L’envers de l’ordre colonial : genre et homosexualité en Nouvelle-France

Publié le 23 septembre 2024

Citer cet article

APA

Dispans, R. (2024). L'envers de l'ordre colonial : genre et homosexualité en Nouvelle-France. Histoire Engagée. https://histoireengagee.ca/?p=12971

Chicago

Dispans Romain. "L'envers de l'ordre colonial : genre et homosexualité en Nouvelle-France." Histoire Engagée, 2024. https://histoireengagee.ca/?p=12971.

Romain Dispans, étudiant diplômé du master d’histoire de l’EHESS au terme d’un échange à l’Université de Montréal.

BAnQ Québec, TP1, S28, P2511, 20 août 1691, Arrêt ordonnant que Nicolas Daucy de Saint-Michel, Jean Forgeron dit Larose et Jean Filiau, soldats accusés d’avoir commis le crime de « sodomie », soient interrogés.

Tout comme l’univers du Western, la société canadienne des premières décennies du Régime français est une société homosociale, c’est-à-dire qu’elle est en grande majorité constituée de colons de sexe masculin. Comme au cinéma, l’historiographie s’est peu intéressée jusqu’ici aux sexualités non-hétéronormées qui s’y manifestent. La faute incombe aux sources, qui manquent cruellement, mais aussi à la recherche, qui en a surtout étudié l’impact sous l’angle des rapports de pouvoir avec les colonisées. Cet essai propose de voir comment l’homosexualité a été appréhendée par les historien.nes du fait colonial et impérial francophone. En s’attachant à la Rencontre, il s’agit de dégager des pistes d’analyse sur les rapports affectifs et sexuels nés de la traite des fourrures. Loin des villes, de l’Église et de l’État, les colons européens sont-ils susceptibles de s’« ensauvager », comme le prétendent les Relations jésuites ? Et même en pleine vallée laurentienne, que révèle le silence des sources quant au traitement des relations non-hétérosexuelles par le récit historique ?

Mots-clés : genre, homosexualité, Nouvelle-France, Rencontre, colonialisme, racisme.

Introduction

Au XVIIe siècle, la société coloniale de Nouvelle-France est majoritairement constituée d’hommes célibataires[1]. Cette situation démographique inédite dure jusqu’à la fin du siècle[2]. Colonie d’exploitation, la Nouvelle-France a bien du mal à enraciner ses colons en majorité jeunes, célibataires et contractuels. Pour y remédier, les autorités coloniales encouragent un temps les mariages mixtes avec des Huronnes-Wendates ou des Outaouaises, dans l’espoir de favoriser leur assimilation. Ces unions ont contribué à élaborer le fantasme d’un Québec racialement et culturellement métissé, fantasme qui hérité du schéma groulxien de la « race » canadienne francophone[3]. C’est qu’à partir de 1663, l’arrivée progressive des 770 « filles du roi », des Françaises dont l’installation était matériellement soutenue par l’Église et la couronne pour qu’elles se marient avec un colon, mit un terme à cette politique et fit dès lors place à la mixophobie et au racisme d’État[4]. Si le déséquilibre matrimonial des premières décennies du Régime français a bien été abordé, personne ne l’a encore interrogé sous le prisme des relations affectives et sexuelles entre hommes. C’est que les sources manquent cruellement. Dès lors, comment l’histoire transculturelle et postcoloniale de la vallée laurentienne peut-elle intégrer l’histoire des homosexualités et les Gender Studies[5] ? La rencontre semble être une piste étant donné qu’elle est documentée notamment par les Relations jésuites et la correspondance administrative, donc par des sources coloniales qui, bien qu’incomplètes et sélectives par essence, permettent d’entrevoir le regard porté (ou plutôt promu) par les institutions sur les rapports du quotidien. Le travail le plus influent à ce sujet est celui de Richard White, qui a théorisé en 1991 le concept de Middle Ground [6]. Partant du constat que la région des Grands Lacs n’a pu être contrôlée par les Européens avant le XIXe siècle, donc que les rapports de sexe et de genre judéo-chrétiens n’ont pu y être instaurés avant, White soutient que les XVIIe et XVIIIe siècles ont donné lieu à une grande variété d’accommodements visant à établir un modus vivendi dans lequel des acteur.rices de cultures différentes adoptent des comportements semblables et intelligibles de tous.tes. Gilles Havard a évoqué l’attrait qu’ont pu exercer des modes de vie dépourvus de contrainte apparente (la sexualité par exemple) pour les « voyageurs[7] » européens. À l’instar des autorités coloniales, qui finirent par redouter les mariages mixtes en raison du départ des hommes pour le village de leur nouvelle épouse, il en arrivait à se demander si les sociétés autochtones pouvaient vraiment réveiller des « pulsions » humaines bridées dans les sociétés européennes du XVIIe siècle, dans la perspective jésuite de « l’ensauvagement »[8]. La présente étude part de cette réflexion pour voir comment étudier l’homosexualité et le genre sous le régime français. Il s’agit de dégager des pistes épistémologiques et méthodologiques à partir des sources et de plusieurs travaux connus, en ayant une attention particulière à la place que ménagent les historien.nes aux rapports non-hétérosexuels dans leurs récits. L’enjeu n’est pas seulement de faire un état de l’art ; ce sera aussi l’occasion de développer nos propres postulats à travers les rares sources auxquelles nous avons eu accès.

