Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

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Recension de l’ouvrage « Trouve-toi une job ! : petite histoire des luttes pour le droit à l’assurance-chômage » du Mouvement Action-Chômage de Montréal

Par Benoit Marsan, stagiaire postdoctoral au département de sociologie de l’Université McGill et chargé de cours au département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais

Fondé en 1970, le Mouvement action-chômage de Montréal (MAC) est un groupe communautaire de défense des droits des travailleuses, des travailleurs et des sans-emploi. Son action s’articule autour de trois axes : l’éducation populaire, la représentation des chômeuses et des chômeurs auprès de Service Canada et l’action collective. Il milite pour un système d’assurance-chômage universel et substantiellement plus généreux. En prévision des célébrations de son cinquantième anniversaire en 2020, l’organisation a entrepris de dépoussiérer ses archives afin d’écrire un roman-feuilleton. C’est dans la foulée qu’est apparue l’idée du livre Trouve-toi une job ! : petite histoire des luttes pour le droit à l’assurance-chômage. Paru en septembre 2022 aux éditions Écosociété, l’ouvrage a pour but de présenter l’évolution du MAC au cours des années, en plus de vouloir retracer une « histoire populaire et ouvrière des sans-emploi de Montréal, mais aussi du Québec » (p. 15). Principalement rédigé par Jérémie Dhavernas, avocat et employé de l’organisation, l’ouvrage est signé MAC afin de souligner la prise de parole des militantes et des militants qui y ont œuvré depuis sa fondation. Quant à son titre, il synthétise les propos désobligeants et basés sur des préjugés auxquels doivent souvent faire face les sans-emploi, et ce, particulièrement lorsqu’ils dénoncent leur condition.

Haïti : de la domination simple à la domination complexe

Par Walner OSNA[1], Université d’Ottawa

Manifestation du 22 janvier 2016 – Haut Delmas (Crédit : Stephen William Phelps)

Résumé

Cet article analyse la critique (contestation de l’État) et la domination en Haïti à la lumière de la pensée de Luc Boltanski en considérant deux régimes politiques différents. D’une part, nous montrerons qu’une critique radicale du régime de Jean Pierre Boyer (1818-1843) a existé et qu’elle a pris la forme de mouvements armés. Ne laissant pas de place à cette critique de s’exprimer, le régime de Boyer a établi une domination simple. D’autre part, la critique a évolué (s’est transformée) en critique réformiste. Celle-ci a fait face à une domination complexe sous le régime de Michel Joseph Martelly (2011-2016), notamment parce que ce dernier a essayé d’incorporer la critique en adaptant son régime au contexte national et international post-1986.

Mots-clés

Haïti ; domination simple ; domination complexe ; critique ; régime politique

Introduction

Les questions de la critique (contestation) et de la domination politique traversent toute l’histoire politique d’Haïti. La société haïtienne est issue de la contestation. Elle a mené la plus grande révolution de l’histoire en remettant en question l’ordre capitaliste colonial esclavagiste : en novembre 1803, des «captifs[2]» ont mis en déroute la plus grande armée de l’époque, l’armée napoléonienne. Après l’indépendance d’Haïti, la critique et la domination ont pris des formes différentes selon l’époque et le régime politique. Cet article a pour objectif de comprendre la question de la domination en Haïti à la lumière de la sociologie de Luc Boltanski, et ce, en analysant deux régimes politiques différents. D’une part, nous analysons l’existence d’une critique radicale, prenant la forme de mouvements armés sous le régime de Jean Pierre Boyer (1818-1843). Cette contestation radicale a fait face à une domination simple en ce sens que le régime politique ne laissait pas de place à l’exercice de la critique. D’autre part, plus récemment, la critique a évolué et s’est transformée en critique réformiste et a mené à une domination complexe sous le régime de Michel Joseph Martelly (2011-2016). Ce dernier a incorporé la critique même si c’est pour la détourner de sa visée.

