Par Renée Girard, historienne indépendante

Entre les années 1660 et 1670, des Haudenausonee quittent leur territoire ancestral dans le présent état de New York pour s’installer au nord du lac Ontario. Cette collectivité, reconnue sous le nom d’Iroquois du Nord (IDN), est formée principalement de Seneca, de Cayuga, et d’Oneida, mais aussi de plusieurs individus intégrés à ces communautés après un processus d’adoption. Parmi ces derniers on retrouve des Attawanderon (Neutres) , des Wendat et des Tionontaté (Pétun), pour qui ce territoire est familier. Les établissements IDN sont de courte durée. Même si leur nom continue d’apparaître sur les cartes du XVIIIe siècle, les recherches archéologiques démontrent que la plupart des villages IDN sont abandonnés avant 1688 (263). The History and Archaeology of the Iroquois du Nord tiré du Symposium 2019 de la Ontario Archaeological Society réunit les recherches archéologiques les plus récentes sur ce groupe peu étudié. Le volume offre un jeu de va-et-vient entre histoire, archéologie et géographie. Cette conjonction de disciplines, associée à l’intégration de nouvelles méthodes de recherche et à la reconnaissance de la mémoire autochtone, produit une image nuancée et complexe des établissements IDN et de leur population. Cet exercice qui tient compte de la fluidité identitaire autochtone, tout comme celle de leurs frontières, permet ainsi de mieux comprendre la dynamique qui a incité l’occupation de ce territoire.
L’ouvrage se démarque par la volonté des auteurs de se dissocier des raisonnements eurocentriques, inspirés par les priorités économiques et politiques des textes coloniaux, qui marquent les constructions historiques conventionnelles (141). Neal Ferris, par exemple, dénonce dans « Changing Continuities of Home » ce qu’il considère comme la « tyrannie des moments transitoires préservée dans les écrits européens qui impose une permanence au passé et qui masque les réalités plus complexes et nuancées qui sous-tendent ces moments transitoires » (ma traduction, 156). Les auteurs mettent ainsi en opposition au récit d’annihilation, généralement proposé dans l’historiographie, un concept de transformation et une occupation autochtone marquée par la fluidité et la continuité. Cette historiographie qu’on décrie ici est toutefois peu définie. Les auteurs se réfèrent surtout aux historiens révisionnistes comme Jon Parmenter et José António Brandão qui, au sujet de l’abandon des sites IDN, distinguent entre transformation et destruction (40 et 151). Pour situer le propos, Ronald F. Williamson présente, en guise d’introduction, le contexte historique qui entoure l’établissement des Iroquois du Nord dans ce territoire préalablement occupé par les Attawanderon, les Wendat et les Tionontaté, à partir de sa genèse jusqu’à son abandon avant la fin du siècle. Par la suite, le volume se divise en cinq sections.