La bispiritualité américaine : l’exemple des nations des Plaines et des Cherokees

En histoire autochtone, le genre et la sexualité mènent inévitablement aux « bardaches ». Du persan barah, ce mot désigne un homme passif dans un rapport homosexuel[9]. Il a été remplacé, depuis la troisième édition du Congrès intertribal américain des Gays et Lesbiennes des Premières Nations (1990), par le concept autochtone de Two spirit, ou de bispiritualité. Cela fait référence aux personnes dotées d’un esprit « double », à la fois masculin et féminin, et dont l’expression de genre n’est pas nécessairement celle du sexe assigné à la naissance[10]. La bispiritualité est attestée dans de nombreuses nations dès le XVIe siècle[11]. L’aborder demande de distinguer le genre de l’orientation sexuelle. Le premier correspond à l’ensemble des modes d’expression du masculin ou du féminin chez tout un.e chacun.e. Il ne recoupe pas nécessairement le sexe biologique. La seconde réfère au genre vers lequel on est sexuellement attiré.e. Raymond J. DeMallie explique que le genre correspond à des rôles sociaux spécifiques chez les nations autochtones : le logis et l’artisanat relèvent par exemple plutôt du féminin, la guerre et la chefferie du masculin. Cela s’exprime dans un ensemble de modes d’expression : la posture, les habits, la langue, les émotions, etc[12]. Chez les Lakotas, il y a une stricte ségrégation des genres au XIXe siècle. Cette opposition passe par celle des attentes morales. Il est mal perçu qu’un garçon ait des comportements « efféminés »[13]. Chez les Pawnees et les Arikaras au contraire, les enfants des deux sexes se côtoient. Il est aussi courant que les garçons aient un « frère », un ami proche avec lequel ils dorment jusqu’à l’âge adulte[14].

Jusqu’au xxe siècle, le genre et la sexualité se confondent en Occident. Voyageurs et missionnaires s’étonnent des « transgressions » autochtones. Le soldat Pierre-Charles Deliette parle notamment du « Péché de sodomie qui règne plus chez eux [les Illinois] que dans aucune nations[15] ». « Hermaphrodites », « travestis », « sodomites » ou « eunuques » sont autant de mots employés pour désigner les personnes bispirituelles[16]. Or, la bispiritualité est avant tout une affaire de genre. Les Lakotas appellent winkte les hommes qui s’habillent en femmes. Alternant styles de vie masculin et féminin, certains épousent des hommes. Leur sexualité est acceptée sans toutefois être approuvée – les homosexuels cisgenres étaient alors très mal vus[17]. Cela fait écho au mépris affiché à l’encontre des personnes bispirituelles chez les Iroquois de l’époque moderne[18]. Il en va tout autrement chez les Arikaras et les Pawnees au XIXe siècle. Roaming Scout, un vieux prêtre pawnee interrogé en 1906, explique en pawnee que les hommes bispirituels ne sont pas jugés quant à leur orientation sexuelle ou leur expression de genre et que d’autres hommes les désirent. Crane, une guerrière arikara, avait sa propre maison et était par exemple courtisée par plusieurs guerriers. Elle finit par épouser un homme avec lequel elle s’installe un temps, avant de quitter sa demeure[19]. La bispiritualité n’implique donc pas nécessairement l’homosexualité et inversement puisque les relations sexuelles masculines ne lui sont pas exclusives, bien qu’elles ne soient pas incompatibles[20].

La bispiritualité est aussi une affaire de pouvoir. Au XVIe siècle, René de Laudonnière et Jacques le Moyne disent avoir rencontré des « hermaphrodites » chez les Cherokees qu’ils ont visités en Floride. Ils soulignent les fonctions cérémonielles qu’ielles jouent à l’égard des guerriers tombés au combat, malgré leur statut de captif.ves[21]. Qu’ielles soient esclaves, chamans ou médecins, les personnes (en l’occurrence supposées) bispirituelles occupent là des rôles importants car on les croit capables de communiquer avec les esprits. Chez les Lakotas, vivre auprès d’un winkte éloigne la maladie. Ielles détiennent aussi une grande influence : les sobriquets qu’ielles donnent collent à la peau de leurs destinataires sur plusieurs générations[22]. Raymond J. DeMallie explique que chez les Lakotas, les Arikaras et les Pawnees, la bispiritualité apparaît en rêve et s’acquiert ensuite au terme d’une quête initiatique[23]. Roaming Scout rapporte ainsi que c’est Lune qui insuffle l’esprit d’une femme dans le corps d’un homme. S’il considère que la bispiritualité relève de l’inné, il précise qu’elle ne se pratiquait plus alors, bien qu’elle existe chez toutes les nations[24]. C’est qu’à la fin du XIXe siècle, les nations autochtones sont l’objet d’une déculturation violente. Les réserves, écoles et pensionnats sont le théâtre de la « virilisation » forcée des personnes bispirituelles au Canada et aux États-Unis. Certain.es sont harcelé.es, d’autres s’enfuient. La médecine occidentale participe pleinement à ces crimes ethnocidaires qui actent la fin du Middle Ground [25].

