Quel avenir pour les ouvrières de Clio ? L’invisibilisation des femmes dans le milieu de l’histoire

Publié le 3 décembre 2024

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Bois, E. et Lainesse, L. (2024). Quel avenir pour les ouvrières de Clio ? L’invisibilisation des femmes dans le milieu de l’histoire. Histoire Engagée. https://histoireengagee.ca/?p=13138

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Bois Emmy et Louise Lainesse. "Quel avenir pour les ouvrières de Clio ? L’invisibilisation des femmes dans le milieu de l’histoire." Histoire Engagée, 2024. https://histoireengagee.ca/?p=13138.

Par Emmy Bois, Université de Sherbrooke, et Louise Lainesse, Université de Montréal, doctorantes en histoire

Au Québec comme ailleurs, la professionnalisation de la discipline historique a essentiellement été le fait d’hommes[1]. Puisque le rapport des femmes à la connaissance historique a été « marqué par des logiques d’exclusion[2] », celles-ci ont longtemps été absentes de la construction de l’histoire dite savante. Or, alors que la proportion de femmes au sein de la recherche scientifique n’a cessé de croître depuis les années 1970, il reste que l’atteinte de la parité entre les historiens et historiennes au sein des départements universitaires où on enseigne l’histoire semble encore utopique et que les chercheuses — particulièrement celles en début de carrière — font face à un nombre considérable d’obstacles qui ont pour résultat de les invisibiliser[3].

Ce constat n’est pas nouveau et ne concerne pas que le Québec. En 2017, un groupe d’historiennes états-uniennes lançait l’initiative Women Also Know History, en réaction aux processus d’invisibilisation des femmes et de leurs travaux[4]. La même année, à l’occasion du Mois de l’histoire des femmes au Québec, Adèle Clapperton-Richard et Camille Robert faisaient paraître un texte dans Histoire Engagée à la suite de la tenue d’une table ronde sur « Les défis de l’historien dans l’espace public » à la Grande Bibliothèque. Elles y dénonçaient le fait qu’aucune historienne n’y figurait en tant que panéliste[5]. Puis, du côté de la France, en 2018, une lettre co-rédigée par 15 historiennes et co-signée par 440 autres a été publiée dans le journal Le Monde pour dénoncer l’hégémonie masculine dans la discipline historique[6].

Au Québec, l’invisibilisation des femmes dans le milieu de l’histoire prend racine dans les discriminations « indirectes » dont les historiennes font les frais. Elle s’inscrit dans le contexte de la persistance d’une logique de prééminence masculine de l’espace académique historien, et ce, en dépit d’une féminisation des cohortes étudiantes. Les universités, en tant qu’institutions où s’exercent des rapports de pouvoir, semblent être au centre de ce phénomène d’invisibilisation en raison de leur fonctionnement. Divers enjeux structurels y sont à l’œuvre, lesquels s’agencent et ont pour conséquence de nuire à l’atteinte de la parité au sein des corps professoraux : manque chronique de financement pour produire du savoir et le diffuser, non-remplacement des professeur·es après des départs à la retraite nombreux ces dernières années et tendance toujours plus forte à la (sur)productivité évaluable quantitativement plutôt que qualitativement. Nous ne saurions insister suffisamment sur le point suivant : cette invisibilisation, bien qu’elle touche l’ensemble des historiennes de notre discipline, affecte davantage les femmes qui subissent d’autres formes de discrimination, comme c’est le cas des femmes racisées, en situation de handicap visible ou invisible ou celles s’identifiant comme appartenant à la communauté LGBTQIA2+. Bien entendu, cette pression supplémentaire se reflète dans la composition des corps professoraux universitaires.

Dans ce texte, nous proposons une réflexion sur notre discipline et notre milieu, une réflexion que nous exposerons en trois temps : la diffusion des recherches menées par les historiennes, les embauches dans les universités québécoises et le contexte actuel dans lequel évoluent les chercheuses. Puis, nous conclurons notre texte par un appel à l’action. Il s’agit là, nous l’espérons, d’une réflexion qui établira les bases d’un dialogue posé sur l’avenir des ouvrières de Clio – et de la discipline historique elle-même.

Diffusion des recherches menées par les femmes

Au sein de l’espace public et du monde universitaire, les recherches menées par les historiennes sont moins largement diffusées que celles de leurs collègues masculins. Cette réalité est troublante, puisqu’au cours des dernières années, les femmes ont été presque aussi nombreuses que les hommes à s’inscrire dans un programme de deuxième et troisième cycles en histoire et à en diplômer. En effet, la proportion des femmes inscrites et diplômées en histoire se situe dans la zone paritaire (40 %-60 %) définie par le Conseil du statut de la femme[7].

Selon les données compilées par Statistique Canada, entre 2010 et 2022, les cohortes d’étudiant·es aux cycles supérieurs en histoire au Québec étaient en moyenne formées de 42,3 % de femmes à la maîtrise (Graphique I) et de 43,5 % de femmes au doctorat (Graphique II)[8]. Du côté de la diplomation, les données disponibles[9] indiquent qu’entre 2011 et 2021, 1 123 candidat·es à la maîtrise ont obtenu leur diplôme (Graphique III)[10]. De ce nombre, 44,35 % étaient des femmes. Au troisième cycle, ce sont 254 personnes qui ont obtenu leur diplôme de doctorat entre 2011 et 2021, dont 40,23 % étaient des femmes. Certaines années, les doctorantes ont été aussi nombreuses (2011, 2015) ou presque (2021) que leurs comparses masculins à diplômer (Graphique IV).

