Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Sexualité

Donald Duck et le contrôle de la population, un document d’archive insoupçonné

Par Thomas Nadeau-Mercier, Université Laval

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Du Population council à Disney, un document d’archive peu exploité

Si les tensions entre les blocs de l’est et de l’ouest animées par la peur de la bombe atomique ont constitué des balises importantes dans l’historicisation de la guerre froide, une autre bombe, d’une aussi grande importance selon l’historien Matthew Connelly, structura les dynamiques internationales du conflit[1]. La « bombe démographique » souleva de grandes craintes à travers le globe, en partie grâce à la publication d’ouvrages polémiques comme celui d’Hugh Moore, « Population bomb » en 1954[2].

Histoire de la sexualité : Critique de l’hétéronormativité et représentation de la diversité

Par Shawn McCutcheon, doctorant en histoire à l’Université McGill

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Crédit photo : https://www.flickr.com/photos/aquerry/8018470282

Résumé : À l’aide d’un corpus de sources secondaires puisé dans l’historiographie internationale, cet article a pour but de réfléchir à certaines voies que pourrait emprunter l’historiographie québécoise pour stimuler, voire transformer, son approche de l’histoire de la sexualité. Les stratégies qui y sont suggérées visent à contourner un risque important qui guette l’historien.ne écrivant l’histoire de la sexualité, c’est-à-dire l’hétéronormativité qui distend son regard sur le passé. L’auteur invite les lecteur.rice.s à  s’interroger sur le potentiel déstabilisateur qu’aurait l’inclusion d’une perspective sexuelle renouvelée dans le discours historique québécois. La réflexion qui en découle propose un projet d’histoire des possibles sexuels, affectifs et érotiques, libéré des catégorisations et des idées reçues actuelles. Une histoire ouverte à la pluralité des relations possibles entre partenaires de même sexe ou non, qui pourrait apporter un éclairage différent sur les phénomènes politiques, sociaux et culturels ayant marqué la population.

Mots-clés : Québec; sexualité; homosexualité; hétérosexualité; bisexualité; homoérotisme; homoaffectivité; homosocial; hétéronormativité; hétérosexisme; historiographie; épisthémologie; LGBTQIA2; queer.

L’histoire de la sexualité a le vent dans les voiles depuis quelques années. Reflet d’une ouverture sociale croissante, le Parlement écossais annonçait même en novembre 2018 que l’Écosse deviendra sous peu le premier État à inclure l’histoire de la diversité sexuelle et de genre dans son curriculum scolaire[1]. D’un point de vue académique, l’engouement qu’elle suscite se manifeste autant dans l’offre de nouvelles positions académiques au sein des départements universitaires, que dans l’organisation de colloques ou la parution de publications dédiées au sujet. Au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis et au Canada anglais, pour ne mentionner que ces régions, le bilan historiographique ne cesse de s’enrichir de recherches nouvelles et stimulantes. Les œuvres de synthèse, même celles d’excellente qualité, peinent à suivre la production des historien.ne.s européen.ne.s, ou nord-américain.ne.s[2]. À l’aide d’un corpus de sources secondaires puisé dans cette historiographie internationale, cet article a pour but de réfléchir à certaines voies que pourrait emprunter l’historiographie québécoise pour stimuler, voire transformer, son approche de l’histoire de la sexualité. Les travaux sur lesquels s’appuie cette réflexion ont surtout été choisis en raison de l’impact théorique ou conceptuel qu’ils ont eu sur l’histoire de la sexualité internationale, ainsi que sur les possibilités épistémologiques nouvelles qu’ils permettent lorsqu’appliqués à l’écriture de l’histoire du Québec. Les stratégies suggérées dans cet article visent en premier lieu à contourner dans la mesure du possible un risque important qui guette l’historien.ne écrivant l’histoire de la sexualité, c’est-à-dire l’hétéronormativité qui distend son regard sur le passé. D’autre part, ce bilan historiographique – qui est loin d’être exhaustif – invite à  réfléchir sur le potentiel déstabilisateur qu’aurait l’inclusion d’une perspective sexuelle renouvelée dans le discours historique québécois, ainsi que sur l’élargissement du concept de sexualité lui-même, pour y inclure l’affectif. Il va sans dire que mon intérêt pour l’étude de la diversité sexuelle, ainsi que ma spécialisation en tant que doctorant en histoire du monde atlantique des XVIIIe et XIXe siècles influencent l’approche que je propose. Si la réflexion décrite au fil des pages qui suivront concerne aussi le XXe siècle, sa pertinence augmente proportionnellement à l’éloignement temporel et prend vraiment toute sa force lorsque l’objet de l’étude historique concerne la période préindustrielle.