Contact et sociabilités masculines : l’exemple de la traite des fourrures

Quid de la sexualité des voyageurs, ces transfuges culturels qui s’intègrent pour partie aux sociétés autochtones ? Sylvia Van Kirk a étudié la traite du côté des femmes, Carolyn Podruchny y a montré l’importance des relations (hétéro)sexuelles et matrimoniales et Gilles Havard l’a explorée du côté des hommes – soulignant l’idéal de virilité dans laquelle la course s’inscrivait[26]. Il reste à voir si le commerce des fourrures, un milieu hyper masculinisé éloigné des institutions de contrôle, a pu donner lieu à des rapports homosexuels.

Durant la saison de la traite, des Autochtones viennent séjourner dans les postes de troc européens en tant qu’auxiliaires ou intermédiaires après qu’un ou plusieurs voyageurs aient visité leur communauté. En général, les voyageurs s’invitent à tour de rôle dans des communautés autochtones, qui ne souhaitent pas toujours les accueillir car ils sont une charge en hiver. Les relations individuelles s’avèrent cruciales dans ce contexte. Carolyn Podruchny souligne que la sexualité est au cœur des relations interculturelles dans la traite des fourrures, que ce soit par le commerce sexuel dans les postes ou au sein même des communautés[27]. La présence de prostituées est ainsi attestée à Michillimakinac en 1702[28] tandis qu’en 1775 l’officier anglais Thomas Hutchins remarque que voyageurs et Autochtones chantent, boivent et se visitent les uns les autres[29]. Loin des villes et des leurs, les employés de la traite pallient la solitude en développant une « vie nouvelle » sur place. Leur retour à chaque saison et la récurrence de leurs séjours dans les communautés sont de puissants vecteurs d’intégration. Des relations plus étroites se forment ainsi au fil des ans[30]. Il est probable que des hommes aient fait des avances aux voyageurs qui séjournaient dans leurs communautés. C’est le cas de John Tanner, un captif adopté par les Ojibwés, à qui une personne bispirituelle fait des avances à plusieurs reprises[31]. S’il en parle à son retour, c’est sans doute qu’il les a refusées. Il est regrettable que Carolyn Podruchny, qui s’intéresse aux rapports de genre, déplore que l’hétérosexualité ait été négligée en raison de l’intérêt suscité par les « bardaches »[32]. Elle manque ici l’occasion d’interroger l’hyper-masculinité de la traite des fourrures au point d’en éloigner ses observations. Est questionnée sous l’angle purement économique l’application des voyageurs à ne s’attacher que les faveurs masculines (par le biais de cadeaux notamment)[33]. Sur ce point, Gilles Havard a été légèrement plus prolixe. Il écrit :

La course des bois a pu constituer un lieu de refuge et de marginalisation […] les voyageurs ont pu nouer de solides liens d’amitié, voire, ponctuellement et fort discrètement, des relations sexuelles, qu’il s’agisse d’attirance, d’une sexualité de substitution, ou même d’une initiation virile[34].

Bien que la bispiritualité ait pu laisser croire aux voyageurs que les Autochtones tolèrent davantage l’homosexualité – ce qui était, en comparaison avec l’Europe et à un degré variable, le cas – le silence des acteurs et des sources quant aux comportements jugés déviants rendent difficile d’aller plus loin[35].

Il est toutefois possible d’aborder l’homoérotisme, notamment sous le prisme du genre, en s’appuyant sur les comptes rendus et les journaux de voyage. Au XVIIIe siècle, l’officier français Jean-Bernard Bossu se fait passer, non sans amusement, pour un sorcier auprès d’une assistance alibamon en Louisiane. Il parvient à lui faire croire qu’il redonne la vie à un chat tigré dont il avait la peau. Pour ce faire, il s’isole « parce que c’est la coutume des Jongleurs pour ôter aux autres Sauvages la connoissance de leurs fourberies[36] », place des yeux d’émail à l’animal et y enferme un écureuil vivant. Impressionné par la vraisemblance du sort, le chaman alibamon s’incline devant le pouvoir de l’officier français. Pour Gilles Havard, il s’agit d’un fascinant exemple de mimétisme en situation de Middle Ground. Si l’officier était allé plus loin, il aurait dû se travestir pour se faire magicien, car le chamanisme n’obéit pas aux codes de genre habituels. Mais, plus que le comportement, c’est le tatouage qui doit être particulièrement considéré. Assimilé à la valeur guerrière chez les hommes, c’est un élément intrinsèquement masculin dans de nombreuses sociétés autochtones, mais les femmes en portent aussi. Gilles Havard soutient qu’il constitue une marque de courage et de virilité pour des étrangers avides de manifester leurs prouesses, surtout qu’il en va de leur pouvoir d’influence et de séduction[37]. C’est surtout un vecteur d’appartenance communautaire fort, un stigmate indélébile qui est fréquemment utilisé par les débiteurs autochtones dans les divers contrats signés avec les voyageurs. Militaires, voyageurs et explorateurs se font la plupart du temps tatouer dans le cadre de leur adoption par une nation autochtone. Cela signe leur appartenance à la classe dirigeante et signale leur intégration[38]. Puisqu’il doit être exposé, le tatouage est vecteur de nudité et, in fine, d’érotisme. Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville (1680-1767), gouverneur de la Louisiane, en est conscient lorsqu’il se fait tatouer :

outre une image de la Vierge avec l’Enfant Jesus, une grande croix sur l’estomac avec les paroles miraculeuses qui apparurent à Constantin, & une infinité de piqûres dans le goût Sauvage, [avec] un Serpent qui lui faisoit le tour du corps, dont la langue pointue & prête à se darder venoit aboutir sur une extrémité que vous dévinerés[39].

