Une histoire de regards. Revoir Peter Jackson, Pour les soldats tombés (They Shall Not Grow Old), long-métrage, 99 min., 2018
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Wien, T. (2025). Une histoire de regards. Revoir Peter Jackson, Pour les soldats tombés (They Shall Not Grow Old), long-métrage, 99 min., 2018. Histoire Engagée. https://histoireengagee.ca/?p=13629Chicago
Wien Thomas. "Une histoire de regards. Revoir Peter Jackson, Pour les soldats tombés (They Shall Not Grow Old), long-métrage, 99 min., 2018." Histoire Engagée, 2025. https://histoireengagee.ca/?p=13629.Thomas Wien
De temps à autre, Histoire engagée propose un retour sur des œuvres historiques moins récentes, textuelles ou non, portant sur un passé que le présent nous presse de revoir sous un jour nouveau. Qui soulèvent des questions fondamentales. Et que l’actualité actualise.
De temps à autre, Histoire engagée propose un retour sur des œuvres historiques moins récentes, textuelles ou non, portant sur un passé que le présent nous presse de revoir sous un jour nouveau. Qui soulèvent des questions fondamentales. Et que l’actualité actualise.
Une histoire de regards. Revoir Peter Jackson, Pour les soldats tombés (They Shall Not Grow Old), long-métrage, 99 min., 2018[1].
On se souvient, peut-être, de ce documentaire sorti en salles en 2018, cent ans après l’Armistice. Il s’inscrit justement dans le branle-bas commémoratif des années 2010. En prévision du centenaire de la Grande Guerre, l’Imperial War Museum de Londres a voulu mettre en valeur sa riche collection de séquences filmées du conflit. Rappelons qu’il s’agit principalement de plans d’actualités qui, projetés en Grande-Bretagne et dans ses Dominions ou sur les lieux de rassemblement près du front occidental, étaient censés mobiliser l’opinion publique, susciter l’enrôlement et encourager les troupes[2]. C’était, sans aucun doute, un jalon important de la longue histoire des guerres médiatisées — et de la moins longue histoire du cinéma[3]. À l’origine, ces films devaient également servir d’archives nouveau genre, gage d’un récit enfin « objectif » du conflit[4]. Pour marquer le centenaire, le musée donne carte blanche à Peter Jackson. Le réalisateur de la trilogie du Seigneur des anneaux est aussi un collectionneur fortuné de souvenirs de la Première Guerre et — détail important — propriétaire d’une maison de post-production, néo-zélandaise comme lui.
S’ensuit une longue restauration de séquences choisies. Enfin : une longue modernisation, à coups d’interventions successives. Interventions, au pluriel, puisqu’elles ne se limitent pas à la colorisation de pellicules abîmées par le temps. Déployant la panoplie de moyens infographiques alors à leur disposition, Jackson et ses technicien.ne.s « nettoient » les séquences, ajustent le format, augmentent la fréquence d’images et régularisent la vitesse de défilement. C’est seulement ensuite que l’équipe ajoute des couleurs, en s’inspirant du matériel, des uniformes et même des paysages meurtris que la Grande Guerre a laissés dans son sillage. Puis, elle dote ces films muets d’une première trame sonore (nous aborderons la deuxième un peu plus loin) ou de quelque chose s’en approchant : l’étude du mouvement des lèvres d’un soldat ou des doigts d’un flûtiste en uniforme permet de deviner, puis de reconstituer en post-production ce qui se disait ou se jouait devant la caméra ; l’enregistrement d’un exercice de tir de l’armée néo-zélandaise fournit une approximation d’un autre élément du paysage sonore du front de l’Ouest. Et ainsi de suite. Enfin, l’emploi d’un zoom infographique confère une agilité visuelle inédite aux vieilles « vues » si souvent statiques ou panoramiques, voire aux photographies qui sont aussi mises à contribution par le réalisateur[5].
Patiente, coûteuse, un peu artisanale malgré tout, cette mise à jour — au jour ? — est partielle. À quelques affiches de recrutement près, c’est en noir et blanc que Pour les soldats tombés raconte d’abord la mobilisation, l’entraînement et le transport en France des troupes britanniques. Re-noir et blanc pour l’épilogue, consacré à la démobilisation et au difficile retour à la vie civile. La restauration et la colorisation sont réservées à l’heure du film qui traite de la vie au front. Je divulgâche (joli mot de l’OQLF pour spoiler) : le basculement se produit à la minute 25. Des soldats cherchent leur chemin dans la boue et la grisaille. Tout à coup, la brume se dissipe, l’image devient nette, les mouvements ne sont plus saccadés, la couleur envahit le cadre. Et nous entendons : bruits de pas, de canons au loin, le « follow me ! » d’un sous-officier. Un soldat qui n’a guère plus de 18 ans fixe longuement la caméra en avançant.
Six ans après sa sortie, le sentiment de proximité du passé que produit ce film demeure troublant. L’image parfois granuleuse et le flou passager des visages ont beau montrer les limites du dispositif technologique, ou les couleurs un peu délavées, évoquer — à dessein ? — les vieilles cartes postales[6]. Pour les soldats tombés n’en propose pas moins toute une traduction en langage cinématographique actuel. Bien entendu, faire ainsi du neuf avec du vieux est un choix controversé. Si le documentaire a connu un franc succès populaire, plusieurs commentateurs reprochaient à Jackson de trahir les intentions des opérateurs de caméra, de rompre le silence éloquent des films d’antan, voire de céder à un réflexe techno-présentiste qui compromettrait l’altérité même du passé[7]. Colorisation et sonorisation enlèvent le « voile du secret » des vieux plans, écrit le critique Andreas Kilb[8] ; « [a]insi affublées, que peuvent encore nous dire ces images animées du temps qui les a vues naître ? », s’interroge au sujet de ce film l’historien du cinéma Laurent Véray[9].
Peter Jackson, lui, assume ses choix. En tournée de promotion, il présente la colorisation comme marque d’authenticité : les soldats n’ont-ils pas vécu la guerre en couleurs ?[10] Son travail à même les plans d’actualités nous proposerait de « [bring …] back to life » les combattants de 14-18, voire de leur rendre leur humanité[11]. Ce, pour montrer leur vrai visage — en l’occurrence le nôtre, puisqu’ils ne seraient guère distinguables, finalement, de « people that you recognise from work »[12].
Faire revivre à l’écran les véritables soldats d’autrefois, c’est procéder à contre-sens du film de guerre commercial de nos jours, qui y fait « mourir » des acteurs, actrices et figurant.e.s. N’empêche, la référence au cinéma de fiction s’évite difficilement et avec elle, la course au réalisme du film de guerre contemporain[13]. Prétendre obtenir une prise directe sur le passé à partir des plans anciens modernisés, n’est-ce pas vouloir mieux faire que Hollywood ? C’est justement à des réflexes hollywoodiens que la critique attribue la désacralisation du documentaire et le réalisme ahistorique qu’elle reproche à Jackson. Nous n’y échappons pas non plus, du reste : comment faire abstraction du genre « film de guerre » en visionnant ce long-métrage, pourtant à contenu « 100 % recyclé » ? Bref, il n’est pas facile de chasser le fantôme du soldat Ryan[14].
