Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

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Chercher les origines de la crise chilienne dans La Bataille du Chili

Par Geneviève Dorais, professeure au département d’histoire et co-directrice du Laboratoire interdisciplinaire d’études latino-américaines (LIELA) à l’Université du Québec à Montréal

*Une version courte de cet article est parue dans la page Idées du Devoir en décembre dernier. Geneviève Dorais, « Soulèvements populaires ou crise sociale au Chili », Le Devoir, 19 décembre 2019.

Rien ne va plus au Chili[1]. Depuis la mi-octobre 2019, les tensions sociales qui s’étaient accumulées au cours de la dernière décennie, notamment face à une paupérisation galopante des classes moyennes et populaires, éclatent de toute part, et dans tous les sens. Difficile d’incorporer au sein d’un récit linéaire l’ampleur des revendications actuelles, et encore plus d’en définir précisément les paramètres.

S’il est possible de situer le point d’origine de la crise actuelle, ou à tout le moins une amorce importante, au coup d’État militaire du 11 septembre 1973 et du capitalisme radical qui s’ensuivit au Chili, il ne faudrait pas que l’attention accordée à l’héritage désastreux des quarante dernières années du règne néolibéral occulte tout autre façon d’inscrire dans la durée les soulèvements actuels.

Car les moments d’éclatement dans l’histoire, ceux qui, le temps d’une parenthèse, bouleversent le monde des possibles, ont ceci de particulier qu’ils libèrent les imaginaires utopiques des peuples sans qu’ils ne passent nécessairement à l’histoire. « Des actions et des idées de toutes sortes, foisonnantes, » écrit à ce propos l’historienne française Michèle Riot-Sarcey, « ont surgi au cours de l’histoire puis ont disparu, non seulement de la connaissance du passé mais également des mémoires »[2].

Du Carrick’s à l’art du cirque : et si le cinéma s’accordait avec le devoir de mémoire ? Entrevue avec Viveka Melki, documentariste, réalisatrice et passionnée d’histoire

Par Véronique Dupuis, géographe, étudiante à la maîtrise en histoire à l’UQAR et et collaboratrice pour HistoireEngagee.ca

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On ne doit pas arrêter de raconter l’histoire, car la mémoire file vite.

Viveka Melki

Crédit photo : Sébastien Rabouin.

Recherchiste, réalisatrice et documentariste, Viveka Melki croit vigoureusement que l’histoire doit être dite. Incarnant cet idéal décrit par Henri Lacordaire où « l’histoire est la mémoire du monde », elle fait revivre un passé qui repose dans des boîtes d’archives et des livres trop bien rangés… Passionnée par l’être humain, elle fait revivre les événements et raconte les parcours personnels en sons et en images. Ses projets sont empreints d’une bonne dose d’humanité et d’un devoir de mémoire qu’elle ne pourrait trahir. En chacun de nous réside une histoire, croit-elle, et c’est par cette individualité que se façonne l’histoire globale. Pour cette artiste, travailler l’histoire est plus qu’un choix : c’est une conviction, une nécessité, une vocation. Dans ses documentaires, ses spectacles et ses expositions, Viveka Melki fait revivre des gens, des événements et des époques. Elle prend des avenues encore inexplorées dans le seul but de faire connaître l’histoire, de la rendre accessible et surtout de susciter l’intérêt pour notre passé. Pour la Gambienne d’origine, il importe que l’histoire prime dans nos sociétés où la tendance est à la reléguer aux oubliettes ou à l’escamoter. Avec ses réalisations, elle fait le pari que de plus en plus de gens s’intéresseront à leur propre histoire, mais aussi à celle dite « mondiale ».

Un tel défi n’est pas toujours facile à relever, comme en témoignent les contraintes et les difficultés qui mènent parfois la vie dure à ses projets. Néanmoins, rien n’égale sa conviction que l’histoire doit être omniprésente. Pour cette Canadienne née de parents libanais et brésiliens et qui a vécu plusieurs années en Angleterre, l’histoire est universelle et n’a aucune frontière. Comme si les mailles de chacun de nos récits s’entremêlaient pour former une grande toile commune.

Et si l’histoire devenait prioritaire ? Entrevue avec Viveka Melki.

« The Ninth Floor » : sur les traces du Black Power à Montréal

Par Camille Robert, étudiante à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Montréal, assistante de recherche au Centre d’histoire des régulations sociales (CHRS)[1] et collaboratrice pour HistoireEngagee.ca

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23bh.computerriot[1]Plusieurs images officielles des années 1960 à Montréal évoquent l’Exposition universelle de 1967. Célébration considérée comme l’un des moments phares de la Révolution tranquille, cette vitrine ouverte sur le monde présente la mondialisation sous son jour le plus estival. Ce portrait souriant occulte cependant les images des populations immigrantes locales de Montréal, et leur rapport concret au colonialisme. Dans The Ninth Floor, la réalisatrice Mina Shum nous présente l’envers de l’Exposition Terre des Hommes. À l’écran, quarante ans plus tard, les protagonistes de l’«affaire Sir George Williams» déambulent dans les vestiges de l’Expo 67, recouverts d’une lourde couche de neige.