Initié aux rites et coutumes des Chactas et autres nations alliées des Français, l’administrateur se dénude lorsqu’il part à la guerre avec elles pour faire « étalage » de son mérite guerrier[40]. D’une certaine manière, le corps biologique s’érotise sous l’effet du corps social. Intégrer le tatouage en vue d’intégrer le groupe duquel on dépend pour (sur)vivre exige des voyageurs qu’ils renversent leur conception de la masculinité, qu’ils adaptent leur expression de genre à celle des communautés qu’ils côtoient, qu’ils exhibent leur corps. C’est aussi le cas dans le sens contraire, lorsque des Poutéouatamis se griment en soldats européens lors de la visite de deux missionnaires jésuites à la baie Verte (sur le lac Michigan). Cela provoque une hilarité réciproque qui montre bien comment les codes de l’Autre sont détournés pour servir ses intérêts propres[41]. Instrument d’accommodement particulièrement investi par les voyageurs, le tatouage est sévèrement condamné par l’Église. Elle voit dans le tatouage, signe d’infamie réservé aux criminels, une grave atteinte à la morale chrétienne, c’est-à-dire une transgression du genre[42]. Les Français qui se font tatouer sont assimilés à des libertins par les jésuites. L’horreur qu’affichent les Relations trahit en fait l’accommodement des colonisateurs aux modes d’expression de genre des colonisés[43]. S’il est difficile d’aller plus loin avec les seuls récits de voyage, il paraît qu’une réflexion plus poussée pourrait être faite sur la sexualité masculine dans les sociétés autochtones, qui est souvent acceptée voire institutionnalisée[44]. Il faudrait pour cela coupler les correspondances aux archives judiciaires et notariales, sources de l’ordinaire, dans l’espoir de saisir la réalité des rapports inter-masculins en situation coloniale.

Comment remédier au silence des sources ? Le cas de la vallée laurentienne

Malgré son évocation par Gilles Havard, l’homosexualité a suscité peu d’intérêt de la part des historien.nes du fait colonial qui s’intéressent à l’Amérique du Nord. Cette situation est imputable au manque de sources relatives à la Rencontre, silence repris et peu questionné par les historiographies canadienne et états-unienne. L’hétéronormativité des questions posées par la recherche joue certainement là-dedans, celle-ci ayant pu être reprise sans trop être questionnée par l’histoire des femmes. Les Gender Studies apportent heureusement de nouvelles pistes d’analyse sur les comportements, les corps et les sexualités. Bien que l’homosexualité soit difficile à étudier, la source évoquée en page de garde montre qu’elle a pu être documentée au sein même de la vallée laurentienne étant donné que les rapports homosexuels étaient pénalement répréhensibles (quoique très rarement portés devant les tribunaux à l’époque). André Lachance n’a répertorié que six affaires de « sodomie » dans les archives judiciaires du régime français. Elles concernent toutes le XVIIe siècle[45]. Deux impliquent exclusivement des militaires. La première se déroule en 1648, lorsqu’un joueur de tambour est inculpé pour ce motif à Montréal, alors juridiction sulpicienne. Après l’intervention des jésuites, rivaux des sulpiciens, sa peine est commuée à condition qu’il devienne bourreau. Cela fait tristement de lui le premier représentant de ce métier au Canada[46].  À l’été 1691 comparaissent aussi à Montréal Nicolas Daucy de Saint-Michel, un lieutenant, et Jean Forgeron et Jean Filiau, deux soldats. Tous trois sont accusés. Le procès est transféré en août 1691 au Conseil souverain de Québec, la cour de justice royale, car le lieutenant exigeait d’être jugé par le roi compte tenu de son statut et refusait jusque-là de répondre aux questions du bailli. À Québec, les deux soldats sont finalement acquittés par le Conseil souverain et la responsabilité du crime revient au seul gradé, qui est jugé coupable « d’avoir voulu débaucher plusieurs hommes, et d’être même tombé dans des actions infâmes et honteuses pour parvenir à cette mauvaise fin[47] ». Il doit verser 200 livres d’amende aux institutions de charité et regagner la France, ce qui montre la protection dont il bénéficie au sein de l’appareil judiciaire royal. Il n’est pas surprenant que les rapports homosexuels surviennent davantage dans l’armée, milieu homosocial par excellence, que dans la société civile. D’autant que le service prolongé dans un fort éloigné prohibe toute union matrimoniale. Il est en revanche étonnant que si peu d’inculpations soient prononcées alors même que la sexualité connaît un regain de surveillance en ce climax de la Contre-Réforme. Les deux cas évoqués nous en disent plus sur les rapports entretenus par les élites coloniales que sur ceux des gens ordinaires. Enjeu de pouvoir, la justice semble peu révélatrice des pratiques affectives et sexuelles quotidiennes.