Ainsi présenté — et critiqué —, ce film devient un cas d’espèce de ces « techniques de suppression du temps » visant à insérer « l’économie du passé dans le présent », décrites par l’historien et philosophe François Hartog[15]. Certains commentaires indiquent d’ailleurs que des spectateurs (et spectatrices, qu’on soupçonne moins nombreuses) acceptent l’invitation jacksonienne. En 2023, la personne qui écrit depuis l’adresse @Knapweed résume ainsi son expérience de visionnement :
I think the B[lack] & W[hite] jerky, blurry images distance us from the past and leave us feeling we are looking at some kind of alien creature. The incredible remastering of these images presents the past as humans, just like us but with worse dental plans. I think it brings History alive[16].
Ici, la distance historique semble en effet niée, comme le craignent les critiques et le souhaite le cinéaste.
Peter Jackson, historien ?
Mission accomplie, alors ? Ce n’est pas certain, car après tout, ce film ne se résume pas à un exercice de traitement de vieille pellicule. Il possède une complexité narrative qui mérite un second regard. Quel genre d’histoire le film raconte-t-il, au juste ? Toute simple, cette question incite à s’intéresser aux autres opérations du cinéaste, moins remarquées par la critique, et au rapport au passé et à ses temps multiples qu’elles expriment. Un tel questionnement paraît plus évident maintenant, en 2025, qu’il y a sept ans lors de la sortie du film. En effet, le recul aidant — le sidérant contexte actuel aussi, sans doute — la restauration jacksonienne fait moins écran qu’en 2018 au travail d’un cinéaste qui construit son récit de guerre — et qui à sa manière, se fait historien. Aujourd’hui, surtout aujourd’hui, à l’heure de Gaza, de l’Ukraine, du Soudan et j’en passe, que penser de ce documentaire et de son entreprise d’actualisation de cette autre guerre, plus que centenaire et si terriblement matricielle[17] ? Voilà le prétexte de la présente critique en décalé. Elle vient de la part d’un non-spécialiste de la Première Guerre, ou du film historique, mais d’un historien qui s’intéresse, comme beaucoup d’autres, à comment le passé s’insinue dans le présent. Et vice-versa, bien entendu.
Regardons donc de plus près le cinéaste-historien à l’œuvre. À première vue, Jackson ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre pour « composer » un récit dans ce qui est, après tout, un film de montage ; déclinaison, disons, ultra-rematricée de ceux produits à l’époque[18]. Dès le départ, c’est évident, il doit composer (dans l’autre sens de ce verbe) avec les limites de son matériau de base. Tout d’abord, avec ce que parvenaient à filmer des opérateurs à la mobilité entravée par les lourdes caméras à trépied, par l’accès limité à la zone des combats et par l’injonction officielle de ne pas montrer toute l’atrocité du conflit[19]. Tout cela prive Jackson, notamment, d’images des combats rapprochés. On ne meurt pas, du moins pas devant nous, dans Pour les soldats tombés. Le cinéaste ne dispose pas non plus de parcours individuels à suivre : les soldats filmés, presque toujours en groupes, sont anonymes et leurs apparitions, brèves. Autre trait des plans d’actualités, même à la parole restituée comme c’est le cas ici : les combattants que nous voyons ne témoignent pas. Ils ont beau interpeller l’opérateur ou badiner parfois — « Watch it, boys, here it comes, we’re in the pictures! » (1 :24) —, ils ne racontent pas leur expérience de guerre. Du moins, pas en mots.
Jusqu’à un certain point, Jackson semble faire de ces contraintes une vertu. Sa première (non-)intervention, justement : renoncer à infliger une lourde structure narrative à un matériel visuel qui se prête plus volontiers à une « lecture anecdotique » de la guerre[20]. Le film qu’il en tire présente bien son triptyque des phases successives (préparatifs de guerre, séjour au front, démobilisation), mais ne tisse pas de récit linéaire ; au contraire, puisqu’aux séquences filmées raccordées correspond une narration qui est tout aussi épisodique. Car j’oubliais, il y a certes une forme de narration : tout au long, Pour les soldats tombés fait parler des soldats… non tombés. Aussi, la scène par laquelle la couleur arrive est non seulement sonorisée, elle est commentée : en voix off, des anciens combattants racontent leurs premiers pas dans les tranchées. De tels extraits d’entrevues réalisées avec des militaires survivants — 120 au total, des hommes du rang, mais aussi beaucoup de sous-officiers et d’officiers — forment la deuxième trame sonore du film, lui conférant une touche intermédiale. Expliquant sa propre démarche, Jackson dit avoir voulu s’effacer et laisser ces témoins raconter « leur » Grande Guerre. Il souhaitait, dit-il, se passer de l’habituelle narration, plus ou moins tonitruante selon le cas, d’historiens ou de comédiens[21]. Le lien serré entre témoignages et images donne en effet l’impression que les séquences visuelles servent à illustrer les propos des anciens combattants, créant un « effet de narration » certain. Ce, même si c’est plutôt l’inverse qui s’est produit lors du montage : les vétérans « commentent » des séquences visuelles préalablement choisies.
L’effacement du cinéaste est donc tout relatif, puisque Jackson « compose » aussi les témoignages enregistrés. Il orchestre les subjectivités successives qui se racontent, donnant une cohérence à la « communauté mémorielle médiatisée »[22] formée par les vétérans interviewés. En choisissant et en alignant les séquences sonores et visuelles, le réalisateur donne un sens à son film. C’est tout particulièrement le cas de la partie colorisée, l’heure où le cinéaste formule son propos central. Premier constat : les séquences et les souvenirs choisis circonscrivent (ou presque) le champ d’action au champ de bataille. L’arrière-front, « coulisses de la guerre » où pourtant les opérateurs prenaient soin de documenter les fréquents séjours des soldats, n’a droit qu’à la portion congrue[23]. Deuxième constat : le film se veut un concentré du quotidien du front. Il a donc les pieds dans la boue. Volontiers naturaliste, il fait voir la vermine et les latrines, les cadavres d’hommes (plus souvent photographiés que filmés) et de chevaux, les blessés, les échanges de bombardements, les prisonniers et, entre combattants britanniques et parfois entre combattants tout court, une camaraderie démonstrative et enjouée. Troisième constat : à cette expérience des tranchées, Jackson confère un caractère général pour en faire celle du « Tommy » britannique typique. On dira que la documentation filmique impose une telle approche, la crainte officielle de dévoiler des informations stratégiques à l’ennemi rendant les plans d’actualités avares de précisions géographiques et temporelles[24]. Il reste qu’en entrevue, les vétérans qui « narrent » le film avaient pour la plupart pris soin de fournir dates et lieux des batailles et de nommer les généraux et les régiments[25]. Or, pour réaliser sa visite guidée du front, Jackson supprime presque toutes ces informations, nous privant de repères temporels et spatiaux[26]. Le front jacksonien, lui, est générique.
