Pascal Scallon-Chouinard
Yves Gingras, professeur au Département d’histoire de l’UQAM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire et sociologie des sciences, a prononcé une communication à l’occasion du 13e Colloque international étudiant du Département d’histoire de l’Université Laval le 13 février 2013. Abordant la question de l’historien et du politique, il s’est prononcé sur le rôle social de l’histoire et sur les dangers potentiels guettant cette discipline qui, à ses yeux, apparait beaucoup moins autonome et plus soumise aux influences externes que la plupart des autres domaines de recherche. Pour Yves Gingras, l’historien doit résister aux demandes et aux pressions extérieures pour bâtir ses propres problématiques et objets d’étude, puis pour éviter également une certaine « instrumentalisation » de l’histoire. L’idée d’une « objectivation » de la pratique historienne passerait, entre autres, par la façon de faire et d’écrire l’histoire (notamment en laissant tomber, autant que possible, l’utilisation d’adjectifs qui orientent et connotent, parfois inconsciemment, le texte). L’historien, en outre, devrait s’appliquer à expliquer les faits de façon scientifique, en s’appuyant sur un argumentaire et sur l’analyse de documents historiques : il s’agirait là de la meilleure façon d’avoir un impact et de démontrer la validité et le professionnalisme de ses recherches.
En revisitant des textes et des débats anciens ou d’actualité (notamment les écrits de Max Weber, les débats sur l’origine de la théorie de la relativité, les controverses autour des livres Aristote au mont Saint-Michel : Les racines grecques de l’Europe chrétienne (Sylvain Gouguenheim), Nos ancêtres les Germains. Les archéologues au service du nazisme (Laurent Olivier) ou encore Black Athena: The Afroasiatic Roots of Classical Civilization (Martin Bernal), etc.), Yves Gingras exprime un point de vue intéressant et pertinent sur la notion d’engagement en histoire et chez l’historien. C’est avec son accord que nous vous présentons ici sa conférence. Pour l’écouter, vous pouvez cliquer sur le lien ci-dessous (pour enregistrer, vous pouvez cliquez avec le bouton droit de la souris et sélectionner l’option « Enregistrer la cible du lien sous… »). N’hésitez pas à laisser des commentaires !
Alex Giroux
Bonjour à tous,
Je tiens à préciser ma position sur un énoncé de monsieur Gingras. Il dit: «on pourrait penser que le travail de l’historien […] c’est tirer les leçons de l’histoire, comme s’il y avait des leçons à tirer, chacun tire la sienne…».
Je ne veux surtout pas qu’on interprète mes propos comme ceux de quelqu’un qui voudrait que l’histoire ait une portée morale, le travail de l’historien doit bénéficier de la «distanciation» par une question historienne, sans connotation morale ou sans jugement préalable.
Par contre, je crois que dans un débat actuel sur le devenir de notre société, se déployant dans des médias aussi variés soient-ils et faisant intervenir des citoyens de tout acabit, les gens de lettres et des sciences sociales, mais surtout l’historien, sont les mieux placer, par l’actualité et l’ampleur de leurs connaissances de la discipline historique, de tirer des leçons sur les évènements historiques pour alimenter explicitement ce débat d’une profondeur historique. Tout débat de société devrait accorder une place prépondérante à l’opinion des gens qui la connaissent le mieux, sous différents angles, donc les gens pratiquant les sciences sociales. Le fait de prendre position sur l’état actuel en faisant appel aux différents résultats de recherche est l’affaire de tous, et n’implique pas de biaiser nos éventuelles recherches sur des «sujets chauds» pour servir nos positions dans ce débat, qui selon moi devrait être constant et s’élever davantage justement au niveau de la science que de rester au niveau de l’impression et de l’émotion.
N’empêche que j’approuve l’intervention de M. Gingras et que je tenterai d’appliquer son enseignement dans mes recherches!