Heureusement, l’archive notariale et le recensement peuvent pallier le silence de l’archive judiciaire en ce qui concerne les colons. Des rapports homosexuels peuvent peut-être se donner à voir dans la composition des foyers. Louise Dechêne souligne que les cohabitations entre jeunes hommes célibataires et non apparentés sont fréquentes dans le Montréal du XVIIe siècle, à l’instar de Perroy et Rouiller ou de Perrin et Jarry qui vivaient tous deux ensemble en 1661. Rappelons qu’il n’y avait à cette époque que très peu de femmes :

Sur les 3 000 immigrants des années 1632-1663, plus de 80 % sont des hommes. En 1663, pour six hommes qui chercheraient à se marier, une seule femme serait disponible.  76 % des quelques 3 000 résidents permanents sont alors de sexe masculin et 37 % de ces hommes sont des célibataires. En 1666, l’île de Montréal compte 126 célibataires (…) En 1672, il y a donc encore presque deux fois plus d’hommes que de femmes dans la colonie[48].

Célibataires, jeunes et précaires, la plupart des engagés s’entraident pour (sur)vivre en un temps où les habitations manquent et où Montréal est la cible des raids haudenosaunees en réponse aux alliances franco-wendates. En août 1689, Lachine est par exemple le théâtre d’un raid sanguinaire. Il semble donc vital de vivre proche des autres. Par ailleurs, les migrations en chaîne et les départs en famille sont monnaie courante depuis le continent. Des frères, beaux-frères, oncles, neveux et amis se rejoignent ou embarquent ensemble depuis La Rochelle, ce qui favorise encore davantage les colocations masculines[49]. En général, les familles françaises arrivées au XVIIe siècle résident dans des périmètres circonscrits pendant plusieurs générations. Outre d’un accès facilité à la propriété foncière et d’une sociabilité communautaire, une pareille géographie relève d’un comportement normal en situation de migration lointaine[50]. Faisant écho aux frérèches, ces contrats par lesquels deux hommes s’unissent économiquement pour faire face à la pauvreté dans le Midi de la France, cette pratique ne semble pas avoir suscité la suspicion des autorités d’après Louise Dechêne. C’est sans doute parce qu’elles se font de plus en plus rares avec l’arrivée des « filles du roi ».

Le célibat masculin prolongé, surtout s’il concerne les catégories aisées de la population, peut aussi s’expliquer autrement que par la seule pénurie de femmes mariables dans la colonie. Au cours de recherches antérieures sur l’émigration coloniale huguenote en Nouvelle-France, j’ai repéré deux frères d’origine calviniste, Gédéon et Moïse Petit, qui sont demeurés célibataires durant leur séjour dans la colonie entre 1670 et 1686. Fils du négociant Alexandre Petit, lui aussi passé en Nouvelle-France, Gédéon et Moïse signent un grand nombre d’actes notariés entre 1673 et les années 1680 (procurations, achats, ventes, baux)[51]. Et pourtant, malgré leur aisance financière, aucun d’eux ne s’est marié. Étant donné que cette famille possédait des terres à Québec et à Montréal, les deux frères n’auraient pas dû avoir grande difficulté à trouver une épouse. En comparaison, le négociant Gabriel Duprat, lui aussi d’origine protestante, s’est marié à trois reprises. Peut-être qu’Alexandre Petit, pater familias, s’opposait à ce que ses fils épousent des catholiques ? Ce sacrement ne pouvant être célébré que dans une église, il était interdit aux calvinistes qui n’avaient pas abjuré. Les deux frères finirent par abjurer en 1673 et 1679, alors que leur père ne s’y est résigné qu’à son dernier souffle[52]. Peut-être que leur célibat était lié à leurs convictions puisque Gédéon finit par gagner la Nouvelle-Angleterre, mais cela reste peu probable au vu des efforts consentis par cette famille pour s’intégrer[53]. Dans la pratique, la confession d’origine ne dissuadait nullement les colons d’origine protestante d’abjurer. En août 1664, le maître charpentier de navire Moïse Hilaret obtient du Conseil souverain de pouvoir retourner en France étant donné son appartenance à la « religion prétendue réformée[54] ». Sept jours après, on le sommait de rester pour œuvrer à la construction de bâtiments de guerre[55]. Fiancé trois ans plus tard à Catherine Laurent, Moïse Hilaret abjure finalement juste avant son mariage[56]. La religion est donc davantage un levier mobilisé par certains colons qu’un obstacle réel. En l’absence de témoignages, les sources du quotidien rendent l’étude de l’homosexualité un peu plus envisageable. A minima pouvons-nous concevoir le célibat comme un moyen d’action dans certains cas, et non pas simplement comme un fardeau, dans l’espoir de mieux comprendre la diversité des sexualités en situation coloniale.