Le sentiment de proximité, d’immédiateté produit par Pour les soldats tombés n’est donc pas que d’origine technique. Il provient aussi de cet autre zoom du réalisateur : la vie au front est scrutée de si près que toutes les tranchées se ressemblent. C’est ainsi qu’une fois arrivé au front, le film respecte à sa façon les trois unités : celles du temps, du lieu et de l’action, quitte à étirer sa tragédie grecque pour englober toute la durée du conflit dans ce théâtre.
En revanche, procéder ainsi, c’est se priver de moyens de situer 14-18 dans la marche de l’histoire. Par sa temporalité suspendue et le peu d’attention qu’il prête aux causes et aux suites, le film dépeint davantage une guerre qui est qu’une guerre qui devient ; on constate un certain fatalisme. Comme le fait remarquer dans un autre contexte la germaniste Sara Jones, un tel déficit analytique est de nature à faire abstraction des causes structurelles de la violence, premier pas vers leur éventuelle élimination[27]. Tout au plus, en fin de parcours, Jackson laisse-t-il un ancien combattant souligner la nouveauté d’une tuerie industrielle à cette échelle : « People don’t realise the potential of military equipment. A man’s life wasn’t worth anything at the end of the war » (1 :30).
Autre coût associé au zoom du réalisateur : celui, évident, de circonscrire à outrance l’univers des soldats. Les contacts des combattants avec le monde extérieur se trouvent minimisés, à commencer par les femmes. L’heure colorisée du film ne nous fait pas voir ne serait-ce qu’une infirmière ou une conductrice de camion, le cinéaste se contentant plutôt de montrer un dessin de travailleuses du sexe, alors qu’il est question en voix off du dépucelage d’un (futur) ancien combattant[28]. Façon assez réductrice de souligner l’univers exclusivement masculin de la tranchée…
Masculin, le huis clos est aussi homogène du point de vue ethnique. Pourtant assez nombreux dans ce théâtre de la guerre, mais rarement filmés, les subalternes racisés de l’empire n’ont droit qu’à quelques secondes à l’écran (0 : 23)[29]. Quant aux Canadiens français et aux Acadiens, peut-être se glissent-ils discrètement dans quelques scènes de groupe, mais, n’étant pas au nombre des interviewés en anglais, ils ne sont pas audibles[30]. La participation des Autochtones passe inaperçue[31]. Les anciens combattants qu’on entend s’expriment avec les accents régionaux et de classe sociale des îles britanniques et parfois, des Dominions. Des représentants d’un seul autre groupe font irruption dans cet univers fermé : les Allemands. L’impossibilité de filmer les assauts ou les raids nocturnes lancés ou subis — Jackson utilise des dessins de propagande pour figurer les combats de proximité — fait que les seuls Allemands vivants que l’on voit sont des prisonniers[32]. Tantôt sonnés, tantôt serviables lorsqu’ils s’improvisent brancardiers, ils fraternisent avec les Britanniques[33].
Dans son récit de sa réalisation du film, Jackson ne donne que quelques indices sur ses raisons de circonscrire ainsi le champ de vision, son élan de restaurateur — de pellicule, de réalités d’antan — l’ayant peut-être empêché de trop expliciter ses autres opérations. Nous l’avons vu, il écarte d’emblée le récit événementiel (causes du conflit, batailles, enjeux stratégiques) de la vieille histoire militaire et de bien des documentaires conventionnels[34]. Sinon, en insistant sur l’expérience du fantassin ordinaire, le film rappelle le courant d’études d’inspiration vaguement stendhalienne qu’a initié l’historien John Keegan dans les années 1970[35]. De toute évidence, en renouant avec la « guerre des soldats », le film fausse compagnie à une partie des travaux historiques des dernières décennies, soucieux d’explorer l’espace plus vaste, civil aussi bien que militaire et volontiers transnational, de la « culture de guerre », voire de la « guerre totale »[36]. Mais c’est aussi une sorte de culture des tranchées au quotidien que Jackson fait voir et entendre, laissant de la place, comme des travaux historiens récents, à l’agentivité des soldats[37].
En revanche, profiter comme il le fait du formidable pouvoir du cinéma de susciter des émotions — Alison Landsberg parle d’expérience relevant de « l’aural-viscéral » — renvoie à une tendance des plus actuelles : le courant affectif, le « mouvement sentimental » qui innerve mémoire et histoire[38]. Ici, nous rejoignons sûrement la préoccupation principale du cinéaste, dont le travail de rapprochement vise à susciter empathie et, par là, identification avec les Tommys britanniques. C’est la façon de ce petit-fils de combattant anglais, de surcroît missionné par l’Imperial War Museum à l’occasion du centenaire, de rendre hommage aux soldats de la Grande Guerre. Il s’adresse explicitement à un premier public : les autres descendants de soldats britanniques[39]. Jackson ne l’emploie pas dans ses commentaires d’après-lancement, mais le concept d’Alison Landsberg paraît pertinent : quelques années après la disparition des derniers Tommys survivants, le film vise à doter leurs arrière-petits-enfants (et nous, par extension) d’une « mémoire prosthétique », d’une prise affective sur une histoire qui est déjà loin dans le rétroviseur[40]. D’où le recours, dans le dispositif narratif, à la parole enregistrée des anciens combattants, sorte de courroie mémorielle qui nous situe bien à « l’ère du témoin » actuelle[41].
Ne serait-ce que pour cette raison, si le film se veut monument, ce n’est pas tout à fait le soldat inconnu qu’il commémore. Ces soldats et ex-soldats qu’il fait voir et entendre et dont il rappelle l’immense sacrifice sont bien anonymes[42]. Mais dans leur pluralité, ils font l’objet d’une sorte de portrait composite. Si héroïsation il y a, elle est discrète, comme minée par le quotidien patiemment documenté ; pour emprunter une observation de l’historien des idées Mark Salber Phillips sur l’histoire affective, le film vise à « rendre le passé non pas puissant […], mais proche »[43] (laissant certes ouverte la question à savoir si cette proximité n’est pas une forme de puissance). Quoi qu’il en soit, Pour les soldats tombés — titre éloquent ! — s’inscrit suffisamment dans la tradition monumentale, pour en porter les traits homogénéisants. Forcément, alors, les commémorés ne peuvent être que de naissance ou d’ascendance britannique[44]. Et forcément, cette britannicité l’emporte sur d’autres critères de regroupement, créateurs d’aspérités embêtantes, matière de l’histoire sociale. Aussi le film ne s’attarde-t-il pas à ce qui pourrait complexifier le portrait, par exemple à l’amertume — souvent exprimée en entrevue, mais non dans ce film — de certains anciens combattants du rang s’élevant contre le gaspillage de vies humaines par des généraux irresponsables[45]. Ou plus largement, à ce qui, d’après l’historien Mark Humphries, ressemblait à une lutte de pouvoir dans les tranchées entre simples soldats et officiers[46].