Malgré la présence significative des femmes aux cycles supérieurs en histoire, les historiennes demeurent sous-représentées en matière de publication et de diffusion de leurs recherches au sein de l’espace savant. Elles sont moins citées, elles publient moins, et elles sont moins présentes ou moins fréquemment invitées à présenter lors d’événements publics ou universitaires. Par exemple, la proportion de contributions scientifiques rédigées par des femmes dans la Revue d’histoire de l’Amérique française (RHAF) entre 1982 et 2018 s’établissait à 36 %, selon les recherches menées par Julien Goyette, Louise Bienvenue et Nicolas Devaux[11]. Si le tournant des années 2000 avait laissé présager une hausse continue des contributions féminines – celles-ci étant passées de 25 % à 44 % entre 1994 et 2006 – force est de constater que cette hausse ne fut que passagère au sein de la RHAF : entre 2006 et 2012, la proportion des articles signés par les historiennes descendait déjà à 31 %, pourcentage qui s’est ensuite maintenu jusqu’en 2018. Du côté du Bulletin d’histoire politique, ce sont seulement 18 % des contributions publiées entre 1992 et 2005 qui ont été produites par des femmes[12], alors que pour la revue Mens, la proportion de femmes à avoir été publiées s’établissait à 30 % pour les années 2000-2010[13]. Si ces trois revues savantes ont ici été retenues, c’est parce qu’elles font partie des périodiques les plus influents lorsqu’il s’agit d’histoire du Québec. Bien que nous sommes conscientes que ces données sont imparfaitement comparables entre elles et, de fait, ne permettent pas d’émettre une certitude sans appel, elles indiquent malgré tout une tendance claire : dans les trois revues, les contributions féminines y ont été largement minoritaires[14]. D’autres recherches mériteraient évidemment d’être menées afin de brosser un portrait plus actuel de la situation, car nous sommes en partie tributaires des données existantes.

Nous devons également nous questionner quant à l’impact de la pandémie sur les contributions féminines publiées dans les revues savantes. Un article publié en 2021, corédigé par Matthew Hayday, Tina Loo, et Catherine Desbarats, mettait en lumière l’effet de la crise sanitaire sur les chercheuses et la diffusion de leurs travaux, illustrant l’importante diminution des contributions féminines à la Canadian Historical Review (CHR) après 2020. En effet, alors qu’entre 2015 et 2020, les contributions des femmes représentaient 36 % de tous les articles soumis à la CHR, celles-ci chutaient à 18 % lors de la première année de la pandémie[15].

Du côté des événements scientifiques, les historiennes sont également proportionnellement moins présentes que leurs collègues masculins. Dans le cadre de la rédaction de ce texte, nous avons mené une étude à partir des programmes des congrès annuels de l’Institut d’histoire de l’Amérique française (IHAF)[16]. Cette étude, qui cible une période de vingt ans allant de 2004 à 2024 (excluant l’année pandémique 2020)[17], nous a permis d’établir la présence moyenne des femmes panélistes à 38 %[18] et celle des présidentes de séance à 33 %[19]. Ces proportions atteignent parfois aussi peu que 33 % ou même 27 % de panélistes féminines, comme ce fut le cas en 2007 et en 2008, respectivement. Du côté des président·es de séance, les données sont encore plus saisissantes : en 2008, la présence de femmes présidentes de séance s’effondrait à 7 % et atteignait à peine 20% en 2021 et 23 % en 2011. En contrepartie, sur cette période de 20 ans, une seule année a vu la proportion de panélistes féminines être égale à celles des panélistes masculins : il s’agit de 2006 alors que le congrès annuel de l’IHAF, dont l’hôte était l’Université du Québec à Montréal, avait pour thématique « Une histoire au quotidien[20] ». Si la thématique à l’honneur cette année-là n’est certainement pas étrangère à ce phénomène paritaire puisqu’elle rejoignait les intérêts de recherche de nombre de chercheuses, on doit aussi se questionner si des stratégies particulières – et conscientes – ont eu à être déployées par le comité organisateur afin d’y parvenir.

La sous-représentation des historiennes et les cas d’échec paritaire sont amplifiés par certaines circonstances, qu’il s’agisse du contexte (post)pandémique ou de lieux d’accueil particulièrement masculins, tels que les collèges militaires. En outre, ces situations discriminatoires ne se résument pas qu’à l’espace universitaire : elles se reflètent également dans la façon dont les pouvoirs publics voient l’expertise historienne. Par exemple, lors des consultations et auditions publiques portant sur le projet de loi n° 64 instituant le Musée national de l’histoire du Québec tenues par l’Assemblée nationale en septembre 2024, seules quatre femmes – soit deux historiennes et deux muséologues – ont été nommément convoquées comme expertes, contre sept experts masculins ne représentant pas des organismes. Contrairement à tous les autres spécialistes convoqué·es à titre personnel, les deux historiennes ont été appelées à commenter le projet de loi ensemble, accentuant de fait le déséquilibre paritaire : lorsque nous évaluons les temps de parole, nous constatons que les spécialistes féminines invitées à prendre la parole ont bénéficié d’environ 135 minutes de témoignage – soit le tiers du temps seulement – contre près de 315 minutes pour leurs collègues masculins ne représentant pas une organisation. Ainsi, l’invisibilisation des femmes en tant que spécialistes de l’histoire dans l’espace public est non seulement toujours d’actualité, mais prend une diversité de formes comme ce fut le cas dans cet exemple tiré de l’Assemblée nationale[21].

