Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Éducation

La figure d’Émilie Bordeleau: reflet de la condition des institutrices rurales?

Par Annick Desmarais, étudiante en histoire,  Université du Québec à Montréal

Le roman et la série les Filles de Caleb d’Arlette Cousture ont empreint l’imaginaire collectif d’une image forte d’une institutrice rurale avant-gardiste et passionnée. Mais le personnage d’Émilie Bordeleau est-il représentatif de toutes les institutrices rurales de la fin du 19e et début 20e siècle ? Dans cette capsule audio, Annick Desmarais s’est penchée sur le contexte historique entourant ces institutrices en explorant l’école de rang, leurs conditions de vie et de travail, l’enseignement par les femmes mariées et leur militantisme.

Les maitresses d’école étaient des personnages importants dans leur communauté et leur conduite se devait d’être irréprochable. Elles jouaient plusieurs rôles – directrice, concierge, surveillante, cuisinière et enseignante à une classe d’enfants de la première à la septième année –, sans compter les multiples services pouvant lui être demandés par la communauté. Elles vivaient bien souvent seules à même l’école et le soir, éclairées à la lampe à l’huile, corrigeaient et préparaient les leçons.

Mise en récit et explication historique dans l’enseignement de l’histoire au Québec : enjeux épistémologiques et perspectives critiques*

Par Adèle Clapperton-Richard, candidate à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre du comité éditorial d’HistoireEngagee.ca

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Livres rouges. Crédit : Betty B (Flickr).

Résumé

L’enseignement de l’histoire au Québec a fait l’objet de virulents débats qui ont récemment animé l’espace public et médiatique. La querelle, qui divise les tenants d’une histoire nationale et ceux qui prônent une histoire plus sociale ou culturelle, a soulevé les enjeux de la mise en récit de l’histoire et de la manière avec laquelle la raconter et l’enseigner. Malheureusement, les contributions apportées à ce « faux débat » ont trop souvent délaissé les enjeux épistémologiques au profit de la question identitaire. Nous souhaitons ainsi revenir sur l’intelligibilité du récit en histoire et sur sa valeur explicative, pour énoncer la possible réconciliation entre une histoire-récit et une histoire dite scientifique. C’est ultimement l’adoption d’une méthode ethnographique, qui suppose un double processus descriptif et analytique, qui permettrait la construction d’une « histoire-récit-scientifique » critique.

Mots-clés

enseignement de l’histoire; didactique de l’histoire; mise en récit; épistémologie; récit ethnographique

Introduction

Nous souhaitons ici proposer une analyse critique qui puisse contribuer à démêler certains enjeux d’un débat qui a récemment occupé l’espace public et médiatique : celui sur l’enseignement de l’histoire au Québec. Les éléments déclencheurs qui ont fait naître cette réflexion se trouvent dans certains des – très nombreux, soulignons-le – textes publiés depuis 2011 dans Le Devoir principalement[1], et La Presse. Ce débat « classique », entre les partisans d’une histoire nationale et ceux qui préconisent une approche sociale, a été réintroduit sur le plan médiatique en parallèle, d’abord, des critiques adressées à la réforme ministérielle de 2006, puis face à la volonté gouvernementale de remanier les programmes d’enseignement de l’histoire au secondaire depuis 2014. Elle n’a toutefois pas créé de grande surprise, du moins du côté de la communauté historienne habituée à ces confrontations idéologiques depuis la fin des années 1950. Nous ne nous engagerons pas ici à décortiquer les positions de l’École de Montréal ni de celles de Laval; ce travail a déjà été exécuté, notamment, dans les articles de Jocelyn Létourneau, « Quelle histoire d’avenir pour le Québec[2] », et de François-Olivier Dorais, « Classifier et organiser la production historiographique au Québec[3] », de même que dans l’ouvrage collectif L’histoire nationale à l’école québécoise. Regards sur deux siècles d’enseignement[4]. Il ne s’agira pas non plus de présenter une analyse qui risquerait trop facilement de tomber dans la critique morale, voire moralisatrice, de la manière avec laquelle s’enseigne l’histoire au Québec actuellement. Le but est plutôt de chercher à éclaircir ce qui semble être parfois un ensemble quelque peu confus d’idées et d’idéologies qui contribuent à alimenter un débat qui, loin d’être résolu, continue de mobiliser des intervenants et intervenantes tant dans les médias que les milieux scientifiques et universitaires. 

Femmes et éducation au Maroc à l’époque coloniale (1912-1956)

Christine Chevalier-Caron, candidate au doctorat en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), membre du groupe de recherche Histoire, femme, genre et migrations et membre du comité éditorial d’HistoireEngagee.ca

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Lalla Aïcha en 1947.