The Ninth Floor nous transporte à la fin des années 1960, au neuvième étage du pavillon Hall de l’Université Sir George Williams – actuelle Université Concordia –, alors que se déroulait l’un des épisodes les plus marquants du mouvement Black Power à Montréal[2]. À partir d’images d’archives et d’entrevues avec celles et ceux qui ont été directement impliqué.e.s dans l’affaire, le documentaire retrace les étapes qui ont mené plusieurs dizaines d’étudiantes et d’étudiants à occuper le centre informatique de leur université.

« La passion d’Augustine » : l’expertise musicale des religieuses

Micheline Dumont, historienne

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La Passion d'Augustine, 2015.

La Passion d’Augustine, 2015.

Un article du Devoir, le 30 mars 2015, nous apprend que le film de Léa Pool, « La passion d’Augustine », rencontre un succès populaire. Les recettes au guichet approchent du million après dix jours dans les salles. Ce film vient rappeler la réalité d’une tradition mal connue aujourd’hui : l’expertise des religieuses dans l’enseignement de la musique.

Cet enseignement s’est répandu avec le foisonnement des pensionnats de jeunes filles, lieu principal de l’instruction féminine, à partir du milieu du XIXe siècle. Rapidement, les religieuses ont ajouté la musique au programme scolaire. D’une part, parce que cela répondait à une demande expresse des parents. D’autre part, parce que cela permettait d’augmenter le prix de la pension. Des recherches ont démontré que les revenus des pensionnats étaient majorés de 15 %, grâce à l’enseignement de la musique. Dans un petit pensionnat rural, un couvent de quelques 60 pensionnaires, on dénombrait dix pianos en 1950. Or, on comptait 175 établissements en 1950, dont 55 dans des villages. Cela fait beaucoup de pianos et beaucoup de religieuses musiciennes!

Chaque congrégation a progressivement structuré cet enseignement, par l’octroi de diplômes-maison. À partir des années 1920, plusieurs congrégations se sont même dotées d’une école supérieure de musique. Le cursus musical s’est alors étendu jusqu’au baccalauréat et chaque congrégation a négocié son affiliation à une université pour faire reconnaître ses diplômes. C’est une question complexe et les archives révèlent de longues discussions entre les autorités universitaires et les congrégations religieuses. Plusieurs congrégations changent d’université quand elles ne peuvent pas s’entendre avec les responsables. La première affiliation date de 1926 et progressivement, on en compte une dizaine. Les dernières se produisent après 1950, dont l’école supérieure des Sœurs Sainte-Croix qui avait pourtant formulé sa demande dès 1922.  

« Dans la caméra de l’Abbé Proulx. La société rurale et agricole de Duplessis », une conférence de Marc-André Robert sur les liens entre cinéma et histoire

Le comité de rédaction

Marc-André Robert donnait, le 29 novembre dernier, une conférence à l’Université de Sherbrooke intitulée « Dans la caméra de l’Abbé Proulx. La société rurale et agricole de Duplessis ».

Méconnu de notre histoire, l’abbé Maurice Proulx (1902-1988) est un des pionniers du septième art québécois. Prêtre, agronome, travailleur social et cinéaste autodidacte, il se lance dans l’aventure du cinéma dès le début des années 1930. Homme passionné et carriériste, élève et proche collaborateur du premier ministre libéral Adélard Godbout, il devient, dans les années 1940 et 1950, cinéaste officiel du gouvernement unioniste de Maurice Duplessis. Vitrine publicitaire des réalisations du chef, son cinéma jette pourtant un regard engagé, mais franc sur la société agricole et rurale québécoise de l’après-guerre.

Patrimoine national depuis 1977, l’oeuvre cinématographique unique de Maurice Proulx demeure l’une des seules fenêtres visuelles et sonores aujourd’hui disponibles sur le Québec d’autrefois. Dans la caméra de l’abbé Proulx permet de mieux comprendre cette société un peu trop «noircie» par la mémoire.

Crédits : Option nationale

Crédits : Option nationale

Marc-André Robert est candidat au doctorat en histoire à l’Université Laval. Spécialiste de l’histoire du cinéma gouvernemental au Québec et des rapports entre le cinéma et la politique en Occident, il s’intéresse également au cinéma underground et marginal, de même qu’aux films de famille. La thèse qu’il prépare porte sur l’Office du film du Québec et sur l’utilisation politique du cinéma comme outil de communication par l’État québécois entre 1961 et 1975. L’ouvrage duquel est tirée cette conférence a été publié aux éditions du Septentrion en 2013 et est disponible par le biais de leur site.

Bon visionnement !

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