Ainsi sélectionnés, ces propos de survivants ont pour la plupart été enregistrés dans les années 1960 et 1970. Entre le présent des soldats filmés et celui du réalisateur à sa table de montage dernier cri (d’alors, 2018 étant déjà loin sur le plan technique…) se glisse donc celui des vétérans interviewés. Cette « juxtaposition temporelle »[47] produit donc un côtoiement audiovisuel particulier ; vieux et jeunes nous font signe simultanément, à 50 ans d’intervalle. Les anciens ont la parole, mais les hommes à l’écran, si peu. On peut néanmoins parler de dissonance : l’horizon d’attente des Tommys d’antan tombe victime de ce procédé ventriloque. On devine moins stoïques et moins philosophes les hommes de 1917 que leurs anciens camarades qui, un demi-siècle plus tard, enrobent de récits polis par la répétition le traumatisme toujours prêt à ressurgir[48]. Des sentiments encore vifs refont bien surface : un ancien combattant rappelle son désir de « get those bastards who were killing my mates » (1 :12) et un autre, son « animal instinct » qui ressort lors des combats. (1 :14). Mais le film prête plus longuement l’oreille à ceux qui expriment la conviction, devenue schéma mémoriel influent dans les années suivant le conflit, que tous les soldats, quelle que soit la couleur de leur uniforme, étaient surtout des victimes de la guerre[49]. Si grâce à son réalisme même, le film adopte une perspective pacifiste, il demeure singulièrement fataliste. Tout comme bon nombre de ces témoins âgés qui, prenant la parole quelques années après le second conflit mondial, en ont vu d’autres.
Éprouver le silence
Privés ou presque de voix, les Tommys à l’écran n’en sont pas dépourvus de moyens pour autant. Ce qui nous ramène au rapprochement trans-temporel visé par Jackson et au trouble qu’il provoque. D’emblée, on constate qu’il est visuel, ce trouble : les vétérans fournissent des explications utiles, mais, en dernière analyse, leur murmure en voix off s’avère accessoire. C’est tout particulièrement le regard des soldats à l’écran qui vient nous chercher. Saisissant, le sentiment de contact l’est précisément parce qu’il n’est pas immersif, quoi qu’en dise le cinéaste qui, au contraire, se trouve à souligner la distance chronologique. Les « imperfections » de la modernisation — couleurs délavées, granularité, flou — remarquées plus haut font figure de rappels plutôt involontaires du matériau d’origine. Mais tout indique que, soucieux de valoriser sa prouesse technique, le cinéaste souhaite attirer l’attention sur le siècle qui le sépare de sa source primaire. Après tout, si Pour les soldats tombés débute par une petite demi-heure en noir et blanc, c’est sûrement pour mieux nous éblouir avec ses couleurs, pour nous réserver son inoubliable moment Magicien d’Oz à la minute 25. En ce sens, la restauration devient partie intégrante de l’intrigue. À strictement parler, donc, l’exercice de téléportation que nous propose Jackson est voué à l’échec ; le cinéaste a besoin de montrer la distance temporelle pour mieux prétendre la vaincre à l’aide de sa quincaillerie[50]. Ce film ne peut faire autrement que de se regarder regarder la guerre. De toute façon, notre familiarité avec les vieux plans agités est telle que nous ne risquons pas de les perdre de vue, même en pleine heure colorisée[51].
Mais n’empêche, les séquences nous aspirent néanmoins — ou à plus forte raison. Odette Martinez-Maler et Laurent Véray font observer que l’image enregistrée mécaniquement, autrefois, « est à la fois une trace du passé et une réapparition de celui-ci »[52]. D’où un sentiment de rencontre qui est autrement plus intense que l’épiphanie que vivent parfois les historien.ne.s au contact de leur documentation ancienne[53]. Spécialiste, justement, des films de la Première Guerre, Véray décrit éloquemment ce qu’il ressent en visionnant :
Parmi ces apparences charnelles gravées dans l’émulsion sensible de la pellicule, ce sont les traces laissées, les empreintes de vies ordinaires d’hommes et de femmes appartenant à la masse des oubliés de l’histoire qui me touchent le plus. Cette puissance d’illusion (le fameux « ça a été » dont parlait Barthes), en rendant visibles des visages anonymes, des corps en mouvement, des gestes anodins ou exceptionnels en train de s’accomplir, est à la fois passionnante et bouleversante. On touche là, sans doute, à cette possibilité essentielle qu’ont ces images à établir des liens. En effet, ces regards, ces sourires, ces gestes, ces signes effectués en direction de l’opérateur, c’est nous, spectateurs actuels, qui en sommes désormais les destinataires. L’espace d’un instant, l’espace d’une projection, les vivants d’alors, ceux qu’habituellement on ne voit pas, et que la mort a fauchés, renaissent, revivent sous nos yeux. Ils s’agitent et semblent communiquer avec nous[54].
L’historien commente ici des films muets d’origine dont il souligne l’authenticité. Mais le traitement jacksonien et, surtout, les astuces infographiques permettant de se rapprocher des visages, ne renforcent-ils pas cet effet ? Le cinéaste le revendique, en tout cas[55]. Un épisode du film paraît particulièrement évocateur[56]. On y voit des combattants qui, le long d’une route enfoncée, attendent de donner l’assaut. Ces hommes rendent le regard inquisiteur de la caméra au moment où la tension est à son comble : juste avant et non durant l’attaque[57]. Leur angoisse traverse l’écran, peut-être encore davantage parce qu’ils sont silencieux et presque immobiles. Le flot ininterrompu des souvenirs des vétérans dérange ici. C’est l’image qui parle avec toute sa force allusive. Et nous comprenons, viscéralement : c’est la mort qui attend certains de ces hommes de l’autre côté du talus si soigneusement reverdi par l’équipe Jackson. Ce ne sont pas des figurants, ce sont des combattants. Ce n’est pas un film de guerre. C’est la guerre filmée.
N’est-ce pas précisément ici que le film est le plus efficace ? L’épisode incite à s’interroger sur ce que Pour les soldats tombés véhicule comme d’autres non-dits, un peu enterrés sous sa verbosité. Ce, justement parce que l’on ressent la réticence de ces soldats à « communiquer » avec qui que ce soit. La présence de l’opérateur avec son encombrant instrument n’est-elle pas tout juste tolérée par ces hommes aux prises avec une anxiété extrême ? C’est une façon d’aborder ce qui se joue entre combattants filmés et opérateurs filmeurs, même lorsque la caméra se contente, comme si souvent, d’enregistrer les « routines paisibles » des tranchées et non l’imminence du combat[58]. La complicité des deux côtés de l’objectif semble alors évidente. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que c’est le seul opérateur et son instrument que les soldats regardaient. La recherche suggère plutôt qu’ils voyaient en le cinématographe une voie de communication avec les leurs, resté.e.s à la maison et très nombreux.ses à fréquenter les salles obscures à la recherche de nouvelles du front — et des proches sous les drapeaux[59]. Le public familial d’alors s’insère ainsi dans le film, à titre de destinataire. Sûrement spontanées, la camaraderie, la bonne humeur qui marquent tant de séquences n’en sont pas moins une stratégie de survie[60]. Mais lorsque la caméra passe, n’y a-t-il pas aussi une part de performance qui dépasse le « regardez-moi » si compréhensible pour tenter de rassurer les familles, de leur montrer autre chose que « les interminables heures et jours passés dans l’effroi »[61] ? D’une autre manière, certes, que la scène de la route enfoncée ou d’autres de cadavres dans des trous d’obus, ce jeu refléterait donc la tension incessante de la vie au front. Si ce sentiment de jouer pour les leurs est généralisé, cela veut d’ailleurs dire que, jusqu’à un certain point, les soldats sont complices du discours rassurant des plans d’actualités, au cœur du projet officiel de « contrôle du regard » visant à s’assurer un large soutien public à l’effort de guerre[62]. Le littéraire Thomas Keller écrit que « [l]e vécu des tranchées […] fait nécessairement sortir du cadre officiel »[63]. Mais pas entièrement…
Se dessinent ainsi les contours d’un régime médiatique spécifique. Doté de sa propre façon de rapprocher et de tenir à distance, il mobilise pour ce faire les personnes devant et derrière la caméra — dont, virtuellement, le public destinataire. Entre la pudeur des soldats, les calculs des autorités et ce qu’il est même possible de filmer, les vieux plans d’actualités opposent leur résistance. Non seulement en ce qu’ils refusent de montrer (assauts, raids, décès), mais en ce qu’ils se contentent de suggérer. C’est là leur opacité, leur altérité. Pris par son littéralisme — ensemble, images et vétérans parleraient d’eux-mêmes —, Jackson semble alors mal placé pour nous en parler[64].
