Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Francophones hors Québec Page 1 of 2

Pour maintenir le dynamisme du Campus Saint-Jean

Par Valérie Lapointe-Gagnon et Anne-José Villeneuve, respectivement professeures en histoire et en linguistique au Campus Saint-Jean, et 937 signataires

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L’ancien premier ministre albertain, Ralph Klein, en parlait comme du secret le mieux gardé de l’Ouest. Fondé en 1908, le juniorat Saint-Jean, devenu une faculté de l’Université de l’Alberta en 1977, occupe depuis plus de 100 ans une place incontournable dans la francophonie albertaine, canadienne et internationale. Seul établissement postsecondaire francophone en Alberta, le Campus Saint-Jean forme les enseignant.es, juristes, chercheur.es, infirmier.ères, organisateur.trices communautaires, fonctionnaires qui font une différence dans leur communauté et répondent aux besoins des francophones en Alberta et à travers le pays. Celles et ceux qui ont franchi les portes du Campus savent combien son rôle est essentiel ; grâce à sa chorale et à son théâtre, à son offre de cours allant des sciences aux arts de la scène, à sa bibliothèque, il permet aux étudiant.es des 1er et 2e cycles de vivre en français et de savourer les cultures francophones au quotidien, chose précieuse dans une province au visage anglophone aussi affirmé que l’Alberta. Or, ce milieu de vie essentiel au rayonnement du français est aujourd’hui menacé.

Les compressions répétées du gouvernement albertain fragilisent l’ensemble du secteur public et des universités, mais ont une incidence particulière sur l’avenir du Campus Saint-Jean. Aux réductions du financement des établissements postsecondaires de 4,7 % annoncées en décembre, d’autres de 8,5 % se sont ajoutées lors du dernier budget de février. Résultat : le Campus fait face à un déficit de plus de 1,5 million de dollars. Sur l’ensemble du budget d’une province, ce montant représente une goutte d’eau; pour le Campus, c’est ce qui fait la différence entre continuer d’offrir des programmes diversifiés et être sur le respirateur artificiel. Avant même la COVID-19, répondre aux demandes du gouvernement provincial signifiait déjà pour le Campus une asphyxie presque certaine, dont la réduction de 44 % de son offre de cours, soit l’équivalent de 180 cours. Et pourtant, ces compressions arrivent à un moment où, hormis l’incertitude causée par la pandémie, le Campus Saint-Jean a le vent dans les voiles.

Ce qu’il faut savoir au sujet des communautés francophones du Canada…

Par Rebecca Lazarenko, York University

En octobre 2018, Denise Bombardier était invitée à l’émission, Tout le monde en parle, pour promouvoir son livre. Lors d’un échange avec Jean Chrétien, elle a déclaré qu’« à travers le Canada, toutes les communautés francophones ont à peu près disparu[1]. » Selon elle, s’il y a encore quelques communautés francophones en Ontario  et au Manitoba, et chez les Métis, « on ne parle plus le français là ». Sincèrement blessés par ces paroles, indignés et sous le choc, les francophones du reste du Canada ont réagi fortement. Cette entrevue a donc inspiré le documentaire, Denise au pays des Francos, et une tournée au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Manitoba en 2019. Lors d’une seconde entrevue à Tout le monde en parle en octobre 2019, elle a révélé qu’elle n’avait pas changé d’avis et a fait plusieurs commentaires dénigrants sur les francophones du Canada[2].

En écoutant les propos de Bombardier, on peut se demander si elle a bien compris les communautés francophones du Canada ou l’esprit de leurs membres. Étant membre de la communauté francophone de l’Alberta, je peux confirmer que ceci nous dérange parce que nous voulons que nos identités soient comprises et acceptées, mais cela ne peut pas être accompli si les individus qui parlent de nous ne nous comprennent pas et s’ils n’ont aucune intention d’essayer de nous comprendre.

