudioVideo-105573.html
- Assemblée Nationale du Québec, Audition de Mme Catherine Larochelle, professeure agrégée, Département d’histoire, Université de Montréal et Mme Camille Robert, doctorante et chargée de cours, Département d’histoire, Université du Québec à Montréal sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec, 24 septembre 2024, 43 minutes 8 secondes. https://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-commissions/AudioVideo-105575.html?appelant=MC
[1] https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/cce/mandats/Mandat-51813/index.html
[2] https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CCE/mandats/Mandat-51813/memoires-deposes.html
[3] Gabriel Béland, « Legault veut un musée pour « la nation qui était canadienne-française » », La Presse, mise à jour le 8 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/actualites/2024-05-08/musee-national-d-histoire-du-quebec/legault-veut-un-musee-pour-la-nation-qui-etait-canadienne-francaise.php
[4] Ibid.
[5] Michel C. Auger, « Une épopée des plus brillants exploits… », La Presse, mise à jour le 12 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/contexte/chroniques/2024-05-12/une-epopee-des-plus-brillants-exploits.php
[6] Camille Robert et Catherine Larochelle, « Les risques d’un retour au « récit national » », La Presse, Mis à jour le 2 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/dialogue/opinions/2024-05-02/musee-national-de-l-histoire-du-quebec/les-risques-d-un-retour-au-recit-national.php
[7] Thomas Wien et Karine Hébert. « Mémoire de l’Institut d’histoire de l’Amérique française (1970) », (mémoire présenté à l’Assemblée Nationale dans le cadre de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec), p. 4-5.
[8] Ibid., p. 5-6.
[9] Ibid., p. 6.
[10] Ibid., p. 6.
[11] Gabriel Béland, « Des propos de François Legault indisposent les Premières Nations », La Presse, publié le 7 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2024-05-07/musee-national-de-l-histoire-du-quebec/des-propos-de-francois-legault-indisposent-les-premieres-nations.php
[12] Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Conseil en Éducation des Premières Nations et Institut Tshakapesh, « Mémoire portant sur le projet de loi No 64 », (mémoire présenté à l’Assemblée Nationale dans le cadre de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec), p. 7-8.
[13] Gabriel Béland, Op Cit. https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2024-05-07/musee-national-de-l-histoire-du-quebec/des-propos-de-francois-legault-indisposent-les-premieres-nations.php
[14] Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Conseil en Éducation des Premières Nations et Institut Tshakapesh, Op Cit., p. 8.
[15] Ibid., p. 7.
[16] Ibid., p. 11.
[17] Camille Robert et Catherine Larochelle, « Pour une histoire plurielle », (mémoire présenté à l’Assemblée Nationale dans le cadre de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec), p. 1.
[18] Ibid., p. 1-2.
[19] Ibid., p. 2.
[20] Ibid., p. 2.
[21] Ibid., p. 3.
[22] Ibid., p. 3.
[23] Jonathan Livernois, « Mémoire présenté à la Commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale », (mémoire présenté à l’Assemblée Nationale dans le cadre de consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 64, loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec), p. 2.
[24] Ibid., p. 3.
[25] Ibid., p. 3.
[26] Ibid., p. 4.
[27] Ibid., p. 5.
[28] Ibid., p. 8.
[29] Ibid., p. 8 à 10.
[30] Assemblée Nationale du Québec, Audition de M. Jonathan Livernois, professeur titulaire, Département de littérature, théâtre et cinéma, Université Laval sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec, 18 septembre 2024, 12 minutes 22 secondes. https://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-commissions/AudioVideo-105425.html
[31] Assemblée Nationale du Québec, Audition de Mme Catherine Larochelle, professeure agrégée, Département d’histoire, Université de Montréal et Mme Camille Robert, doctorante et chargée de cours, Département d’histoire, Université du Québec à Montréal sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec, 24 septembre 2024, 21 minutes. https://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-commissions/AudioVideo-105575.html?appelant=MC
[32] Assemblée Nationale du Québec, Audition du Conseil en Éducation des Premières Nations sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec, 24 septembre 2024, 15 minutes 9 secondes. https://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-commissions/AudioVideo-105573.html
[33] Maxime Pedneaud-Jobin, « Le Nécessaire récit national », La Presse, mis à jour le 9 mai, 2024. https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2024-05-09/le-necessaire-recit-national.php
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