Dans la même veine, les chercheuses font parfois l’objet de tokénisme. Par exemple, lors d’un colloque ou d’un congrès, il arrive que quelques historiennes soient incluses dans les programmations scientifiques mais seulement pour y jouer des rôles mineurs, comme animatrices de tables rondes ou pour des activités en marge de l’événement. En tant que « jetons », ces femmes ne peuvent pas mettre pleinement à profit leurs compétences, se voyant octroyer un rôle accessoire plutôt qu’une véritable place au sein de la programmation scientifique. Lorsque ces propositions de contribution en tant que « femmes de service » s’avèrent particulièrement chronophages et peu significatives pour elles, elles contribuent encore davantage à creuser l’écart avec leurs collègues masculins, ce qui peut avoir des conséquences à long terme pour leur carrière[22].

D’aucuns diraient que les femmes sont elles-mêmes responsables de leur propre invisibilisation : après tout, elles refusent davantage les invitations, proposent moins de communications que leurs collègues, répondent moins fréquemment aux appels à publication, et enfin, elles sont plus réservées lorsque vient le temps de s’exprimer devant les médias ou lors des périodes de questions. Ainsi, ne sont-elles pas les artisanes de leur propre marginalisation ? En plus d’être dommageable à l’atteinte de la parité dans le milieu de l’histoire, ce raisonnement biaisé ne tient pas compte des obstacles structurels que rencontrent les femmes dans toutes les sphères de leur parcours et en fait une simple responsabilité individuelle[23].

Si les femmes sont moins visibles dans la diffusion de leurs recherches, c’est entre autres parce que « leur temps n’est pas celui des hommes[24] ». Le partage inégal du travail familial et domestique[25] ainsi que le manque de ressources financières contribuent à expliquer les raisons pour lesquelles il s’avère beaucoup plus complexe, voire quasi impossible, pour les femmes de publier autant et d’être aussi présentes dans les événements que leurs collègues masculins[26]. En 2015, selon le Conseil du statut de la femme, les femmes passaient en moyenne 1h de plus chaque jour à se consacrer aux activités domestiques, soit à réaliser des tâches ménagères, à prendre soin des enfants et à planifier les courses, les activités hebdomadaires, etc. Précisons que cette donnée n’inclut pas tout le travail invisible auquel les femmes s’adonnent et qui alourdit leur charge mentale, notamment l’ensemble des tâches reliées au travail du soin réalisées auprès des proches, des ami·es ou de la communauté. Bien souvent, ces attitudes de « care » sont aussi implicitement attendues de leur part dans le monde professionnel, alourdissant encore une fois le travail invisible qui leur est demandé.

Pour les mêmes raisons, les femmes semblent être moins nombreuses à participer aux rencontres informelles qui se déroulent en marge des événements académiques. Ce phénomène contribue à les exclure, en partie, des réseaux de sociabilité professionnels qui peuvent s’y créer et qui, pourtant, jouent un rôle essentiel dans l’obtention de certains privilèges, le partage d’informations et les possibilités de collaborations ultérieures. La propension des femmes à refuser davantage les invitations que les hommes ou à prendre la parole moins fréquemment en public reflète ainsi ce surcroît de travail auquel doivent faire face les chercheuses. Par ailleurs, les critiques se font plus sévères à l’endroit des femmes lorsqu’elles s’expriment publiquement, ce qui peut contribuer à expliquer les réticences des chercheuses à accepter des invitations lorsqu’elles sont appelées à vulgariser des enjeux ou à commenter des réalités historiques : elles sont plus promptes à considérer ces enjeux comme étant hors de leurs champs de spécialisation ou de compétence, car leur crédibilité est plus facilement remise en cause comparativement à leurs collègues masculins[27].

Sur la base de ces données et observations (voir l’annexe 1 en supplément), il apparaît clair que des mesures concrètes doivent être envisagées par les institutions, les comités éditoriaux ainsi que les comités organisateurs d’événements scientifiques afin d’améliorer la représentativité des recherches menées par les femmes : cette responsabilité ne peut incomber uniquement aux femmes à titre individuel. En outre, – rappelons-le – si elles sont moins audibles ou visibles, les femmes sont loin d’être absentes du milieu de la recherche en histoire.

Le contexte actuel : embauches et postpandémie

La profession historienne, telle qu’elle s’est institutionnalisée dans nos départements universitaires, ne s’est longtemps conjuguée qu’au masculin, et ce, jusqu’à l’entrée des premières historiennes au sein des corps professoraux universitaires dans les années 1970-1980. Depuis ces 50 dernières années, malgré une féminisation progressive du corps professoral historien, la parité reste encore loin d’être atteinte.

Bien que quelques rares universités fassent figure de meneuses[28], la composition des départements d’histoire ou des départements où l’histoire figure parmi les disciplines enseignées[29] indique que les historiennes représentent parfois aussi peu que 0% (UQAC), 18% (UL), 20% (UQAR), 30% (UQAM), 33% (UQO) ou 35% (UdS) du corps professoral. Si quelques-uns de ces faibles pourcentages peuvent s’expliquer – en partie seulement – par le petit nombre de professeur·es en histoire (moins de 10) œuvrant au sein de l’université, dans d’autres cas, il s’agit pourtant de départements comprenant plus de 25 professeur·es! Le déséquilibre paritaire est particulièrement criant parmi les spécialistes de l’histoire du Québec et du Canada en raison des départs récents de plusieurs professeures de ce champ. Pourtant, les ouvertures récentes de postes menant à la permanence dans ce domaine ont presque uniquement donné lieu à des embauches masculines depuis 2020.