Voyager entre les temps
Ainsi le cinéaste risque-t-il de relayer le message rassurant qu’étaient censées porter tant de séquences incorporées à son film. Mais sommes-nous rassuré.e.s ? Se pose enfin la question de notre réception de ces séquences, depuis notre présent. Ce présent n’est déjà plus celui du réalisateur. Sept ans après la sortie du film, des scènes de guerre remplissent les écrans qui nous servent d’horizon, nous qui vivons de loin ces conflits. Le régime médiatique de 14-18, dont Pour les soldats tombés est l’expression mi-consciente, trouve son pendant dans celui qui nous entoure. La pléthore d’informations véhiculées en temps presque réel — parfois irréel, tellement ces images sont manipulables ou encore relégables aux marges des médiasphères nationaux — offre à qui y tient de voir la guerre de très près. Des scènes apocalyptiques, filmées souvent au péril de leur vie par des vidéastes de circonstance aussi bien que par des journalistes[65] : voilà nos plans d’actualités à nous.
Le film que nous en composons, nous, comment influence-t-il notre appréhension de celui de Peter Jackson ? Dans nos médias, des séquences montrant les tranchées ukrainiennes (peuplées, il est vrai, de femmes aussi bien que d’hommes résistant à l’envahisseur) font parfois ressurgir des scènes de la Première Guerre[66] — même si les drones meurtriers qui survolent de plus en plus ce front atténuent la ressemblance à un conflit mondial pourtant déjà très bien équipé pour semer la « mort à distance ». Pour les soldats tombés peut servir de convoyeur de ces images fantomatiques. En revanche, du moins à première vue, la « guerre des soldats » que ce film documente n’a rien à voir avec les souffrances des non-combattant.e.s qui traversent actuellement nos écrans. Centré sur le front occidental et sur un corps armé à mission libératrice, le documentaire de Jackson n’a pas pour mandat de rappeler l’autre terrible jalon que pose la première guerre totale : ses millions de victimes civiles[67]. Tueries en pays occupé, bombardements de villes, blocus visant à affamer, pogroms, le génocide arménien et syriaque ; le cortège mortifère fait de ce conflit un funeste trait d’union entre les horreurs des campagnes coloniales d’avant 1914 et celles à venir de la Seconde Guerre mondiale[68].
Cet ignoble lignage débouche sur les atrocités, plus ou moins asymétriques selon le cas, des guerres d’aujourd’hui. Pour les soldats tombés n’incite pas à le reconstituer. Mais restons près des intentions du réalisateur, qui entendait surtout créer de la proximité et, par-là, de l’empathie. Peut-être que la souffrance que nous voyons aujourd’hui rend-elle plus sensible à celle d’hier, au substrat d’angoisse des plans de 14-18 rassemblés par Jackson. À ce que peuvent avoir en commun, malgré tout ce qui les sépare, ces deux groupes d’humains qui regardent la mort en face[69]. En nous dévisageant par média interposé, les deux ne suscitent-ils pas un même « mouvement de compassion involontaire qu’on peut éprouver à regarder dans les yeux quelqu’un qui souffre »[70] ? Dans l’espoir que ces deux « provocations affectives »[71] à plus d’un siècle d’intervalle suscitent autre chose que du fatalisme devant l’apparente permanence de la machine broyeuse de vies — au service d’impérialismes renouvelés. Pour que cette troublante proximité de la souffrance d’autrui rende à l’indignation un peu de son pouvoir[72]. Le rapprochement de cette vieille guerre avec celles de nos jours nous met en tout cas devant l’ultime distance : pourtant si aptes à susciter notre empathie, les Tommys qui peuplent les plans désembrumés de Peter Jackson ne nous demandent plus rien. Eux.
Thomas Wien
[1] Un grand merci à Daniel Poitras de m’avoir offert, en février 2024, l’occasion de réfléchir au parcours mémoriel de la Première Guerre, dans le cadre de son cours HST 3001, « Les sciences historiques aujourd’hui », à l’Université Laval. Ce texte a bénéficié des commentaires éclairants d’Aline Charles, d’Ève-Marie Lampron et de Francis Abud – merci à vous trois!
[2] Laurent Véray, « Les images de la Grande Guerre. Des archives retrouvées pour des hommes oubliés », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 89-90 (2008): 5-19; Michael Paris, « Film/Cinema (Great Britain) », Encyclopedia 1914-1918 Online, https://encyclopedia.1914-1918-online.net/article/filmcinema-great-britain/, consulté le 3 mars 2025.
[3] Laurent Véray, Avènement d’une culture visuelle de guerre. Le cinéma en France de 1914 à 1928, Paris, Nouvelles éditions Place/Ministère des Armées, 2019, p. 494.
[4] Ibid., p. 43, 132-133, 154; idem, « Les images »: 7. Comme le fait remarquer l’historien de l’art Peter Geimer : on pensait que filmer l’actualité, c’était « constituer un réservoir qui travaille pour le futur historien ». Peter Geimer, Les couleurs du passé (Jean Torrent, trad.), Paris, Éditions Macula, 2023, p. 227.
[5] Le film a été projeté en version 3D. Jackson décrit ces opérations dans le documentaire d’une demi-heure accompagnant le film en ligne et à nouveau dans un entretien avec Dan Snow (2018); dans ce qui suit, à moins de précisions du contraire, les propos attribués à Jackson proviennent de ces documents. « La réalisation de They Shall Not Grow Old », en anglais.
[6] La technique d’interpolation d’images visant à rendre les mouvements plus fluides occasionne le floutage momentané des visages. Franziska Heller et Ulrich Rüdel, « Das menschliche Gesicht des Krieges? Archivbilder im digitalen Wandel », https://www.kinofenster.de/filme/filme-des-monats/they-shall-not-grow-old/46792/das-menschliche-gesicht-des-krieges-archivbilder-im-digitalen-wandel
[7] L. Véray, Avènement, p. 484. Sur le silence: Jay Winter, War beyond Words: Languages of Remembrance from the Great War to the Present, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 89.
