Anne Clare Cools

Publié le 11 février 2020

Par Christine Chevalier-Caron, doctorante en histoire à l’UQAM et chercheuse à Histoire, femmes, genre et migration

À l’initiative des professeures Magda Fahrni et de Yolande Cohen, un projet de vignettes biographiques subventionné par le Réseau québécois en études féministes a été lancé. La biographie d’Anne Clare Cools s’inscrit dans ce projet visant à restituer aux femmes la place qui leur revient dans l’histoire. Cools a pris activement part aux mobilisations aujourd’hui appelées l’Affaire Sir George William. L’’occupation s’étant terminée un 11 février, nous vous proposons de rencontrer cette femme qui fut, aussi, la première sénatrice noire du Canada.

Anne Clare Cools est née le 12 août 1943 à la Barbade, alors colonie britannique. Sa mère, Rosie Gordon Miller est femme au foyer, et son père, Lucius Unique Cools, est pharmacien. Dans son milieu familial, l’éducation, le civisme et le devoir social sont valorisés[1]. En 1957, bien que l’immigration antillaise au Canada soit encore un phénomène marginal, Anne, âgée de 13 ans, et sa famille émigrent à Montréal.

Anne C. Cools intègre l’école secondaire Thomas D’Arcy McGee, située au 220, avenue des Pins Ouest, où elle est la seule étudiante noire. Après ses études secondaires, au début des années 1960, elle s’inscrit à l’Université McGill en travail social. Des mouvements sociaux, dont le Black Power, présents surtout aux États-Unis, se déploient aussi à Montréal, particulièrement au sein de groupes d’étudiants.es Noirs.es fréquentant les universités anglophones et entretenant des liens avec le reste de la diaspora. En 1965, Anne C. Cools participe à la création d’une importante organisation militante de personnes originaires des Caraïbes, le Caribbean Conference Committee[2] (CCC). Faisant partie du « noyau politique de gauche du groupe[3] », elle organise avec le Comité des conférences plusieurs fois par année pour faire connaitre l’histoire de la région, mais aussi dans le but de transformer la politique aux Caraïbes. Dans les années 1960, elle est la seule femme occupant un poste important au sein du CCC.

Quatre ans après la fondation du CCC, Anne Cools prend part aux actions militantes et politiques aujourd’hui connues sous le nom d’Affaire Sir George Williams, qui se soldent par 97 arrestations, dont la sienne. Cet évènement trouve son origine dans une plainte pour discriminations raciales formulée par des étudiants.es antillais.es de l’Université Sir George Williams, qui devient l’Université Concordia en 1974. Cette plainte concerne un professeur de biologie, M. Anderson, accusé de faire échouer arbitrairement des étudiants.es noirs.es et/ou de leur donner des notes très faibles. Face à l’inertie de l’administration, la mobilisation est de plus en plus vive, et trouve son point culminant au début de l’année 1969. À la suite du rejet de la plainte le 29 janvier, plus de 200 étudiants.es entreprennent d’occuper le centre informatique de l’Université, occupation qui perdurera jusqu’au 11 février, et qui se concluera par un incendie dans le centre, ainsi que par des arrestations massives[4]. Le 30 avril 1971, Anne C. Cools est condamnée à 4 mois de prison, ainsi qu’à payer une amende s’élevant à 1 500 $[5].

Diplômée de l’école de travail social de l’Université McGill, Anne Cools quitte Montréal en 1974 pour s’établir à Toronto où elle fonde la première maison d’hébergement pour femmes au Canada, Women in Transition Inc., puis plusieurs autres établissements similaires dans la province de l’Ontario. À la même époque, elle supervise des étudiants.es en travail social dans diverses institutions scolaires de la région, dont l’Université de Toronto, le Collège Seneca, l’Université Ryerson, et l’Université York[6].