Résumé

L’histoire du Maroc contemporain a été marquée par la mise en place du Protectorat français (1912-1956) dont le principal objectif était la modernisation le Royaume chérifien. L’édification d’un système scolaire, en partie calqué sur celui de la métropole, élitiste, laïque, et principalement réservé aux garçons, s’est avérée être l’un des moyens pris par le Protectorat pour réaliser ses objectifs. Voulant former les futurs cadres du pays, des écoles pour garçons marocains, dites « écoles indigènes », ont été fondées dès 1912. Il fallut attendre les années 1930, décennie marquée par l’émergence de mouvements sociaux qui allaient devenir des organisations de libération nationale, pour que deux écoles pour jeunes musulmanes soient fondées. Face à l’absence d’institutions scolaires pour les Marocaines musulmanes, des membres de la communauté musulmane ont pris l’initiative d’établir des lieux, souvent clandestins, d’enseignement pour les fillettes. Dans cet article, nous nous intéresserons aux revendications d’ordre scolaire définies par les militants-es anticolonialistes du Maroc, et plus particulièrement aux discours et aux réalisations des premières femmes ayant pris la parole dans l’espace public afin de promouvoir l’éducation des filles.

Mots-clés

Maroc; colonialisme; anticolonialisme; éducation; éducation coloniale; Islam; Nahda; Malika el Fassi; Lalla Aïcha; Quaraouiyne

Introduction

À l’occasion de l’Exposition coloniale tenue à Paris en 1931, la Direction générale de l’instruction publique (DGIP), organe gouvernemental du Protectorat français dans l’Empire chérifien, était invitée à publier un ouvrage historique au sujet de ses activités et de ses « accomplissements ». À travers celui-ci, les tenants-es de la DGIP faisaient les bilans des actions qu’elle avait posées au Maroc depuis une vingtaine d’années en matière d’instruction publique. Peignant le portrait, non pas du système scolaire, mais des systèmes scolaires fondés sur des critères raciaux, confessionnels, et genrés qu’elle avait mis en place, cette publication décrit l’éducation destinée aux musulmanes comme étant une préoccupation et un champ d’intervention en plein développement. Ce discours détonnait de la réalité. L’accès à ces institutions scolaires a été très limité pour les jeunes musulmanes : les écoles étaient peu nombreuses et les modalités d’obtention d’un certificat d’études primaires étaient complexes. Face à cette situation, les tenants-es des mouvements nationalistes et anticoloniaux ont entrepris la création d’institutions scolaires – nommées Écoles libres – permettant la scolarisation de jeunes Marocaines. Dans cet article, nous allons nous intéresser aux développements de lieux d’instructions destinés aux Marocaines de confession musulmane pendant la période coloniale (1912 à 1956), puis démontrer comment les premières Marocaines les ayant fréquentés se sont impliquées dans un mouvement, fortement influencé par le discours nationaliste marocain, en faveur d’une plus grande accessibilité des femmes à l’éducation.

La réforme éducative au Mexique : lutte pour l’amélioration de l’enseignement ou pour le contrôle de l’appareil éducatif?

Par Catherine Vézina, professeure-chercheuse au département d’histoire du Centro de Investigación y Docencia Económicas de Mexico, DF

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Campement de la CNTE, septembre 2013. Crédit : Eneas.

La réforme de l’éducation au Mexique, présentée par le Parti de la Révolution Institutionnalisée (PRI) et approuvée le 11 septembre dernier[1], soulève les passions dans la capitale mexicaine. Cette réforme, qui s’inscrit dans le « Pacte pour le Mexique », un vaste programme de mesures socioéconomiques annoncées par le PRI et auxquelles ont adhéré les autres partis politiques en décembre 2012, vise principalement à encadrer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire dans tout le pays. L’annonce d’une réforme éducative et l’arrestation en janvier dernier de la présidente du plus important syndicat de l’éducation, joueur majeur de l’échiquier politique au pays, réjouissait une grande partie de la population mexicaine qui espérait des changements significatifs dans l’enseignement primaire et secondaire. Mais cette proposition activait également l’opposition du Syndicat National des Travailleurs de l’Éducation (SNTE) et de la Centrale Nationale des Travailleurs de l’Éducation (CNTE) qui contrôlent la gestion de l’éducation primaire et secondaire. Le bras de fer qui s’est joué entre ces acteurs politiques et le gouvernement fédéral au cours des dernières semaines, voire des derniers mois, s’explique bien sûr par le type de solutions que les autorités fédérales proposent, mais aussi par la lutte pour la gestion du personnel enseignant.

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