La corruption dans le milieu politique

Valérie Lapointe Gagnon, responsable du numéro thématique

Le cynisme est un terme qui revient souvent lorsqu’est évoquée la classe politique ces jours-ci, où les discussions sur l’usage des caisses des partis politiques, sur le patronage dans les nominations, ou sur l’après-carrière politique des élus se succèdent. Les responsables politiques récoltent bien peu de fleurs de la part de l’électorat. Au «baromètre des professions» de Léger Marketing paru en 2010, les politiciens se retrouvent au 36e rang sur 37, devançant seulement les vendeurs de voitures usagées. La réputation des responsables politiques semble décidément atteinte.

HistoireEngagée.ca a voulu retracer les racines historiques de ce phénomène en lançant un appel d’articles pour un numéro thématique portant sur la question épineuse de la corruption dans le monde politique. Des malversations entourant l’aventure de la Confédération canadienne (Kelly, La petite loterie, 1997), à l’affaire des culottes à Vautrin (un ancien ministre libéral s’étant fait payer des culottes pour aller visiter certains sites ruraux), en passant par le scandale du gaz naturel, plongeant dans l’eau chaude l’Union nationale de Maurice Duplessis, dénoncé par le Devoir en 1958, il apparaît que malversations et politique ont à plusieurs reprises marivaudé ensemble.

Ce phénomène ancien fait actuellement les manchettes et continuera d’alimenter les débats avec la prochaine Commission Charbonneau sur le monde de la construction qui devrait apparaître sur les radars cet automne. En attendant cette commission qui, aux dires du plusieurs, a tardé à voir le jour, voici deux articles signés par des historiens de la relève, Mathieu Lapointe et Alexandre Turgeon. Dans son article, Mathieu Lapointe dresse un parallèle entre la récente Commission Bastarache et l’enquête Cannon, qui s’est déroulée au Québec en 1944 sous le gouvernement d’Adélard Godbout. L’auteur soulève les similitudes et les différences entre les deux enquêtes, mises sur pied pour contourner le véritable problème. À la lumière de son article, c’est tout le contexte dans lequel sont initiées les commissions d’enquête qui en vient à être questionné.

Revenant sur le scandale du gaz naturel, l’article d’Alexandre Turgeon témoigne de la lutte contre la corruption entreprise par Paul Sauvé qui a pris la relève de Maurice Duplessis à la tête de l’Union nationale à la fin des années 1950, à un moment où les malversations ont terni la réputation du milieu politique. Quelles sont les stratégies qui peuvent aider un responsable politique à se sortir du marasme de la corruption? Voilà une question à laquelle s’attache l’article d’Alexandre Turgeon en montrant la rupture entre la façon de procéder de Paul Sauvé et celle de Maurice Duplessis. Tandis que ce dernier optait pour la loi du silence et voulait éviter que les problèmes se faufilent dans les débats en chambre, le premier affronta la question avec panache et obtint, grâce à cette stratégie, un certain succès.