Ce déséquilibre paritaire met en lumière le fait que les femmes font, encore aujourd’hui, « les frais des injonctions de productivité et de notoriété scientifique[30] » toujours très importantes dans le monde universitaire. Comme le décrivait un collectif de chercheuses québécoises dans un article paru en 2020, « hiring and advancement in a university career depends on subscribing to a culture of scientific productivity, which is measured in the number of articles published, number of citations, amounts and prestige of grants obtained, international presence, and the number of graduate students and postdoctoral fellows supervised[31] ». Puisque les femmes – et surtout les mères – assument une plus grande part du travail domestique, familial et émotionnel au sein de leur vie privée, cette façon de mesurer leur productivité les désavantage, car elle ne prend pas en compte leurs expériences personnelles. Plus encore, les périodes de confinement et la détresse causée par la pandémie ont accentué la lourdeur du travail gratuit demandé aux femmes, ce qui a eu un impact significatif sur la productivité, la santé ainsi que les ressources financières de nombre de chercheuses. On peut supposer que la carence des dernières années en embauches féminines en histoire du Québec et du Canada – domaine dans lequel les historiennes sont pourtant très nombreuses à se spécialiser – serait une autre mise en lumière des impacts négatifs de la crise sanitaire sur les chercheuses, et du recul déjà observé dès l’an 1 de la pandémie dans le domaine scientifique plus généralement.

Bien qu’il s’agisse d’un lieu commun, permettons-nous de le répéter : la crise sanitaire a mis en évidence les vulnérabilités déjà présentes, tant sur le plan individuel que social. Là où une tension existait, la pandémie a provoqué une cassure. Par conséquent, la crise sanitaire a eu des impacts significatifs et exacerbés pour les femmes, particulièrement celles déjà vulnérabilisées, vivant à l’intersection de plusieurs formes de discrimination systémiques et/ou œuvrant dans des domaines majoritairement masculins où elles étaient déjà sous-représentées. En 2021, dans une entrevue publiée par le Centre d’histoire des régulations sociales, Catherine Larochelle soulignait qu’« aucun mécanisme clair n’[était] prévu pour permettre aux comités d’embauche dans les universités de prendre en compte les impacts de la pandémie[32] ». En dépit de leur sensibilité à cette question, les membres de ces comités seraient encore et toujours portés à favoriser les curriculums vitae académiques les mieux fournis, sans égard aux réalités personnelles des candidats et candidates[33]. Considérant la persistance en société et en milieu de travail des biais sexistes et des stéréotypes de genre, il y a tout lieu de se questionner sur les processus d’embauche : ces comités prennent-ils en considération l’existence de contraintes spécifiques relatives aux carrières féminines ? Est-il possible que certains comités d’embauche perçoivent, inconsciemment, la compétence des candidats et des candidates de façon différente, ce qui se répercute dans leurs évaluations et leurs recommandations ? Et question épineuse… ces comités sont-ils paritaires, alors que la parité est si difficilement atteinte au sein des départements d’histoire ?

Cette réalité fait écho à la sortie médiatique de trois doyennes de l’Université Concordia, le 8 mars 2024, qui s’inquiétaient de constater « un déclin de la représentation des femmes dans des postes de leadership au Canada, en particulier dans le milieu universitaire[34] ». En effet, elles soulignaient qu’il s’agissait d’une tendance accélérée depuis la fin de la crise sanitaire, ce contre quoi elles appelaient à un leadership bienveillant. Le déséquilibre paritaire persistant au sein des départements d’histoire est d’autant plus inquiétant considérant les départs à la retraite de celles qui peuvent être qualifiées de deuxième génération d’historiennes universitaires (après les pionnières), lesquelles sont le plus souvent remplacées par… des hommes! Plusieurs d’entre elles, spécialisées en histoire des femmes et du genre, n’ont pas vu leur champ de recherche être reconduit par l’embauche d’un.e spécialiste : par exemple, les départs récents des historiennes Denyse Baillargeon (UdeM), Johanne Daigle (UL), Brigitte Caulier (UL) ou même de l’ethnologue Jocelyne Mathieu (UL) ont fait suite aux départs à la retraite plus anciens d’Andrée Lévesque (McGill), Micheline Dumont (UdeS) ou encore Nadia Fahmy-Eid (UQAM). Cette situation impose aussi une pression supplémentaire sur leurs collègues qui sont confrontées à la nécessité constante de répondre, faute de candidates potentielles, aux sollicitations répétées du monde académique ou de l’espace public – dans lesquels pourtant la question féministe et des discriminations genrées est très présente.

Le départ de ces historiennes et l’absence d’ouverture de postes en histoire des femmes et du genre ont également le potentiel d’occasionner une perte de spécialisation dans ce domaine. Faire de l’histoire des femmes nécessite d’adopter une posture d’altérité et implique un effort conscient pour se libérer des œillères patriarcales de l’histoire androcentrée et « traditionnelle ». En histoire, le vécu des actrices du passé ne peut et ne doit pas être saisi pleinement et entièrement à l’intérieur de ces cadres de compréhension pour lesquels la norme – du moins en histoire intellectuelle, politique, institutionnelle et militaire notamment – est encore largement masculine. Bien que de nombreux chercheur·es aient investi ce champ au cours des dernières années, l’histoire des femmes et du genre ne semble pas encore être considérée comme une spécialisation à part entière quand on regarde les types de spécialisation demandés lors de l’ouverture d’un poste de professeur·e adjoint·e. Par conséquent, le maintien de cours dans ce domaine, lorsqu’ils ne sont pas inscrits comme obligatoires dans des programmes, est tributaire de l’intention des différentes directions de départements et des professeur·es à maintenir cette offre de cours. À terme, le danger de toujours amalgamer, au sein des départements, l’histoire des femmes à d’autres grands champs de spécialisation, comme l’histoire sociale, est l’invisibilisation des historiennes qui se spécialisent en histoire des femmes et du genre et une dévalorisation de leur travail. 

