Des nouvelles d’Active History

Publié le 11 mars 2012
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catégorisé, N. (2012). Des nouvelles d'Active History. Histoire Engagée. https://histoireengagee.ca/?p=1593

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catégorisé Non. "Des nouvelles d'Active History." Histoire Engagée, 2012. https://histoireengagee.ca/?p=1593.

Pascal Scallon-Chouinard, Université de Sherbrooke

Nous vous invitons à consulter le site ActiveHistory.ca où les liens entre histoire, professionnels de l’histoire, communautés et mémoire ont été récemment traités par différents intervenants.

Dans un texte teinté par ses expériences personnelles, l’archiviste Melissa Mannon discute d’abord du rôle important qu’est appelée à jouer la population dans le travail des historiens, des chercheurs et des archivistes. Pour bien accomplir leur travail, explique-t-elle dans un article intitulé « Outreach and Collections. Encouraging Community Members to Play a Role in Saving History », il est essentiel que les artisans de l’histoire tissent des liens avec les communautés. Une sensibilisation se doit d’être faite afin d’expliquer la valeur des vestiges familiaux et leur importance dans le travail des professionnels de l’histoire. Mannon explique qu’une richesse insoupçonnée se retrouve parfois entreposée dans des foyers sous forme d’objets ou de documents divers. Ces vestiges peuvent non seulement aider les historiens dans leurs recherches sur des aspects précis de l’histoire, mais ils peuvent également enrichir les collections archivistiques et muséales, ou ultimement jouer un rôle essentiel dans les processus de mise en valeur et de préservation de la mémoire d’une communauté.

La préservation d’héritages culturels se retrouve également au cœur de l’article « Active History on the Grand: Historic Gardens » de Karen Dearlove. Pour cette dernière, il est indéniable que les bâtiments et les sites historiques restaurés offrent à ceux qui les visitent une expérience unique et une certaine compréhension de ce à quoi pouvait ressembler la vie à différentes époques. L’étude de jardins historiques, à titre d’exemple, permet d’en apprendre davantage sur l’histoire de l’agriculture, sur l’histoire alimentaire et sur l’économie domestique de communautés du passé. L’auteure s’attarde particulièrement sur le cas du Chiefswood National Historic Site, en Ontario. Elle s’intéresse notamment au processus qui a conduit à sa restauration et à sa mise en valeur. Mettant à profit des vestiges archéologiques, des archives et des photographies, un effort colossal a été mené à la fin des années 1990 afin de documenter l’occupation de ce site depuis le milieu du XIXe siècle. Le travail effectué, explique Karen Dearlove, a permis de mettre en place un plan de restauration et de conservation du Chiefswood National Historic Site en conformité avec l’histoire de son occupation et de son exploitation.

Les questions de restauration et de mise en valeur ne touchent pas uniquement les jardins et les sites historiques. L’univers urbain, comme le souligne Jay Young dans son article « Living History at New York’s Tenement Museum », comporte également son lot de lieux et de bâtiments dont le potentiel, du point de vue de l’histoire et de la mémoire, est parfois insoupçonné. C’est le cas, selon l’auteur, du Tenment Museum de New York, un immeuble restauré de cinq étages datant de la seconde moitié du XIXe siècle. Construit par un immigrant allemand, l’immeuble aurait été au cœur de l’activité multiethnique new-yorkaise. En effet, ce serait plus de 7000 personnes d’origines allemandes, italiennes, irlandaises, etc., qui auraient habité les appartements de l’actuel Tenment Museum, de sa construction jusqu’à l’évincement de ses derniers propriétaires en 1935. Condamné dans les années 1950, l’édifice a été redécouvert dans la décennie 1980 par l’historienne et activiste Ruth Abram. Inoccupé depuis des décennies, l’immeuble revêtait l’apparence d’une « capsule temporelle » ayant préservé inaltéré un passé méconnu. La restauration et la mise en valeur de ce bâtiment ont permis sa transformation en musée dont la mission principale consiste à forger des liens entre les visiteurs et les immigrants du passé, puis également à mettre en lumière le rôle fondamental de ces derniers dans l’évolution historique et identitaire de la société américaine. Ouvert au public, le musée collabore également avec des écoles afin de développer des activités éducatives sur l’histoire du bâtiment et sur la mémoire de l’immigration. L’article de Jay Young donne en somme un bon exemple de mise en valeur de l’histoire dans le cadre de pratiques et d’interventions culturelles.

La mémoire, comme nous venons de le voir, permet souvent de forger des liens entre les professionnels de l’histoire et les communautés. Mais cette mémoire est-elle toujours le reflet d’une réalité historique? C’est en quelque sorte cette question que se pose Dan Macfarlane lorsqu’il se penche sur l’association identitaire qui est souvent faite entre le Canada et un certain pacifisme. Dans un article intitulé « Keeping the Peace or Keeping a Myth? », l’auteur s’interroge tout d’abord sur ce qui a conduit les Canadiens à considérer leur pays comme un leader mondial dans les opérations de paix. Le contexte de l’après Deuxième Guerre mondiale (rôle dans la création de l’ONU et de certaines institutions économiques telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, le Prix Nobel de la paix décerné à Lester Pearson en 1957, etc.) aurait contribué, jusqu’à aujourd’hui, à donner bonne figure au Canada sur les scènes nationales et internationales. Pourtant, souligne Macfarlane, des aspects militaires, voire impérialistes, caractérisent également l’histoire canadienne. Le pacifisme canadien ne serait-il qu’un mythe? L’auteur soutient que le Canada de cette époque (1950) était hautement militarisé (près de la moitié du budget fédéral était alors consacré aux forces armées et à la sécurité) et qu’il a joué, en contexte de Guerre froide, un rôle de premier plan dans le développement de l’arsenal nucléaire et dans l’expansion américaine. Ce ne serait que dans les décennies suivantes que le gouvernement canadien aurait privilégié une politique pacifiste, mais cette position aurait d’abord été prise sous des motivations économiques (moins de dépenses) et culturelles (autonomie par rapport aux États-Unis, développement d’un « exceptionnalisme » canadien, etc.). C’est donc un appel à la prudence que lance Macfarlane, rappelant qu’il y a toujours un danger, d’un point de vue mémoriel, de « romancer » le passé ou encore de privilégier les aspects favorables plutôt que les réalités historiques.

Bonne lecture!