[8] [notre traduction] Andreas Kilb, « Neuer Film von Peter Jackson: Sie wurden nicht alt, aber jetzt sind sie bunt », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 27 juin 2019.
[9] L. Véray, Avènement, ibid. Peter Geimer rassemble (en ajoutant les siennes) les critiques à l’égard d’Apocalypse, série sommairement colorisée de 2009 ss., et du film de Jackson : Les couleurs du passé, p. 241-259.
[10] P. Jackson en entrevue à la BBC (2018) : https://www.youtube.com/watch?v=EYIeactlMWo .
[11] David Sims, « They Shall Not Grow Old Is a Stunning World War I Documentary », The Atlantic, décembre 2018.
[12] Luke Buckmaster, « ‘The Faces are Unbelievable’: Peter Jackson on They Shall Not Grow Old », The Guardian, 10 novembre 2018.
[13] Astrid Erll et Ann Rigney, « Introduction : Cultural Memory and Its Dynamics », dans A. Erll et A. Rigney, dir., Remediation and the Dynamics of Culture, Berlin, Walter de Gruyter, 2009, p. 9. Contribution assez récente à la tradition réaliste sur la Grande Guerre : la nouvelle mouture de Im Westen nichts Neues (À l’Ouest, rien de nouveau, Edward Berger, 2022).
[14] Il faut sauver le soldat Ryan (Steven Spielberg, 1998). Il y a cependant un retour d’ascenseur. Spielberg a été marqué par les procédés des newsreels de la Deuxième Guerre et, peut-être, de ceux de À l’Ouest, rien de nouveau (1930), film rappelant à au moins un critique les bandes d’actualités de la Première. Le réalisateur Lewis Milestone était en effet opérateur de caméra pendant la Grande Guerre. Robert T. Eberwein, The Hollywood War Film, Chichester, R.-U. et Malden, MA, Wiley-Blackwell, 2010, p. 71-72.
[15] François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003, p. 126 et 160.
[16] https://www.youtube.com/watch?v=EYIeactlMWo
[17] Sur la guerre matricielle : Élise Julien, « À propos de l’historiographie française de la Première Guerre mondiale », Labyrinthe – Atelier interdisciplinaire, 18, 2 (2004) : 67.
[18] Le film partage d’ailleurs quelques séquences avec The Battle of the Somme (G. H. Malins et J. D. McDowell, 1916). https://www.europeanfilmgateway.eu/search-efg/efg1914?page=0%2C0%2C0
[19] Sur l’accès limité : L. Véray, Avènement, p. 91. Les autorités sont conscientes de la puissance du média et redoutent de choquer le public : ibid., p. 209. Insistant sur les coudées relativement franches des opérateurs britanniques et le débat public sur ce qu’il convient de montrer : Pierre Sorlin, « Film and the War », dans John Horne, dir. A Companion to World War I, Londres, Wiley-Blackwell, 2010, p. 353-367. Sur une certaine autocensure : Aimé-Jules Bizimana, « Le Canada et la Grande Guerre : les nouvelles du front », Bulletin d’histoire politique, 17, 2 (2009) : 21-43. J. Couthard va jusqu’à parler, chez les journalistes britanniques puis états-uniens, d’une « vision glorieuse de la guerre des tranchées » qu’ils diffusent, ainsi que d’une « véritable conspiration du silence » au sujet des horreurs dont ils sont témoins. Jérôme Couthard, « Presse, censure et propagande en 1914-1918 : la construction d’une culture de guerre », Bulletin d’histoire politique, 8, 2-3 (2000) : 159, 165. Étude exemplaire du travail de réception du public : Nicholas Hiley, « La bataille de la Somme et les médias de Londres », Guerres mondiales et conflits contemporains, 171 (1993) : 69-83. Voir aussi Nicholas Reeves, The Power of Film Propaganda: Myth or Reality, Londres, New York, Continuum, 1999, p. 14-42; Tim Cook, « Canada’s Great War on Film: Lest We Forget (1935) », Canadian Military History, 14, 3 (2005): 5-20.
[20] Germain Lacasse, « L’écran de l’État : la propagande cinématographique pendant la Première Guerre mondiale », dans Roch Legault et Jean Lamarre, dir., La Première Guerre mondiale et le Canada, Montréal, Éditions du Méridien, 1999, p. 148. Ce matériel est largement « [privé] de matériel narratif », note Micheline Cambron : « Le discours sur la Grande Guerre : demande d’histoire », Voix et images, 37, 2 (2012) : 20.
[21] On soupçonne qu’il fait allusion ici à la série Apocalypse.
[22] Sara Jones, « Mediated immediacy: constructing authentic testimony in audio-visual media », Rethinking History, 21, 2 (2017): 146.
[23] L. Véray, Avènement, p. 173; J. G. Fuller, Troop Morale and Popular Culture in the British and Dominion Armies, 1914-1918, Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 6; plus généralement : Craig Gibson, Behind the Front: British Soldiers and French Civilians, 1914-1918, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
[24] On comparera néanmoins avec le film de montage The Battle of the Somme (1916), déjà plus ancré dans le temps et l’espace.
[25] https://www.iwm.org.uk/VoicesOfTheFirstWorldWar
[26] Seulement à la toute fin de l’heure colorisée, le temps linéaire s’enclenche pour annoncer armistice et victoire. Peut-être ce flou temporel a-t-il quelque chose à voir avec celui vécu par le fantassin moyen : Nicolas Beaupré, « La guerre comme expérience du temps et le temps comme expérience de guerre. Hypothèses pour une histoire du rapport au temps des soldats français de la Grande Guerre », Vingtième siècle, 117 (2013) : 167-181.
[27] S. Jones, « Mediated immediacy »: 148.
[28] Margaret R. Higonnet, « At the Front », dans Jay Winter, dir., Cambridge History of the First World War, vol. III, New York, Cambridge University Press, 2014, p. 121-152.
[29] Sur les Indiens : Claude Markovits, De l’Inde à la Somme. Les Indiens en France pendant la Grande Guerre, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2018; idem, « Indian Soldiers’ Experiences in France during World War I : Seeing Europe from the Rear of the Front », dans Heike Liebau, Katrin Bromber, Katharina Lange, Dyala Hamza et Ravi Ahuja, dir., The World in World Wars: Experiences, Perceptions and Perspectives in Africa and Asia, Leyde, Brill, 2010, p. 29-53. On se doute que ces troupes n’ont pas été interviewés. Il existe toutefois de la correspondance : David Omissi, Indian Views of the Great War : Soldiers’ Letters, 1914-1918, Houndmills, Basingstoke, R.-U., Macmillan, 1999.
[30] Charles-Philippe Courtois et Laurent Veyssière, dir., Le Québec dans la Grande Guerre : Engagements, refus, héritages, Québec, Septentrion, 2015; R. Legault et J. Lamarre, dir., La Première Guerre mondiale; Gregory M. W. Kennedy, Lost in the Crowd : Acadian Soldiers of Canada’s First World War, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2024; Mourad Djebabla, « Historiographie francophone de la Première Guerre mondiale : écrire la Grande Guerre de 1914-1918 en français au Canada et au Québec », Canadian Historical Review, 95, 3 (2014) : 407-416.