La communauté francophone de l’Alberta réagit à la crise de conscription

Par Rebecca Lazarenko, Université York

Le souvenir de la crise de la conscription (1917-1918) évoque souvent les tensions et le clivage entre les anglophones et les Canadien.ne.s français.es au Québec, mais aussi dans le reste du pays. Comme l’historienne américaine Elizabeth Armstrong le mentionne, cette période est marquée par une profonde hystérie raciale[1]. En bref, en raison d’une différence de pensée au sujet du « devoir » des Canadien.ne.s français.es[2] du Québec pendant la Guerre, les journaux anglophones ont accusé ces derniers d’être de « mauvais Canadiens », des « ennemis intérieurs[3] », des « traitres[4] » et des « déloyaux[5] ». De nombreux journaux ont aussi intensifié leurs attaques contre sir Wilfrid Laurier et, subséquemment, les francophones qui l’appuyaient, clamant qu’« un vote pour Laurier [était] un vote pour le Kaiser[6] »,ou que« […] la doctrine de Laurier recueillait sans aucun doute la faveur du Kaiser[7]. » Cependant, comme il est bien décrit dans l’historiographie, les francophones du Québec ne croyaient pas « devoir » participer à la guerre, jugeant plutôt que l’effort militaire relevait d’un choix et de valeurs individuelles et familiales. Il y avait, par contre, deux responsabilités qui leur tenaient à cœur : la défense du territoire du Canada[8] et la préservation de la culture et de la langue française[9]. Puisque la guerre se déroulait en Europe — et non pas au Canada —, la volonté de protéger la culture canadienne-française de ce qui était perçu comme des assauts d’assimilation des milieux anglophones[10] primait, même si la guerre faisait rage outre-mer. En ce sens, il est normal que les appels à la conscription aient eu peu d’écho chez les Canadien.ne.s français.es du Québec qui, généralement, s’y opposaient.

Quelle université pour quelle société? Petite histoire du débat intellectuel entourant la question universitaire franco-ontarienne*

Michel Bock, professeur d’histoire, Université d’Ottawa

François-Olivier Dorais, professeur d’histoire, Université du Québec à Chicoutimi

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Crédit : RÉFO (Regroupement des étudiants franco-ontariens)

À la suite des décisions récentes du gouvernement Ford, la question universitaire franco-ontarienne a fait un retour en force dans l’actualité. Rappelons que le premier ministre ontarien a décidé, dans sa mise à jour budgétaire du 15 novembre dernier, de mettre un terme au projet de l’Université de l’Ontario français, en plus d’intégrer le Commissariat aux services en français au bureau de l’ombudsman de l’Ontario et d’annuler une aide financière promise au théâtre La Nouvelle Scène d’Ottawa. Depuis, plusieurs représentants de la communauté franco-ontarienne ont manifesté leur désaccord et leur colère en demandant au gouvernement de revenir sur sa décision, d’autant que ce projet d’université, adopté sous forme de projet de loi en 2015, était sur le point de voir le jour à Toronto et en voie d’accueillir sa première cohorte d’étudiants en 2020. Les Franco-Ontariens ont même pu compter sur l’appui récent de l’Institut d’histoire de l’Amérique française qui, dans les pages du Devoir du 21 novembre dernier, a dénoncé l’abolition de cette université au motif qu’elle portait « entrave à la constitution du lien social et le maintien du bien commun[1] » pour la minorité franco-ontarienne. Depuis, cette lettre a recueilli plus de deux cent signatures de la part de professeurs du Québec et de l’Ontario.

            Si la question universitaire occupe une telle place dans l’espace public franco-ontarien ces dernières années, c’est parce que l’université n’est pas tout à fait une institution comme les autres et qu’elle joue un rôle de structuration sociétale particulier. Elle est un lieu qui contribue à l’édification et à la permanence des cultures et des sociétés, un lieu dont la mission première est d’engendrer la réflexion et le débat sur leur finalité au-delà des contingences, des besoins, voire des tendances intellectuelles du moment. Cette réflexivité propre à l’institution universitaire lui confère une mission existentielle qui la conduit à transcender les impératifs purement stratégiques et circonstanciels auxquels certains voudraient l’astreindre. Cette fonction normative de l’université en fait une institution vitale au projet de société franco-ontarien, si tant est que, comme l’indiquait Joseph Yvon Thériault à propos de l’Acadie et de l’Université de Moncton, « [i]l faut se croire une société pour avoir la prétention de pouvoir s’offrir une université[2] ».

Pour l’Université de l’Ontario français

Avec deux lignes de son énoncé budgétaire, le gouvernement de Doug Ford a annoncé le 15 novembre dernier l’abolition de l’Université de l’Ontario français. Joint à la fermeture du Commissariat aux services en français, ce geste atteint les droits acquis des francophones de l’Ontario à l’éducation postsecondaire exclusivement dans leur langue, des droits qu’ils ont obtenus de haute lutte avec la création de l’Université le 1er juillet dernier. À notre connaissance, il s’agit d’un précédent dans le monde contemporain : pour la première fois, un État abolit une université pour des considérations budgétaires. Ce précédent remet en cause le rôle accordé au haut savoir et le maintien d’une communauté, principes au cœur même de notre vie en société

Au-delà de la simple préparation à l’emploi, une université est une institution cruciale dans toute communauté. C’est encore plus le cas si celle-ci est minoritaire. L’université, est un lieu d’émancipation et de responsabilisation. Grâce à la formation des personnes et au développement des connaissances, elle habilite les citoyens et les citoyennes à l’exercice de leurs droits. En étant en contact avec le haut savoir, il est possible de faire des choix éclairés et de contribuer pleinement à son épanouissement individuel comme collectif.

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