En 1978, alors âgée de 36 ans, elle se présente comme candidate libérale aux élections fédérales dans la circonscription de Rosedale, à Toronto. Bien qu’elle soit défaite par le conservateur David Crombie, cette expérience marque le début d’une longue carrière dans la politique canadienne. Au lendemain de cette campagne électorale, le premier ministre Pierre-Elliott Trudeau la nomme à la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada, fonction qu’elle occupera de 1980 à 1984. Toujours en 1980, elle est nommée au Sénat, ce qui fait d’elle la première sénatrice noire, hommes et femmes confondus.es. Elle reste sénatrice libérale jusqu’en 2004, alors que le 8 juin, elle annonce qu’elle se joint au caucus conservateur après avoir eu, tout au long des années 1990 et au début des années 2000, quelques épisodes marqués par des désaccords avec ses collègues libéraux, en particulier sur le mariage gai. Sa décision de quitter le Parti libéral du Canada pour le conservateur résulterait d’une déception quant aux politiques du premier ministre Paul Martin qui lui aurait fait perdre tous « ses espoirs de renouveau politique[7] ». Cependant, elle quitte rapidement le caucus conservateur pour devenir sénatrice indépendante après que Stephen Harper l’ait écarté du caucus conservateur, parce qu’elle s’opposait à l’adoption de son budget. Elle occupe toujours cette fonction de sénatrice indépendante.

À la suite d’une longue carrière qui a débuté par une forte implication dans le mouvement Black Power montréalais, Anne C. Cools oscille à travers différentes tendances politiques, ce qui lui vaut tout autant de critiques que de reconnaissance. À ce titre, notons que le Collège Chrétien du Canada lui attribue un doctorat honorifique en droit en 2004. Cette même année, CBC la place dans le top 100 des meilleures Canadiennes de tous les temps, et le Toronto Sun la place au numéro 1 des femmes influentes du pays. Bien qu’elle ait semé la controverse à différents moments de sa carrière, notamment en s’opposant aux chefs des partis politiques auxquels elle avait prêté allégeance, Anne C. Cools a su s’imposer sur la scène politique canadienne.

Bibliographie

S.o. (1971). La Barbade refuse d’intervenir. La presse, p. D16

S.o. (1984). Comme pour alimenter les rumeurs de départ de Trudeau: Kirby nommée au Sénat et Schreyer haut-commissaire en Australie. La Presse, p. A12

Austin, D. (2015). Nègres noirs, nègres blancs : Race, sexe et politique dans les années 1960 à Montréal. Montréal : Lux.

Historica Canada. (s.o.). Manifestation des étudiants de l’Université Sir George Williams. Récupéré de : http://www.histoiredesnoirsaucanada.com/events.php?themeid=21&id=21

Montgomery, M. (2016). Black history month: Senator Anne C. Cools. Récupéré de : http://www.rcinet.ca/en/2016/02/08/black-history-month-senator-anne-cools/

Montgomery, M, et A. C. Cools. (2016). Black history month: Senator Anne C. Cools. Récupéré à: http://www.rcinet.ca/console.php?id=7427555&image=http://img.src.ca/2016/02/08/635×357/160208_sa9wd_rci-m-cools tilted_sn635.jpg&locale=en&appCode=medianet

PC. (2004). La sénatrice Cools passe aux conservateurs. La voix de l’est, p. 17

Shum, M. (2015). Ninth Floor. [Film documentaire]. Montréal : Office national du film du Canada.


[1] Montgomery, M. (2016). Black history month: Senator Anne C. Cools. Repéré à: http://www.rcinet.ca/en/2016/02/08/black-history-month-senator-anne-cools/

[2] Austin, D. (2015). Nègres noirs, nègres blancs : Race, sexe et politique dans les années 1960 à Montréal. Montréal : Lux.

[3] Ibid, p. 113

[4] Historica Canada. (s.o.). Manifestation des étudiants de l’Université Sir George Williams. Repéré à : http://www.histoiredesnoirsaucanada.com/events.php?themeid=21&id=21

[5] S.o.. (1971). La Barbade refuse d’intervenir. Dans La presse, p. D 16

[6] Anne C. Cools (n/a). Senator Anne C. Cools. Repéré à:  http://senatorcools.sencanada.ca

[7] PC. (2004). La sénatrice Cools passe aux conservateurs. Dans La voix de l’est, p.17