[31] Sur les Autochtones : Thibault Martin, « Une guerre peut en cacher une autre », dans Alain Beaulieu et Stéphanie Chaffray, dir., Représentation, métissage et pouvoir. La dynamique coloniale des échanges entre Autochtones, Européens et Canadiens (XVIe – XXe siècle), Québec, Presses de l’Université Laval, 2012, p. 425-446; Brian Gettler, « Activité économique et formation des classes sociales à Wendake, 1800-1850 », traduction par Catherine Ego de : « Economic Activity and Class Formation in Wendake, 1800-1950 » dans Kathryn Magee Labelle et Thomas Peace, dir., From Huronia to Wendakes: Adversity, Migrations, and Resilience, 1650-1900, Norman, University of Oklahoma Press, 2016, p. 20-21. https://ghm.uqam.ca/wp-content/uploads/2022/08/GETTLER-Brian-Trad-CE_finished.pdf
[32] C’est donc un peu involontairement que le film traduit la prédominance, caractéristique de cette guerre industrielle, de la « mort à distance », où les francs-tireurs, l’artillerie et les mitrailleuses font beaucoup plus de victimes que les baïonnettes. Antoine Prost, « Les limites de la brutalisation. Tuer sur le front occidental », Vingtième siècle, 84 (2004) : 5-20; Stéphane Audoin-Rouzeau, « Combat », dans John Horne, dir., A Companion to World War I, Londres, Wiley-Blackwell, 2010, p. 173-187.
[33] Offrir ses services comme brancardier était une stratégie de survie : Tim Cook, « The Politics of Surrender : Canadian Soldiers and the Killing of Prisoners in the Great War », Journal of Military History, 70, 3 (2006) : 349.
[34] Jay Winter et Antoine Prost, The Great War in History: Debates and Controversies, 1914 to the Present, 2e éd., Cambridge, Cambridge University Press, 2020. Mise à jour en anglais de Antoine Prost et Jay Winter, Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie, Paris, Seuil, 2004.
[35] John Keegan, Anatomie de la bataille, J. Colonna, trad., Paris, R. Laffont, 1993 (The Face of Battle, 1976).
[36] Jean-Jacques Becker, dir., Histoire culturelle de la Grande Guerre, Paris, Armand Colin, 2005; Leonard V. Smith, « The ‘Culture de guerre’ and French Historiography of the Great War of 1914-1918 », History Compass, 5, 6 (2007): 1967-1979; Nicolas Offenstadt, « La Grande Guerre en débats », dans Christian Delacroix et al., dir., Historiographies: concepts et débats, t. 2, Paris, Gallimard, 2010, p. 1015-1026; John Horne, « End of a Paradigm? The Cultural History of the Great War », Past & Present, 242 (2019): 155-192.
[37] La « culture du soldat » est explorée par Tim Cook dans The Secret History of Soldiers : How Canadians Survived the Great War, Toronto, Allen Lane, 2018. Regroupant des exemples de l’approche microhistorique à partir d’exemples surtout canadiens-anglais : Peter Farrugia et Evan J. Habkirk, dir., Portraits of Battle: Courage, Grief, and Strength in Canada’s Great War, Vancouver, UBC Press, 2021. Approche suivant les parcours des recrues acadiennes, sorte de biographie collective: G. Kennedy, Lost in the Crowd.
[38] Alison Landsberg, « Waking the Deadwood of History: Listening, Language, and the « Aural Visceral », Rethinking History, 14, 4 (2010) : 531-549; Wulf Kansteiner, « Film, the Past and a Didactic Dead End : From Teaching History to Teaching Memory » dans Mario Carretero, Stefan Berger et Maria Grever, dir., Palgrave Handbook of Research in Historical Culture and Education, Londres, Palgrave Macmillan, 2017, p. 169-190; Mark Salber Phillips, De la distanciation en histoire (Robert Laliberté, trad.), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2019, p. 297-322.
[39] J’ai moi aussi un tel lien personnel, mais qui traverse les barbelés : artilleur allemand, mon grand-père maternel Hans Vageler a participé – et survécu – notamment à la bataille de Verdun.
[40] Alison Landsberg, Prosthetic Memory : The Transformation of American Remembrance in the Age of Mass Culture, New York, Columbia University Press, 2004; voir aussi Patrick Finney, « Politics and technologies of authenticity : the Second World War at the close of living memory », Rethinking History, 21, 2 (2017) : 154-170.
[41] Annette Wieviorka, L’ère du témoin, Paris, Fayard, 1998. Sur les enjeux entourant le témoignage enregistré : S. Jones, « Mediated Immediacy ».
[42] C’est seulement au générique final que défilent les noms des vétérans qui s’expriment dans le film.
[43] M. S. Phillips, De la distanciation, p. 306.
[44] Sur le ton commémoratif dans l’historiographie canadienne de la guerre : Mark Osborne Humphries, « Between Commemoration and History : The Historiography of the Canadian Corps and Military Overseas », Canadian Historical Review, 95, 3 (2014) : 384-397.
[45] Sur ces critiques et d’autres : Stephen Heathorn, « The Mnemonic Turn in the Cultural Historiography of Britain’s Great War », Historical Journal, 48, 4 (2005): 1103-1124; David Englander, « Discipline and Morale in the British Army, 1917-1918 », dans John Horne, dir., State, Society and Mobilization in Europe during the First World War, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 125-143; T. Cook, The Secret History, p. 90-117. Le film ne fait pas état des enjeux relatifs à la conscription : Béatrice Richard, « Le Québec face à la crise de la conscription (1917-1918). Essai d’analyse sociale d’un refus », dans C.-P. Courtois et L. Veyssière, dir., Le Québec dans la Grande Guerre, p. 113-130; Aimée Dion, Affiches de guerre, guerre d’affiches. Canada français et Irlande pendant la Grande Guerre, Québec, Presses de l’Université Laval, 2024; Ian F. W. Beckett, « Nations in Arms: Enlistment and Conscription”, dans Hew Strachan, dir., The British Home Front and the First World War, Cambridge, 2023, p. 280; Catriona Pennell, « Le volontariat dans les armées de la Grande-Bretagne et des dominions, 1914-1918 », dans Nicolas Beaupré, Heather Jones et Anne Rasmussen, dir., Dans la guerre 1914-1918. Accepter, endurer, refuser, Paris, Les Belles Lettres, 2015, 29-54.
[46] Mark Humphries, « Wilfully and With Intent : Self-Inflicted Wounds and the Negotiation of Power in the Trenches », Histoire sociale/Social History, 47, 94 (2104) : 369-397.
[47] Daniel Poitras, Expérience du temps et historiographie au XXe siècle. Michel de Certeau, François Furet et Fernand Dumont, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2018, p. 18. En définitive, le film est une de ces « zones de contact temporel » dont parle Achim Landwehr : « Nostalgia and the Turbulence of Times », History & Theory, 57, 2 (2018): 268.
[48] Patrick Finney, « Politics and technologies of authenticity » : 158.
