Par Maurice Demers, département d’histoire de l’Université de Sherbrooke, et Bernard Ducharme, Ph. D. en histoire et en études romanes, chercheur associé au Groupe de Recherche sur l’Islamophobie et le Fondamentalisme de l’UQÀM
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Crédits : Antonio Cinotti (Flickr).
Afin d’éclairer les débats actuels autour de l’islam, de la radicalisation et de la question des droits humains dans le monde musulman, HistoireEngagee.ca s’est entretenue avec la professeure de l’Université Bishop’s Osire Glacier qui se spécialise sur les thématiques portant sur les femmes et l’islam ainsi que sur les rapports entre politiques et religion au Moyen-Orient. Elle a publié ces dernières années les livres Les droits humains au Maroc entre discours et réalité (Tarik Éditions, 2015), ainsi que Femmes politiques au Maroc d’hier à aujourd’hui (Tarik Éditions, 2013).
De notre perspective nord-américaine, la lutte au terrorisme semble absorber la question des droits de la personne au Maghreb. Qu’en est-il vu du Maroc? Quels sont les grands enjeux actuels relatifs à la question des droits de la personne?
Le Maroc est de plus en plus sollicité par les gouvernements européens pour collaborer dans la lutte anti-terroriste. D’ailleurs, d’après les médias français et belges, c’est grâce aux services marocains qu’Abdelhamid Abaaoud, présumé cerveau des attentats de Paris, a été retrouvé. Cependant, ces mêmes médias passent sous silence les conditions dans lesquelles les renseignements fournis par les services marocains sont collectés. Les exigences de la sécurité nationale et internationale semblent légitimer ces omissions, et donc ultimement toute éventuelle atteinte aux droits humains. Pourtant, seul le respect de ces droits à l’échelle planétaire pourrait garantir la sécurité dans notre village global.
Pour expliquer le lien étroit existant entre le respect de la dignité humaine et la paix mondiale, c’est important de faire remarquer en premier lieu que les discours dominants en Occident abordent la question du terrorisme comme un conflit civilisationnel. Des extrémistes religieux dans les terres de l’Islam représenteraient une menace pour les valeurs démocratiques en Europe et en Amérique du Nord. Or il s’agit là d’une lecture sélective des activités terroristes. L’organisation l’État islamique (EI) par exemple a perpétré des attentats terroristes en Tunisie et au Liban, dont les victimes sont des musulmans. En outre, ces terroristes persécutent les musulmans qui ne partagent pas leur idéologie, ou qui ne se plient pas à leurs ordres. Il en est ainsi pour les musulmans chiites et yézidis, pour ne citer que ceux-là.