Conclusion

En tirant profit des études autochtones, le présent travail interroge la Rencontre, et plus globalement les sources, sous l’angle de l’homosexualité. La première partie a dressé l’état des connaissances actuelles sur la bispiritualité, une expression de genre qui s’est longtemps confondue à la sexualité. La seconde a esquissé une réflexion sur les rapports sexuels et affectifs entre Américains et Européens, et soulevé l’adaptation des modes d’expression de genre de leurs cultures respectives. La troisième enfin a entrepris d’explorer les différentes manières dont les rapports homosexuels peuvent se donner à voir dans la vallée laurentienne. Procès, frérèches et célibat sont autant d’exemples qui conduisent à interroger l’existence et la quotidienneté de pratiques souvent invisibles. Les Gender Studies et l’histoire des sexualités ont par conséquent un rôle prometteur à jouer dans l’étude de la « société globale[57] » qu’est la Nouvelle-France, entendue comme un espace, pas seulement de celle des colonisés. Il est problématique que l’on n’aborde surtout l’homosexualité ou l’expression de genre que du seul côté des Autochtones. On reproduit là un schéma bien connu qui consiste à projeter la déviance sur l’Autre. Il faut toutefois prendre garde à ne pas projeter sur les cultures du passé des catégories d’analyse qui peuvent conduire à mésinterpréter des comportements différents des nôtres[58], à lire la colonisation comme l’imposition d’interdits sur des sociétés « intactes » dépourvues d’oppression[59]. L’homosexualité était mal vue chez les Iroquois de l’époque moderne, bien qu’elle ait pu être institutionnalisée dans nombre de nations autochtones. La sexualité n’en demeure pas moins une constante historique qui, libérée des catégories d’analyse, permet d’explorer les tabous et les oublis dont a hérité l’histoire postcoloniale.

Références bibliographiques :

Arsenault, Mathieu, « Historiographie d’une histoire commune : le temps des origines et la décolonisation de l’histoire du Québec », dans Québécois et Autochtones. Histoire commune, histoires croisées, histoires parallèles ?, Dorais, F.-O. et Nootens, G., dir., 99-136. Montréal : Boréal, 2023.

Balandier, Georges, « La situation coloniale : approche théorique ». Cahiers internationaux de sociologie, 11 (1951) : 44-79.

Balvay, Arnaud, L’Épée et la Plume, Amérindiens et soldats des troupes de la marine en Louisiane et au Pays d’en Haut (1683-1763). Québec : Presses de l’Université Laval, 2006. 

Beaulieu, Alain, « Une histoire instrumentalisée : réflexions sur l’usage du passé dans les revendications autochtones » dans Conférences des juristes de l’État 2009, 349-371. Cowansville : Éditions Yvon Blais, 2009.

Belmessous, Saliha, « Assimilation and Racialism in Seventeenth and Eighteenth-Century French Colonial Policy ». American Historical Review, 110, 2 (2005) : 322-349.

Butler, Judith, Gender Trouble. Londres : Routledge, 1990.

Charbonneau, Hubert et al., dir., Naissance d’une population. Les Français établis au Canada au xviie siècle. Paris-Montréal : INED-PUM-PUF, 1987.

Dechêne, Louise, Habitants et marchands de Montréal au xviie siècle. Montréal : Boréal, 1988.

Deliette [Pierre-Charles], Mémoire (Memoir of De Gannes Concerning the Illinois Country). Springfield, Collections of the Illinois State Historical library, v. 23, French Series, I, 1934.

DeMallie, Raymond J., « Hommes élans, femmes-cerfs : sexe et genre dans la culture lakota » dans Éros et Tabou. Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit, Havard, Gilles, Laugrand, Frédéric, dir., 97-153. Québec : Septentrion, 2014.

Filice, Michelle (L’Encyclopédie Canadienne), « Bispiritualité », 29 octobre 2015, modifié le 21 septembre 2023, consulté le 5 décembre 2023.

Foucault, Michel, Histoire de la sexualité. Paris : Gallimard, 4 tomes, 1976, 1984, 2018.

Godbout, Archange, Auger, Roland-J., « Familles venues de La Rochelle en Canada », dans Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec (RAPQ), vol. 48 (1970) : 113-377.

Havard, Gilles, « Le rire des jésuites. Une archéologie du mimétisme dans la rencontre franco-amérindienne (xviie-xviiie siècle) ». Annales. Histoire, Sciences Sociales, 62, 1 (2007) : 538-573.

Havard, Gilles, Histoire des coureurs de bois. Paris : Les Indes savantes, 2016.

Parks, Douglas R.. « La sexualité chez les Pawnees et les Arikaras »dans Éros et Tabou. Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit, Havard, Gilles, Laugrand, Frédéric, dir., 154-240. Québec : Septentrion, 2014.

Laberge, Alain, « L’immigrant migrant ou les chemins de l’enracinement au Canada sous le régime français », dans Mémoires de Nouvelle-France, de France en Nouvelle-France, Wien, Thomas et Joutard, Philippe dir., 167-171. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005.

Lachance André, Crimes et criminels en Nouvelle-France. Montréal : Boréal Express, 1984. 

Landry, Yves, Orphelines en France, pionnières au Canada : les Filles du roi au xviie siècle. Montréal : Leméac, 1992.

Podruchny, Carolyn, Les Voyageurs et leur monde. Québec : Presses de l’Université Laval, 2019.

Smithers, Gregory D., « Cherokee ‘Two Spirits’: Gender, Ritual, and Spirituality in the Native South ». Early American Studies, 12, 3 (2014) : 626-651.

Van Kirk, Sylvia, Many Tender Ties: Women in Fur Trade Society, 1670-1870. Norman-London : University of Oklahoma Press, 1983.

Viau, Roland, Femmes de personne. Montréal : Boréal, 2005.

White, Richard, The Middle Ground: Indians, empires and republics in the Great Lakes region, 1650-1815. Cambridge : Cambridge University Press, 1991.

