Par Patrick-Michel Noël, Université Laval

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L’enjeu de la présence de l’histoire

Nous ne pouvons exercer une véritable action sur le présent qu’à la condition de nous en abstraire d’abord et de nous élever au niveau de la science libre et objective.

Leopold von Ranke

Lorsque le comité de rédaction d’Histoireengagée.ca m’a sollicité pour écrire un texte sur l’idée de l’histoire engagée, j’ai d’abord été perplexe. Quel serait l’intérêt de questionner la base du lieu à partir duquel on questionnerait? De façon plus générale, quel serait l’intérêt de s’interroger sur l’histoire engagée au moment même où l’histoire appliquée — la public history — semble si en vogue et ce, même dans le milieu universitaire comme en témoigne l’octroi des prestigieuses et lucratives bourses Alliances de recherche universités-communautés du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada? La bureaucratie de l’État fédéral qui devrait assurer les conditions minimales de l’indépendance de la recherche fondamentale historique ne finance de plus en plus qu’à condition que le projet de la demande de subvention puisse élaborer des stratégies «concernant divers aspects de l’intervention, de l’action, de la prestation des programmes et de l’élaboration des politiques qui répondront aux besoins d’une époque de rapide évolution». Cette exigence de retombées pour la communauté rend de facto la recherche fondamentale dépendante de ses impératifs. Le recul m’a toutefois fait changer d’avis sur la sollicitation venue de mes pairs. C’est que la réflexion épistémologique — avec laquelle les historiens n’ont pas entretenu une relation aussi difficile qu’on le croit mais qui demeure assez marginale au sein de l’espace disciplinaire — a justement pour ambition de questionner ce qu’on tient pour acquis, ce qui est implicite.