Le calme avant la tempête ? Épidémies et conflits sociaux

Noémie Charest-Bourdon, doctorante en histoire à l’UQAM,membre du Centre d’histoire des régulations sociales

Les maladies sont bien souvent des indicateurs des inégalités qui structurent les sociétés, et ce, même si virus et bactéries ne font à priori aucune distinction entre les classes sociales auxquelles appartiennent leurs hôtes. Avec plus d’intensité encore, les épidémies mettent ces iniquités en relief. Tout comme la pandémie actuelle, les dernières grandes épidémies qui ont frappé le Québec, soit la variole en 1885 et la grippe espagnole en 1918-1920, ont en effet été de puissants révélateurs des inégalités sociales. En accentuant les divisions sociales – notamment en ce qui a trait aux conditions de vie et de travail ainsi qu’à l’accès aux soins de santé des classes laborieuses – ces épisodes éprouvants ont, chacun à leur façon, donné lieu à des mouvements de contestations importants et ont ainsi accéléré le rythme du changement social. Dans les deux cas qui nous intéressent, le monde ouvrier et syndical a connu une importante période d’effervescence à la suite des crises sanitaires. On a peu insisté sur le fait que les crises sanitaires témoignent d’une profonde articulation entre le sanitaire et le social. Le survol des événements de 1885 et de 1918-1920 à Montréal, et plus sommairement à Winnipeg, permet de prendre la mesure de cette imbrication.

Relations de genre dans le projet insurrectionnel colombien : le cas des combattantes des FARC-EP et du M-19

Par Frédérique Montreuil, candidate à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM)

Résumé : Cet article s’intéresse à l’expérience des combattantes au sein de la gauche insurrectionnelle colombienne à la fin du XXe siècle, et plus spécifiquement au sein de deux guérillas, les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP) et le Mouvement du 19 avril (M-19). En s’interrogeant sur l’articulation des rapports de genre au sein de ces groupes, il met en lumière la tension entre les potentialités d’émancipation et la perpétuation de dynamiques de domination qui se déploient dans l’espace révolutionnaire.

Mots clés : Colombie; conflit armé; combattantes; Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP); Mouvement du 19 avril (M-19); genre


Des pourparlers de paix entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP) se sont déroulés à La Havane, Cuba entre 2012 et 2016. Ces négociations se sont distinguées par la mise sur pied, en septembre 2014, d’une sous-commission chargée de s’occuper spécifiquement des questions de genre. Il s’agit d’une première mondiale dans le cadre de négociations entre un groupe armé et un État. L’accord final, signé le premier décembre 2016, reconnaît «que les femmes font face à davantage de barrières sociales et institutionnelles dans l’exercice de leur participation politique»[1]. Des dispositions sont ainsi prévues pour la réincorporation et la participation citoyenne des ex-combattantes[2]. L’inclusion d’une perspective de genre dans le processus de justice transitionnelle n’allait pas de soi: elle est le fruit d’un long combat, mené de front par des activistes féministes et organisations de femmes colombiennes. Dès les débuts des négociations, la coalition Mujeres por la Paz dénonçait l’absence de femmes dans le processus, et condamnait le filtre masculin d’analyse des questions de paix et de justice, critique matérialisée par le slogan «La paz sin mujeres ¡no va!»[3].

La participation des Colombiennes au conflit armé ne s’est pas confinée au militantisme pour la paix. Elles ont également pris les armes. Le recensement socioéconomique mené par l’Université Nationale de Colombie auprès d’ex-combattant-e-s, en 2017, révélait une proportion de 23% de femmes dans les effectifs totaux des FARC-EP, dont une proportion de 33% dans le corps guérillero armé[4].

L’occupation de Sir George Williams

Affiche par Lateef Martin; Texte par Funké Aladejebi; Traduction par Marie-Laurence Rho

Le 29 janvier 1969, près de 200 étudiant·e·s universitaires se sont barricadé·e·s dans le centre informatique du 9e étage du Henry F. Hall Building de l’université Sir George Williams à Montréal (maintenant connue comme l’université Concordia). Ce mouvement, qui a marqué le début d’une occupation de deux semaines pour protester contre le racisme, a abouti à une intervention de la police anti-émeute. Celle-ci a évacué de force les manifestant·e·s hors du bâtiment et les a arrêté·e·s le 11 février 1969. Par le temps que l’occupation de Sir George Williams (à laquelle on réfère souvent comme une « affaire » ou une « émeute ») se termine, 97 personnes, dont des étudiant·e·s noir·e·s et des étudiant·e·s blanc·he·s, avaient été arrêtées et l’université avait subi des dommages matériels s’élevant à 1 million de dollars. La manifestation et les conséquences qui en sont découlées ont créé une rupture avec le mythe d’harmonie raciale au Canada. L’occupation de Sir George Williams demeure la plus importante des occupations étudiantes de l’histoire du pays.

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