Wright, Eric, « “And bold and adventurous amazons they were”: Colonial encounters with LGBT Indigenous people in the Pacific Northwest fur-trade », (2014).


[1] Gilles Havard, Histoire des coureurs de bois (Paris : Les Indes savantes, 2016), 57.

[2] Hubert Charbonneau et al., dir., Naissance d’une population. Les Français établis au Canada au xviie siècle (Paris-Montréal, INED-PUM-PUF, 1987) : 57-82.

[3] Mathieu Arsenault, « Historiographie d’une histoire commune : le temps des origines et la décolonisation de l’histoire du Québec », dans F.-O. Dorais et G. Nootens, dir., Québécois et Autochtones. Histoire commune, histoires croisées, histoires parallèles ? (Montréal : Boréal, 2023) : 100-103.

[4] Yves Landry, Orphelines en France, pionnières au Canada : les Filles du roi au xviie siècle (Montréal : Leméac, 1992) : 62 et 69. Alain Laberge, « L’immigrant migrant ou les chemins de l’enracinement au Canada sous le régime français », dans Thomas Wien et Philippe Joutard, dir., Mémoires de Nouvelle-France, de France en Nouvelle-France (Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005) : 167-171. Saliha Belmessous, « Assimilation and Racialism in Seventeenth and Eighteenth-Century French Colonial Policy », The American Historical Review, 110, 2 (2005) : 323.

[5] Michel Foucault, Histoire de la sexualité (Paris : Gallimard, quatre tomes, 1976, 1984, 2018). Judith Butler, Gender Trouble (Londres : Routledge, 1990).

[6] Richard White, The Middle Ground : Indians, empires and republics in the Great Lakes region, 1650-1815 (Cambridge : Cambridge University Press, 1991).

[7] Les voyageurs sont des hommes employés plusieurs mois à la traite des fourrures au moyen d’un système de congé. Ils s’opposent aux « coureurs de bois », qui partent faire ce très lucratif troc dans les Pays d’en Haut sans l’aval des autorités.

[8] Saliha Belmessous, loc. cit. : 339-340. Gilles Havard, « Le rire des jésuites. Une archéologie du mimétisme dans la rencontre franco-amérindienne (xviie-xviiie siècle) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 62, 1 (2007) : 562.

[9] Gilles Havard, op. cit., 622.

[10] Michelle Filice (L’Encyclopédie Canadienne), « Bispiritualité », 29 octobre 2015, modifié le 21 septembre 2023, consulté le 5 décembre 2023, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/two-spirit.

[11] Chez les Sioux, les Mandanes, les Hidatsas, les Crows, les Assiniboines, les Stoneys, les Pawnees et les Arikaras rien que dans les Plaines. Douglas R. Parks, « La sexualité chez les Pawnees et les Arikaras » dans Éros et Tabou. Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit, Gilles Havard et Frédéric Laugrand, dir. (Québec : Septentrion, 2014), 221. Il faut y ajouter les Cherokees, les Algonquins, les Illinois et les Iroquois. Gregory D. Smithers, « Cherokee ‘Two Spirits’: Gender, Ritual, and Spirituality in the Native South », Early American Studies, 12, 3 (2014) : 626-651 ; Roland Viau, Femmes de personne (Montréal : Boréal, 2005), 118-121.

[12] Raymond J. DeMallie, « Hommes élans, femmes-cerfs : sexe et genre dans la culture lakota » dans Éros et Tabou. Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit, Gilles Havard et Frédéric Laugrand, dir. (Québec : Septentrion, 2014), 112-113.

[13] Ibid., 114.

[14] Douglas R. Parks, « La sexualité chez les Pawnees et les Arikaras »dans Éros et Tabou. Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit, Gilles Havard et Frédéric Laugrand, dir. (Québec : Septentrion, 2014), 162-63.

[15] Pierre-Charles Deliette, Mémoire (Memoir of De Gannes Concerning the Illinois Country) (Springfield: Collections of the Illinois State Historical Library, v. 23, French Series, I, 1934), 324.

[16] Eric Wright, « “And bold and adventurous amazons they were”: Colonial encounters with LGBT Indigenous people in the Pacific Northwest fur-trade », Active History (2014), https://activehistory.ca/blog/2014/04/17/and-bold-and-adventurous-amazons-they-were-colonial-encounters-with-queer-indigenous-people-in-the-pacific-northwest-fur-trade/.

[17] Raymond J. DeMallie, loc. cit., 119.

[18] Roland Viau, loc. cit., 119.

[19] Douglas R. Parks, loc. cit., 226-230. Parks genre Crane au féminin dans son texte.

[20] Si les Iroquois méprisent les bispirituels, il n’en va pas autant de l’homosexualité qui est institutionnalisée et acceptée. Viau, Loc. cit., 120.

[21] Gregory D. Smithers, loc. cit., 639. Comme chez les Iroquois, il semble que la captivité implique la féminisation, puisque les prisonniers de guerre s’adonnent à des tâches incompatibles avec leur genre en l’absence des guerriers.

[22] Raymond J. DeMallie, loc. cit., 119-120.

[23] Ibid., 117 ; Douglas R. Parks, loc. cit., 221.

[24] Douglas R. Parks, loc. cit., 227. À l’instar de la sexualité, le genre semblait être naturalisé chez les Pawnees.

