Par Gaëlle Étémé, doctorante en sociologie à l’Université du Québec à Montréal
Par un après-midi chaud (août…), je me dépêche de rejoindre Gabriella Kinté dans sa librairie pour une entrevue. Elle m’attend, confortablement assise dans un des sofas échoués sur le flanc droit de sa librairie. C’est une femme au visage grave mais enfantin : il y a comme une innocence qui se refuse à déserter ses yeux. Son corps menu, ramassé sur lui-même est occupé à la distraction d’un appareil cellulaire saisi entre ses mains. Nous nous saluons. Elle m’attendait. Cinq livres sont disposés sur table basse devant elle. C’était prévu… Je repère ma place : un tabouret placé à mon intention. Je lui ferai face. Un verre d’eau, le robinet au fond de la pièce…je me meus dans cette géographie silencieuse. Le boulevard au dehors est étrangement calme. Il n’y a que nous. Juste, la librairie, nos corps, cette hospitalité et les mots.
…Mettre en Valeur
Gaëlle Étémé : Merci Gabriella de me recevoir. J’ai choisi de présenter ton travail de façon un peu différente. L’objectif étant de parler de ce que tu fais, des espérances et des rêves qui ont porté ta librairie et éventuellement tes projets futurs. Voilà, j’ai quelques questions. La première, la plus plate…
Gabriella Kinté : Oui (sourire).
GE : Voilà un an maintenant que la librairie existe. Rétrospectivement, quel regard portes-tu sur la manière dont la librairie a été présentée dans les médias ?
GK : Ce que je trouve dommage, ce qui a peu été dit dans les médias, c’est l’aspect « valorisation », ce qu’on veut vraiment faire. Quand on dit mettre de l’avant les histoires, les auteurs.es, les personnes racisées et leur travail, c’est un peu pour les Valoriser, Valoriser leur travail parce que dans la société dans laquelle nous vivons on n’est pas majoritaire, on n’est pas représenté. C’est mettre en lumière ce qui n’est pas mis en lumière ailleurs. Les choses sont dites comme si nous on accusait les autres librairies de ne pas nous représenter alors que ce n’est pas juste ça. Ce que nous on veut faire c’est faire mettre en Valeur, mettre en Lumière parce que c’est pas mis en lumière ailleurs. C’est plus comme le côté positif de la valorisation. C’est souvent présenté comme « ok… », le monde des représentations est souvent représenté comme : « ils ne font pas, donc on accuse, les autres ne le font pas donc on va le faire ». Tandis qu’on peut aussi juste décider de mettre de l’avant ça parce qu’on veut valoriser, parce qu’on trouve que c’est important et tout. C’est plus dans la formulation.