La première partie de l’article établit d’abord une brève définition du concept d’hétéronormativité et en dresse une généalogie succincte, depuis sa naissance au sein des groupes féministes lesbiens des années 1970 jusqu’à l’institutionnalisation universitaire de la théorie queer au cours des années 1990. Établir le sens du concept d’hétéronormativité – qui est central dans la réflexion proposée dans cet article – permet de mieux cerner ce que je qualifie d’hétéronormativité historique. Par-là, j’entends le phénomène de distorsion du regard posé par l’historien.ne sur le passé sexuel. Il est causé par l’introduction d’anachronismes dans la perception de celui ou celle-ci des façons antérieures de comprendre et de structurer la sexualité. Le constat s’appuie sur la réflexion ayant émergé au cours des dernières décennies suite aux travaux d’historicisation des idées relatives à la sexualité. Appuyée sur certaines œuvres incontournables sur le sujet, la seconde section de cet article procède à une brève déconstruction de nos conceptions actuelles de la sexualité, ainsi que des notions d’orientations sexuelles, d’hétérosexualité et d’homosexualité. Après avoir souligné le potentiel d’une telle approche quant à la construction d’une narration historique plus représentative de l’altérité du passé sexuel et plus inclusive de sa diversité, la troisième section de l’article suggère quelques pistes ayant émergé au sein de l’historiographie qu’il serait intéressant d’appliquer en histoire québécoise – ou canadienne. Des pistes décloisonnantes qui permettent d’envisager un champ d’enquête étendu aux possibles affectifs et érotiques et aptes à enrichir le récit historique.

Infuser le féminisme par l’université : retour sur le colloque « Sexe, amour et pouvoir : il était une fois à l’université »

Par Adrien Rannaud, candidat au doctorat en études littéraires à l’Université Laval

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L'affiche du colloque, une création de Mireille Laurin Burgess.

L’affiche du colloque, une création de Mireille Laurin Burgess.

C’est en 2012 qu’Yvon Rivard fait paraître Aimer, enseigner, essai qui, selon l’auteur, agit doublement comme traité sur l’enseignement et comme manifeste pour une nouvelle relation professeur-élève. Citant l’écrivain et philosophe Georges Steiner, Rivard écrit dès les premières pages : « Éros et enseignement sont inextricables. Les modulations du désir spirituel et sexuel, de la domination et de la soumission, l’interaction de la jalousie et de la foi, sont d’une complication, d’une délicatesse qui défie l’analyse exacte »[1]. L’auteur pointe à la fois le système basé sur la course aux subventions de recherche qui éloigne le professeur de son métier de transmission du savoir, mais aussi la relation floue, complexe, sublimée et sublimante entre le professeur et l’étudiant. A posteriori, le livre de Rivard, dont on dépasse rapidement les visées parfois moralisatrices, porte les mêmes questionnements que le printemps étudiant. Aimer, enseigner met en lumière le péril de l’institution universitaire par un biais moins commenté, plus tabou, et qui reconduit sur bien des points la réflexion sur les rapports de pouvoir entre hommes et femmes.

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