[49] « Une fois terminée, c’est la guerre elle-même et non l’ennemi qui est devenue aux yeux de beaucoup la véritable horreur, résumée en la souffrance des soldats et non des populations civiles » [notre traduction]: John Horne, « Atrocities and War Crimes », dans Jay Winter, dir., Cambridge History of the First World War, vol. 1, New York, Cambridge University Press, 2014, p. 584. Cette perspective qui insiste sur le gouffre qui séparait les soldats des populations civiles marque aussi le traitement jacksonien de l’après-guerre, qui par vétérans interposés insiste sur incompréhension et adaptations difficiles. La recherche récente axée sur les parcours des soldats trace un portrait plus diversifié, par exemple au chapitre de l’emploi. Sur les Canadiens français : Carl Bouchard et Michael Huberman, « Les anciens combattants canadiens-français de la Première Guerre mondiale et leur réintégration professionnelle », Histoire sociale/Social History, 53, 109 (2020) : 545-568; sur les Acadiens : G. Kennedy, Lost in the Crowd, p. 203-235. Sur la Première Guerre dans les mémoires, voir notamment J. Winter, War beyond Words; Laurent Veyssière, Vimy, un siècle d’histoires, Québec, Septentrion, 2018.
[50] Ce paradoxe évoque la double logique de la « remédiatisation » (remediation), notion mise en circulation par J. D. Bolter et R. Grusin, soit la tendance de nouveaux médias à en citer des anciens, oscillant entre des prétentions à l’immédiateté se voulant toujours plus raffinées et le besoin, pour ce faire, de souligner la moindre immédiateté des médias anciens. Jay David Bolter et Richard Grusin, Remediation : Understanding New Media, Boston, MIT Press, 2000, p. 5, 14-15, 156-157, 268. Voir aussi Astrid Erll et Ann Rigney, « Introduction : Cultural Memory and Its Dynamics », dans A. Erll et A. Rigney, dir., Remediation…,p. 3-4.
[51] Se penchant sur la série Apocalypse (2009 ss.), la philosophe Maria Muhle va jusqu’à argumenter que c’est la colorisation sommaire qui crée son propre effet de défamiliarisation, vu son artificialité manifeste : « Krieg in Farbe – Darstellung und Nachstellung », Mittelweg, 36 (2015) : 96.
[52] Odette Martinez-Maler et Laurent Véray, « Écritures filmiques du passé », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 89-90 (2008) : 2.
[53] Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Seuil, 1989; Emily Robinson, « Touching the Void : Affective History and the Impossible », Rethinking History, 14, 4 (2010) : 503-520; Katie Barclay, « Falling in Love with the Dead », Rethinking History, 22, 4 (2018) : 459-473.
[54] Laurent Véray, « L’histoire peut-elle se faire avec des archives filmiques ? », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 115, 2011, http://journals.openedition.org/chrhc/2286
[55] Luke Buckmaster, « ‘The Faces are Unbelievable’: Peter Jackson on They Shall Not Grow Old », The Guardian, 10 novembre 2018.
[56] Il s’agit d’une séquence bien connue du 1er juillet 1916, au début de la bataille de la Somme. Jackson y revient à quelques reprises entre les minutes 56 et 61.
[57] T. Cook, The Secret History, p. 47.
[58] G. Lacasse, « L’écran de l’État », p. 155.
[59] L. Véray, Avènement, p. 246-247; Roger Smither, « ‘Watch the picture carefully, and see if you can identify anyone’: Recognition in factual film of the First World War Period”, Film History, 14, 3-4 (2003): 390-404. Le même phénomène lors de la Deuxième Guerre: Toby Haggith, « D-Day Filming – For Real. A Comparison of ‘truth’ and ‘reality’ in Saving Private Ryan and combat film by the British Army’s Film and Photographic Unit », Film History, 14, 3-4 (2002): 342-344. Le même souci de ménager les gens à la maison se voit aussi dans les lettres des combattants : G. Kennedy, Lost in the Crowd, p. 120.
[60] Comme souligné dans Bernard Andrès, « L’humour des Poilus canadiens durant la Grande Guerre », Cahiers des Dix, 69 (2015) : 215-249 et 70 (2016) : 131-177; T. Cook, The Secret History, p. 6.
[61] G. Lacasse, « L’écran de l’État », p. 156.
[62] L. Véray, Avènement, p. 22, 71. P. Sorlin est d’avis que le public britannique était lui aussi complice, ne tenant pas à voir la guerre de trop près : « Film and the War », p. 362.
[63] Thomas Keller, « Avant-propos : Les enfants sacrifiés », Cahiers d’études germaniques, 66 (2014) : 18. Il faut nuancer en ce sens le jugement d’Andreas Kilb voulant que la peur ne se voie nulle part dans le film : « Neuer Film von Peter Jackson ».
[64] La remarque de l’historien Thierry Bonzon au sujet de la série Apocalypse paraît juste : « Cette approche [raccordement de séquences d’époque], qui traverse le document d’archive pour ne pas s’attacher à ce qu’il ‘montre’, s’apparente à une forme de négation de l’image, bien éloigné de l’opération historiographique ».T. Bonzon, « Usages et mésusages des images d’archives dans la série Apocalypse », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 107, 3 (2010) : 179.
[65] Et parfois par des génocidaires, comme au Darfour actuellement. Patricia Huon, « ‘À El-Fasher, ils ont procédé à des exécutions massives’ : au Soudan, des centaines de civils exécutés après la prise de la ville », Libération, 28 octobre 2025. Pour ce qui est des journalistes, sur les quelque 300 professionnel.le.s tué.e.s ou disparu.e.s depuis 2023 inclusivement et recensés par Reporters sans frontières, 5 ont connu ce sort en Ukraine, 13 au Soudan, 59 en Palestine et 2 (le 7 octobre 2023) en Israël. https://rsf.org/fr/barometre#exaction-victimes, consulté le 3 octobre 2025.
[66] « Une nouvelle grande illusion? Entretien avec Stéphane Audoin-Rouzeau » (propos recueillis par Anne-Lorraine Bujon), Esprit, 2023/3 : 35-42.
[67] John Horne, « Atrocities and War Crimes », p. 561-584; Hans-Lukas Kieser et Donald Bloxham, « Genocide », ibid., p. 585-614; Antoine Prost, « The Dead », ibid., vol. III, p. 561-591.
[68] Robert Gerwarth et Stephan Malinowski, « Hannah Arendt’s Ghosts: Reflections on the Disputable Path from Windhoek to Auschwitz », Central European History, 42, 2 (2009): 279-300.
[69] J. Winter, War beyond Words, p. 206, trace une diagonale entre la la « tuerie industrielle sanctionnée par l’État » (« state-legitimated industrial killing ») fortement médiatisée de la Première Guerre et celle de l’Holocauste.
[70] M. S. Phillips, De la distanciation…, p. 301-302.
[71] Alison Landsberg, Engaging the Past : Mass Culture and the Production of Historical Knowledge, New York, Columbia University Press, 2015, p. 16.
[72] Susan Sontag, Devant la douleur des autres, Paris, Christian Bourgois, 2003.
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