La brasserie de Jean Talon, 1670-1675*
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Nicole-Labrie, L. (2010). La brasserie de Jean Talon, 1670-1675*. Histoire Engagée. https://histoireengagee.ca/?p=226Chicago
Nicole-Labrie Luc. "La brasserie de Jean Talon, 1670-1675*." Histoire Engagée, 2010. https://histoireengagee.ca/?p=226.Luc Nicole-Labrie
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Cette semaine à Québec s’ouvrira la première édition du Festibière de Québec à l’Espace 400e. Ce festival se tiendra du jeudi 19 au dimanche 22 août 2010. Ce premier festival de la bière dans la Vieille Capitale est une occasion de découvrir quelques brasseurs et brasseries d’ici et d’ailleurs, d’assister à quelques conférences sur la bière et même de découvrir l’histoire de la bière à Québec à travers un circuit historique. Voici un premier texte à propos de l’histoire de la bière à Québec et surtout à propos de son origine: la brasserie de Jean Talon. Vous avez bien lu; d’autres textes sur l’histoire de la bière dans la ville de Québec sont à suivre.
Bien peu de bière se brasse à Québec pendant près de 200 ans. Jusqu’à la révolution américaine (1776) et à l’arrivée des Loyalistes et même jusqu’au début du 19e siècle, Québec n’est pas reconnue pour ses brasseries «industrielles», on entend ici qui seraient capables de desservir une bonne partie de la population. Certes, quelques communautés religieuses ou individus brassent de petites quantités de bière ou font leurs alcools «maison» pendant tout le régime français, mais la production vient essentiellement de l’extérieur; bien que les quantités de bière dépassent probablement la consommation domestique, on ne parle pas de production à grande échelle. C’était sans compter sur le premier Intendant de la colonie, Jean Talon (ci-haut).
Premier officier de justice, mais également un des principaux responsables des cordons de la bourse de la colonie, Talon arrive à Québec avec des projets. En poste de 1665 à 1668 puis de 1670 à 1672, il essayera de mettre sur pied de petites ou grandes entreprises pour tenter de faire fonctionner l’économie locale pour et par ses habitants. Parmi ces projets, Talon désire implanter une grande brasserie (ci-haut) à Québec. Déjà en chantier en 1667, la brasserie commence à produire vers 1670. Sa production? Environ 4000 barriques de bière par année, soit environ 800 000 litres (donc une barrique équivaut environ à 200 litres de bière) pour une population (à Québec) d’environ 4000 âmes, femmes et enfants inclus. Talon destine la moitié de la production à Québec, l’autre aux Antilles (ce qui s’inscrit parfaitement dans le modèle du commerce triangulaire entre la France et ses colonies existant à l’époque).
Bien que la bière soit d’assez bonne qualité (un maître-brasseur supervise l’opération) et que la colonie dispose de suffisamment de surplus agricoles pour alimenter la production, la bière produite n’est pas vraiment bon marché et ne peut réussir à bien concurrencer les autres produits d’Europe. On réussit à vendre la barrique à environ 25 livres, ce qui est assez élevé. En plus, l’exportation aux Antilles ne fonctionne pas bien parce que les prix sont trop élevés comparativement à ce que d’autres puissances européennes arrivent à offrir. Talon réussit également, au nom de l’ordre public, à limiter l’importation de vins et spiritueux d’Europe (ce qui stimulerait la consommation de produits «locaux»), mais cette mesure du Conseil souverain ne connaît pas un grand succès. La bière demeure un produit consommé, mais qui ne tient pas le haut du pavé face au vin (chez les classes plus aisées) et aux autres spiritueux.
L’aventure de la brasserie de Jean Talon se termine en 1675 avec la nomination, au poste de gouverneur de la colonie, du comte de Frontenac (ci-haut). En effet, Louis de Buade, comte de Frontenac est nommé à la tête de la colonie en 1672, année du départ de l’intendant Talon pour la France. Alors seul à gouverner la colonie (Talon est rappelé, l’évêque François de Laval est en France), Frontenac ne voit pas l’intérêt de cette brasserie et les avantages administratifs de la bière seront annulés. La brasserie servira d’abord d’entrepôt de poudre (vers 1677) puis de magasin du Roy (début de la décennie 1680) avant qu’on décide d’y aménager le palais de l’Intendant (qui sera utilisé comme tel jusqu’à son incendie de 1713).
*Publié sur Histoire et Société.
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