[25] Ibid., 224.

[26] Sylvia Van Kirk, Many Tender Ties: Women in Fur Trade Society, 1670-1870 (Norman-London : University of Oklahoma Press, 1983). Carolyn Podruchny, Les Voyageurs et leur monde (Québec : Presses de l’Université Laval, 2019). Gilles Havard, op. cit.

[27] Carolyn Podruchny, op. cit., 211-218.

[28] Gilles Havard, op. cit., 621.

[29] ACBH, A.11/4, Thomas Hutchins au comité de Londres, 5 juillet 1775, fo. 29 cité dans Carolyn Podruchny, op. cit., 221.

[30] Ibid., 221.

[31] Gilles Havard, op. cit., 622. Il est possible que des relations entre hommes cisgenres aient vu le jour, comme l’attrait des Européens pour la « virilité » autochtone le suggère.

[32] Carolyn Podruchny, op. cit., 252.

[33] Ibid., 250.

[34] Gilles Havard, Op. cit., 621.

[35] Ibid., 622.

[36] Jean-Bernard Bossu, Nouveaux voyages aux Indes occidentales (Paris, Le Jay, 1768, deuxième partie) : 54-57 et 60, cité dans Gilles Havard, loc. cit. : 543. « Jongleur », « sorcier », « médecin », « magicien » sont autant de termes employés par les Français pour désigner les chamans autochtones.

[37] Gilles Havard, loc. cit. : 558-559.

[38] Arnaud Balvay, L’Épée et la Plume, Amérindiens et soldats des troupes de la marine en Louisiane et au Pays d’en Haut (1683-1763) (Québec, Presses de l’Université Laval, 2006) : 179-180.

[39] Henri de Tonti, Relations de la Louisiane et du fleuve Mississipi (Amsterdam, Jean-Frédéric Bernard, 1720) : 13-14, cité dans Arnaud Balvay, Ibid. : 182.

[40] Gilles Havard, « Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville », BnF Amériques, mai 2021, consulté le 12 mai 2024 [en ligne].

[41] Ibid. : 539-540.

[42] Gilles Havard, loc. cit : 556-558.

[43] Richard White, op. cit.

[44] Roland Viau, loc. cit. : 120.

[45] André Lachance, Crimes et criminels en Nouvelle-France (Montréal, Boréal Express, 1984) : 129.

[46] Aitken, Cameron (mai 2018), Canadian Queer History Presentation, The Canadian Centre for Gender and Sexual Diversity, Ottawa, ON cité dans « Queer Canadian History Timeline – Pre-colonization to present », The Canadian Centre for Gender and Sexual Diversity (Juillet 2018).

[47] BAnQ Québec, Fonds Conseil souverain, TP1, S28, P2514, 12 novembre 1691, Sentence de Nicolas Daucy de Saint-Michel, Jean Forgeron dit Larose et Jean Filiau dit Dubois, tous accusés du crime de sodomie.

[48] Gilles Havard, op. cit. : 57.

[49] Je me suis attaché à cette question dans mon mémoire de maîtrise intitulé Migrer pour s’adapter, des protestants entre deux mondes au xviie siècle soutenu en mai 2024.

[50] Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au xviie siècle (Montréal, Édition du Boréal, 1988) : 417 et 448-449.

[51] Gédéon signe 18 documents entre 1673 et 1686, Moïse 23 entre 1673 et 1680 (données tirées de Parchemin).

[52] AAQ, 66CD, Abjuration, Vol. A, Registre des Abjurations d’hérésie depuis 1662 jusqu’à 1757, fo 23 et 25.

[53] BAnQ Québec, TP1, S28, P3690, Permission à Charles Bailly de faire créer un curateur à la succession vacante de défunt Alexandre Petit, 18 octobre 1688.

[54] BAnQ Québec, Fonds Conseil souverain, TP1, S28, P159, Arrêt portant permission à Moïse Hilleret et Daniel Beau, charpentiers de navire de religion réformée, de repasser en France, vu l’expiration de leur engagement, 20 août 1664.

[55] BAnQ Québec, Fonds Conseil souverain, TP1, S28, P170, Arrêt portant ordre d’employer Daniel Beau, Moïse Hilleret, Pierre Esmery et Laurent Nafrechou, charpentiers, pour travailler aux bâtiments de navigation « qu’il est a propos de construire pour l’entreprise de guerre », 27 août 1664.

[56] AAQ, 66CD, Abjuration, Vol. A, Registre des Abjurations d’hérésie depuis 1662 jusqu’à 1757, fo 16.

[57] Georges Balandier, « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, 11 (1951) : 44-79.

[58] Eric Wright résume cela dans son article d’histoire engagée cité plus haut. L’emploi du terme « LGBT » comme catégorie analytique n’en demeure pas moins utile quoiqu’il soit difficile de savoir si les individus du passé se donnaient les orientations sexuelles et les identités de genre d’aujourd’hui.

[59] Cela renvoie au risque présentiste que soulevait Alain Beaulieu dans « Une histoire instrumentalisée : réflexions sur l’usage du passé dans les revendications autochtones » dans Conférences des juristes de l’État 2009 (Cowansville : Éditions Yvon Blais, 2009), 361 ; Gregory D. Smithers, loc. cit., 629.