En 2011, Cynthia Ricard et Debra Easterly notaient que la persistance des biais sexistes inconscients, notamment dans les milieux de travail majoritairement masculins, était à la source du départ des chercheuses du monde académique[35]. Puisqu’au Canada, seulement 9 % des diplômé·es du doctorat en histoire peuvent espérer obtenir un poste en histoire menant à la permanence au sein d’une université[36], ne devrait-on s’assurer de garantir des chances égales à toutes et à tous?

Appel à l’action

Le constat que nous vous avons proposé dans ce texte est celui de l’invisibilisation des historiennes et de leurs recherches, et celui de la persistance de la prédominance masculine dans le monde de l’histoire. Loin d’être spécifique au Québec, ce constat, comme nous en avons fait la démonstration, s’inscrit dans le temps long et semble avoir été accentué par les effets de la crise sanitaire sur les chercheuses.

Face à cette réalité, des mesures concrètes et conscientes doivent être adoptées par nos institutions universitaires, mais aussi par les comités organisateurs d’événements et les comités de rédaction de publications scientifiques afin d’augmenter la représentation des historiennes et de leurs travaux. Ce n’est qu’ainsi que cette tendance discriminatoire pourra être renversée. Rappelons par ailleurs que c’est à l’université, au sein des départements où on enseigne l’histoire, que se situe le nerf de la guerre : les processus d’embauche sont les premiers touchés alors que des préjugés sexistes inconscients semblent bel et bien être à l’œuvre. Comment en arriver à atteindre la parité dans les divers comités universitaires si la présence de femmes historiennes au sein des corps professoraux est insuffisante ? Cette question est au cœur du problème. D’une part, les historiens et historiennes œuvrant au sein des universités sont rémunéré·es pour produire et diffuser des savoirs novateurs. D’autre part, le manque de représentativité des femmes au sein de la classe professorale historienne a des répercussions directes sur l’avenir envisagé par les étudiantes au sein des programmes d’histoire, notamment au premier et deuxième cycles. En effet, le manque de représentativité des femmes au sein de la classe professorale indique, par ricochet, aux étudiantes qu’elles ont moins de chances d’occuper un poste dans une université un jour. À l’inverse, rencontrer un nombre significatif de professeures durant leur cheminement académique peut aider les étudiantes à sentir qu’elles pourraient envisager une carrière académique au sein de leur discipline.

Ainsi, pour mettre fin à l’invisibilisation des historiennes et de leurs travaux, voici quelques mesures qui devraient être considérées par la communauté scientifique historienne : 

  • Réfléchir – individuellement et collectivement – à la persistance de biais sexistes au sein de notre milieu qui nuisent à l’occupation de l’espace et de la parole par les historiennes. 
  • Encourager la prise de parole des femmes, par exemple lors des périodes de questions à la suite de communications scientifiques, en incitant les président·es de séance à voir à l’alternance du droit de parole entre les hommes et les femmes. De même, réserver un temps de parole équitable entre hommes et femmes, en évitant les séries de questions posées à la suite par une même personne.
  • Soutenir les chercheuses en début de carrière, de la même manière que leurs collègues masculins, soit en participant au rayonnement de leur recherche, en favorisant leur insertion au sein des réseaux de sociabilités historiens, en recommandant leur candidature, en leur offrant des contrats et en les considérant pour des projets collaboratifs de publication ou de mise sur pied d’événements scientifiques.
  • Éviter de marginaliser, comme c’est trop souvent le cas dans les événements scientifiques, les études portant sur l’histoire des femmes et les historiennes. De même, éviter de reléguer l’histoire des femmes ainsi que les travaux des historiennes à la marge en leur réservant, année après année, les blocs de temps les moins enviables.
  • Être conscient.e que l’histoire des femmes ne peut pas se faire sans femme, c’est-à-dire s’assurer, lorsqu’un projet porte explicitement sur les femmes, que les chercheuses seront a minima aussi nombreuses que leurs collègues masculins[37].
  • Tendre vers – voire atteindre – la parité au sein des comités qui participent à la diffusion et à la reconnaissance des recherches, dont celles menées par les femmes, notamment les jurys pour les prix, les comités d’organisation d’événements scientifiques, les comités directeurs d’ouvrages collectifs ou de revues scientifiques, etc. 
  • Favoriser la représentation égalitaire sur les comités d’embauche et encourager les candidatures féminines. Cela dit, l’atteinte de la parité dans la formation des comités d’embauche ne doit pas se faire au détriment des travaux de ces femmes : si elles sont moins nombreuses au sein des départements universitaires, elles se verront être sursollicitées et par conséquent surchargées par des tâches administratives, limitant leur temps dédié à leurs activités de recherche ; c’est pourquoi, permettons-nous de le répéter, l’embauche de femmes au sein des corps professoraux est essentielle.

Notre milieu devrait aussi et surtout s’interroger sur le peu de données existantes sur les femmes historiennes, que cela concerne la diffusion de leurs recherches, les taux de diplomation ou encore les embauches en milieu universitaire. Par exemple, il est inquiétant de constater que la récente étude (2022) de la Société historique du Canada sur l’avenir du doctorat en histoire n’ait pas inclus, dans ses critères d’analyse, le genre des personnes inscrites au doctorat, diplômées et embauchées (ou non) au sein des départements universitaires en histoire. L’absence ou la rareté des données genrées forcent parfois les chercheurs et chercheuses à user de créativité pour établir des comparaisons ou encore à utiliser des statistiques provenant de cadres temporels qui ne concordent pas nécessairement. Aux yeux de certain·nes, cela peut contribuer à affaiblir l’argumentation des études menées. Or, comme Caroline Criado Perez le souligne à juste titre dans son ouvrage Femmes invisibles, « l’absence de données genrées n’est [pas qu’une] coïncidence […] elle est à la fois une cause et une conséquence de [l’]absence de réflexion qui fait concevoir l’humanité comme presque exclusivement masculine[38] ». La production de données sur la place réservée aux femmes au sein de la discipline historique, c’est-à-dire sur les historiennes elles-mêmes, mais aussi sur leurs recherches, est l’une des premières étapes qui doivent guider les institutions et les comités organisateurs dans l’examen de conscience qui devra être entrepris afin de combattre l’invisibilisation des femmes en histoire. 

Conclusion

En somme, face à ce phénomène d’invisibilisation et au déséquilibre paritaire qui se creuse au sein de nos départements universitaires, une introspection nous semble plus que jamais nécessaire au sein de la communauté historienne. Il s’agit d’une réflexion à laquelle, nous l’espérons, seront conviées les ouvrières de Clio et à laquelle nos alliés masculins seront nombreux pour nous prêter main forte afin de dénoncer la persistance de préjugés sexistes et de pratiques discriminatoires à l’égard des femmes. Il apparaît urgent que les membres de la communauté historienne, en tant que spécialistes du passé, se positionnent et agissent pour protéger la place des femmes au sein de notre discipline afin qu’elle ne régresse pas, surtout qu’historiquement, cette place n’a pas été facilement acquise. Notre appel à l’action résonne d’autant plus avec le contexte actuel, alors que les discours haineux envers les femmes et les minorités sont en hausse, que la manosphère ne se limite plus qu’aux réseaux sociaux et que les discours masculinistes s’invitent dans les classes des jeunes professeures et chargées de cours en histoire. Chers et chères collègues, quel avenir souhaite-t-on réserver aux ouvrières de Clio?


ANNEXE I : Les historiennes dans l’espace public

S’il n’existe pas encore — à notre connaissance — d’instruments de mesure permettant de retracer avec exactitude le nombre de citations des chercheur·es, il est reconnu que les expertes sont moins citées que les experts dans les médias[39]. Par exemple, en 2022, la présence des femmes dans les citations des médias québécois n’était que de 29 %.

Ce constat se reflète également dans les productions spécifiquement dédiées à l’histoire et qui prennent place dans l’espace public, par exemple :

  • En ce qui concerne les émissions radiophoniques, la situation est la suivante : entre le 28 février 2023 et le 10 juin 2024 (259 émissions), 37 % des invité·es d’Aujourd’hui l’histoire, présentée par Radio-Canada, étaient des femmes ; l’initiative étudiante 3 600 secondes d’histoire quant à elle a donné la parole, durant ses 12 années d’activité, à 34 % de femmes étudiantes ou professeures en sciences historiques.
  • Dans Le Devoir d’histoire, le nombre de contributrices s’élevait à seulement 25,7 % pour les articles publiés entre avril 2017 et juin 2024. Lors de l’année pandémique (2020), les contributrices représentaient aussi peu que 15,4 %, puis 20 % en 2021, 23,1 % en 2022 et enfin 16,7 % en 2023. Avant 2020, les contributions féminines étaient plus nombreuses dans les pages du Devoir d’histoire, quoique celles-ci étaient toujours minoritaires : les publications rédigées par les femmes représentaient 30% des articles publiés en 2017, 28,6% en 2018 et 33,3% en 2019.

Enfin, du côté des publications, en France, au sein des grandes collections d’histoire, seulement 7 % des ouvrages publiés chez Gallimard et 12 % aux Éditions Seuil étaient signés par des femmes en 2018. Il serait intéressant de faire l’étude de cette réalité auprès des éditeurs québécois spécialisés en histoire pour les dernières années.


ANNEXE II : Graphiques

Source des graphiques I et II : Statistique Canada, Graphique 37-10-0182-01, « Effectifs postsecondaires, selon le domaine d’études détaillé et la Classification internationale », Gouvernement du Canada.

Source des graphiques III et IV : Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, « Diplômes octroyés à l’enseignement universitaire selon diverses variables, Québec », Gouvernement du Québec, données en date du 2 mai 2022. Données disponibles pour Concordia, Université de Montréal, Université de Sherbrooke, Université du Québec à Montréal, Université Laval et Université McGill. 

Source des graphiques V et VI : Enquête menée à partir des programmes des congrès de l’IHAF. Un grand merci à Thomas Wien, Karine Hébert et Christophe Horguelin, respectivement président, vice-présidente et coordonnateur de l’IHAF, pour la transmission de ces documents et la collaboration à cette étude.


[1]  Donald Wright, The Professionnalization of History in English Canada, Toronto, University of Toronto Press, 2005.

[2] Louise Bienvenue et François-Olivier Dorais, dir., Profession historienne ? Femmes et pratique de l’histoire au Canada français, XIXe-XXe siècle, Presses de l’Université Laval, Québec, 2023, p. 5. (Coll. « Fabrique d’histoire »)

[3] Le terme « invisibilisation » se définit comme l’action de rendre invisible — par des actions directes ou indirectes — un groupe de personnes (ou une catégorie de personnes) dans un milieu donné, comme l’espace public ou la vie professionnelle. Dans le cadre de ce texte, le terme « invisibiliser » soutient l’idée que les historiennes sont présentes, mais non reconnues à leur juste valeur dans leur milieu professionnel : leur sous-représentation, le manque de reconnaissance à leur égard et l’obtention réduite d’opportunités professionnelles contribuent à les maintenir à l’écart et, donc, à les invisibiliser au sein de la profession historienne.

[4] Emily Prifogle and Karin Wulf, «Why Women Also Know History », Journal of Women’s History, vol. 32 n°2 (2020), p. 113–117.

[5] Adèle Clapperton-Richard et Camille Robert, « Chercher l’absence des femmes », Histoire Engagée, 27 octobre 2017, https://histoireengagee.ca/wp-content/uploads/2017/10/CLAPPERTON-RICHARD-Ad%C3%A8le-et-Camille-ROBERT.-Chercher-labsence-des….pdf.

[6]  « L’appel des historiennes françaises : “Mettons fin à la domination masculine en histoire” », Le Monde, 3 octobre 2018, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/03/l-appel-de-440-historiennes-francaises-mettons-fin-a-la-domination-masculine-en-histoire_5364200_3232.html#:~:text=Nous%20voulons%20que%20l’histoire,nourri%20d’exp%C3%A9riences%20plus%20riches.

[7] Conseil du statut de la femme, « La parité en politique, c’est pour quand ? », Gouvernement du Québec, https://csf.gouv.qc.ca/edition-numerique/femmes-en-politique/.

[8] Statistique Canada, Graphique 37-10-0182-01, « Effectifs postsecondaires, selon le domaine d’études détaillé et la Classification internationale », Gouvernement du Canada.

[9] Ces données ne sont disponibles que pour six universités, soit celles où l’on retrouve le plus grand nombre d’inscriptions aux cycles supérieurs : Concordia, Université de Montréal, Université de Sherbrooke, Université du Québec à Montréal, Université Laval et Université McGill.

[10] Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, « Diplômes octroyés à l’enseignement universitaire selon diverses variables, Québec », Gouvernement du Québec, données en date du 2 mai 2022.

[11]  Julien Goyette, Louise Bienvenue et Nicolas Devaux, « Regards sur l’évolution de la RHAF depuis 1982 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 74, n° 1-2, p. 19.

[12] Jean-Philippe Warren et Yves Gingras, « Le Bulletin d’histoire politique et le retour du refoulé. La lutte pour l’imposition d’un domaine de recherche dans le champ de l’histoire québécoise (1992-2005) », Bulletin d’histoire politique, vol. 15, no 3 (2007) p. 29.

[13] Guy Laperrière, « Les dix ans de Mens », Mens, vol. 11, no 1 (2010), p. 22.

[14] Il est peu probable qu’au cours des 15 dernières années, la part des contributions féminines dans ces deux dernières revues ait subi une hausse fulgurante lui permettant d’atteindre la zone paritaire : au contraire, il est probable que ces données soient demeurées similaires, voire que la part des contributions féminines ait subi, à l’instar de la RHAF, une tendance à la baisse après 2006.

[15] Matthew Hayday, Tina Loo, and Catherine Desbarats, « Germs, Gender, and the Journal », University of Toronto Press, 1er avril 2021, https://blog.utpjournals.com/2021/04/01/germs-gender-and-the-journal/. Cette réalité n’est pas exclusive à la CHR : un constat similaire est observable en ce qui concerne le Devoir d’histoire, publié dans le journal Le Devoir. L’année 2020 marque là aussi une période de régression pour les contributions féminines qui s’effondrent à aussi peu que 15 % en 2020. Les années subséquentes – au moins jusqu’en 2023 –, la part des contributions féminines est annuellement demeurée sous la barre des 25 %, suggérant une persistance dans le temps des effets de la crise sanitaire sur l’invisibilisation des historiennes. Voir l’annexe I pour plus d’informations au sujet du Devoir d’histoire et de la place des historiennes dans l’histoire publique.

[16] L’IHAF est l’association des historien·nes professionnel·les du Québec et des spécialistes de l’Amérique française. Son congrès scientifique fait office de rendez-vous annuel pour les étudiant·es, professeur·es et chercheur·es qui travaillent sur l’histoire de l’Amérique française, tous champs de spécialisation confondus.

[17] L’année pandémique 2020 a été exclue, car le congrès annuel de l’IHAF a dû être annulé. Cette année-là, seule une table ronde virtuelle a été organisée.

[18] Les années où le nombre de panélistes féminines s’est situé dans la zone de la parité, soit 40 %-60 %, sont les années 2005 (42.86 %), 2006 (50 %), 2009 (42.18 %), 2013 (40.63 %), 2016 (46.67 %), 2017 (44.55 %), 2018 (42.4 %), 2019 (43.36 %) et 2022 (44.44 %). Voir Graphique V.

[19] Les années où le nombre de présidentes de séance s’est situé dans la zone de la parité, soit 40 %-60 %, sont les années 2006 (47.62 %), 2013 (44.44 %), 2014 (40 %), 2017 (51.51 %), 2018 (43.33 %) et 2019 (43.75 %). Voir Graphique IV.

[20] La proportion de femmes panélistes y était alors égale (50 %) à celle des hommes.

[21] Assemblée nationale du Québec, « Commission de la culture et de l’éducation – Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64, Loi instituant le Musée national de l’histoire du Québec. Horaire détaillé des auditions », mise à jour le 23 septembre 2024, https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CCE/mandats/Mandat-51813/horaire.html.

[22] Un exemple de ce type de tokénisme serait, pour une revue scientifique, de chercher à atteindre d’abord la parité chez les recenseur·es plutôt que de tendre à celle des auteur·trice·s d’articles scientifiques. Voir l’annexe I pour d’autres données quant à l’invisibilisation des historiennes, cette fois dans l’espace public.

[23] Pour en savoir plus quant aux nombreuses considérations liées au genre et aux biais sexistes existant au sein de la sphère professionnelle, voir Sophie Brière et al., Biais inconscients et comportements inclusifs dans les organisations, Québec, Presses de l’Université Laval, 2022, p. 30. (Coll. « Équité, diversité et inclusion »).

[24] « L’appel des historiennes françaises : “Mettons fin à la domination masculine en histoire” », loc. cit.

[25] Conseil du statut de la femme, Portrait des Québécoises : éditions 2018, Gouvernement du Québec, 2018, p. 37-38 ; Stéphane Crespo, Coup d’œil sociodémographique: l’emploi du temps professionnel et domestique pour des personnes âgées de 15 ans et plus, Institut de la statistique du Québec, n°62 (2018), 9 p.

[26] En outre, des raisons d’ordre familial, par exemple si l’un des membres de la famille est malade, forcent davantage les femmes que les hommes à se désister d’événements professionnels. Conseil du statut de la femme, loc. cit.

[27] Voir Claudia Hammond, « Why are women less likely to ask questions in public? », BBC, 13 septembre 2023, https://www.bbc.com/future/article/20230913-why-are-women-less-likely-to-ask-questions-in-public ; Mélanie Millette, « Le double standard envers les femmes bien présent dans les médias », Ohdio Radio-Canada, 9 avril 2024, https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/moteur-de-recherche/segments/chronique/491331/double-standard-femmes-medias-traitement-inegal-sexisme.

[28] Par exemple, l’Université de Montréal ainsi que l’Université du Québec à Trois-Rivières atteignent la zone paritaire avec, respectivement, 45% et 40% d’historiennes dans leur corps professoral.

[29] Toutes les universités québécoises n’ont pas de département d’histoire à proprement parler. Lorsqu’il s’agit d’un département de sciences humaines ou de sciences historiques par exemple, nous avons comptabilisé seulement les professeur·es qui enseignent en histoire, et exclu les autres membres du corps professoral. Ces chiffres ont été comptabilisés à partir des sites internet des départements des différentes universités et ont été revérifiés en date du 12 novembre 2024.

[30] Louise Bienvenue et François-Olivier Dorais, dir., op. cit., p. 21.

[31] Catherine Larochelle et al., « Publish or perish: women in research call for an end to systemic discrimination », University Affairs, 21 octobre 2020, https://www.universityaffairs.ca/opinion/in-my-opinion/publish-or-perish-women-in-research-call-for-an-end-to-systemic-discrimination/

[32] Sandrine Labelle et Catherine Larochelle, « Grand entretien avec Catherine Larochelle », Centre d’histoire des régulations sociales (CHRS), 10 juin 2021, https://chrs.uqam.ca/index.php/2021/06/10/grand-entretien-avec-catherine-larochelle/

[33] Comme le souligne l’appel des historiennes françaises paru dans Le Monde : « le refus d’entrer dans la vie privée des femmes tout en soulignant les « trous » dans leurs CV est une attitude éminemment hypocrite et un choix politique » (source : « L’appel des historiennes françaises », loc. cit.). Au-delà de la parentalité qui, on le sait, affecte, en moyenne, davantage le parcours professionnel des femmes que celui des hommes, d’autres réalités sont susceptibles de nuire à l’avancée de la carrière des femmes. Par exemple, comment se fait-il que, bien que les médias aient rapporté ces dernières années une hausse des agressions sexuelles ainsi que des actes de violence conjugale menant, dans les cas les plus funestes, à un féminicide, aucune prise en compte de ces expériences particulièrement troublantes ne soit prévue dans l’évaluation des parcours académiques et/ou professionnels? Ces chiffres, rapportés dans les médias, ne sont pas que des chiffres : ce sont autant de femmes qui voient leur vie être bouleversée pour un temps indéterminé. En effet, ces expériences ne se limitent pas à la vie privée, dans la mesure où elles affectent la productivité des femmes qui en sont victimes.

[34] Anne-Marie Croteau, Annie Gérin et Pascale Sicotte, « Pour un leadership au féminin, mais surtout un leadership bienveillant et inclusif », Le Devoir, 8 mars 2024, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/808612/idees-leadership-feminin-mais-surtout-leadership-bienveillant-inclusif.

[35] Cynthia Ricard et Debra Easterly, « Conscious Efforts to End Unconscious Bias: Why Women Leave Academic Research », Journal of Research Administration, vol. 42, n°1, p. 61-73.

[36] Cette donnée est issue du Rapport du Comité de la SHC sur l’avenir du doctorat en histoire au Canada. Les données ont été compilées pour les années 2016 à 2021. Sam Hossack, Will Langford, Tina Loo, Christine O’Bonsawin, Martin Pâquet et John Walsh, Rapport du comité de la SHC sur l’avenir du doctorat en histoire, Ottawa, Société historique du Canada, 2022, p. 20-22.

[37] Ces dernières années, nous voyons au Québec une recrudescence de projets en histoire des femmes dans lesquels les chercheuses sont minoritaires.

[38] Caroline Criado Perez, Femmes invisibles. Comment le manque de données sur les femmes dessine un monde fait pour les hommes, Paris, First éditions, 2020, p. 19. À cet égard, elle souligne à grands traits dans cet ouvrage combien le manque criant – voire l’absence – de données fondées sur le genre, dans toutes les sphères de la société, contribue à la perpétuation de préjugés masculins selon lesquels l’homme serait l’être humain par défaut.

[39] Annabelle Caillou, « Les femmes moins citées dans les médias », Le Devoir, 16 février 2023, https://www.ledevoir.com/culture/medias/781885/parite-les-femmes-moins-citees-dans-les-medias. Voir aussi : Stéphane Baillargeon et Laurianne Croteau, « Pourquoi les expertes sont-elles sous-représentées dans les médias?», Le Devoir, 26 mars 2022, https://www.ledevoir.com/culture/medias/691221/parite-pourquoi-les-expertes-sont-elles-sous-representees-dans-les-medias.