Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Asie

« Cas 24 ». La fin (?) de la rougeole (au Cambodge) et l’historienne

Par Laurence Monnais, Université de Montréal

                                                                                                                                                        Version PDF

Crédits : Anne-Laure Lapeyraque, Siem Reap, 2019.

Siem Reap, dimanche 7 avril

Siem Reap, dimanche 7 avril 2019, 6h45 du matin. Je rejoins « Dr. Samnang » dans un restaurant bondé, en périphérie de cette ville animée jouxtant les temples d’Angkor. Chham Samnang, agent du Programme élargi de vaccination (PEV) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sillonne les vingt-cinq provinces du Cambodge pour s’assurer que les maladies évitables par la vaccination (MEV) sont bien évitées, que les nouveaux programmes d’immunisation s’implantent dans l’harmonie, que les éclosions infectieuses sont rapidement contenues. Il m’a appelée deux jours plus tôt pour m’informer du « retour » de la rougeole dans le pays, et me demander si je serais intéressée à le suivre dans sa traque du « cas 24 ».

Sur ce bord de route fréquenté, il fait probablement déjà 32 ou 33 degrés. Tout le monde le dit, il fait très chaud pour un début avril. Après un café bien fort, on monte dans un 4X4 blanc aux armes de l’OMS; le chauffeur de Samnang me fait signer une feuille qui décharge l’Organisation de toute responsabilité me concernant. Pour être honnête, je suis surprise de pouvoir les accompagner aussi facilement. Samnang me tend un polo bleu ciel aux couleurs du Programme national d’immunisation (PNI) khmer. Je l’enfile. On part. Direction le district de Stoung, dans la province adjacente de Kampong Thom, capitale nationale de l’aquaculture sur les rives du très fertile lac Tonlé Sap, à près de 110 kilomètres de là. On mettra un peu plus de deux heures pour l’atteindre

Par-delà la gauche et la droite dans la Chine contemporaine : l’historien Qin Hui et la liberté de penser, de dire et d’écrire

Par Carl Déry, chargé de cours en histoire de la Chine et de l’Asie de l’Est et membre affilié du Centre d’études de l’Asie de l’Est (UdM)[1]

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Sima Qian, le "père" de l'histoire chinoise.

Sima Qian, le « père » de l’histoire chinoise.

Il peut parfois s’avérer très risqué pour l’historien de prendre la parole publiquement, surtout lorsque ses mots se retrouvent à contre-courant de ce que la voix du politique énonce. Tous ceux qui ont été initiés aux études chinoises connaissent très bien le récit exemplaire de l’historien Sima Qian (145-86 av. J.-C.), ayant osé reprendre publiquement l’empereur Han Wudi sur le jugement que ce dernier avait prononcé contre le général Li Ling. Pour avoir osé défendre un homme que tous condamnaient et surtout, pour avoir remis en question une décision impériale, Sima Qian fut condamné à choisir entre la mort ou la castration. Poussé par un sens du devoir filial à l’égard du travail d’écriture amorcé par son père Sima Tan ainsi que par son propre désir d’accomplissement et de gloire littéraire, il exprima à travers son œuvre un sens aigu de la responsabilité d’historien à laquelle il s’identifia. Il accepta donc de subir ce qu’il nomma « l’insupportable déshonneur » afin de pouvoir compléter la rédaction de ses Mémoires historiques, et c’est grâce à cet engagement qu’aujourd’hui encore nous lui rendons hommage, étant considéré par plusieurs comme étant le « père de l’histoire chinoise » ou encore le Hérodote de la Chine[2].

Même si la Chine d’aujourd’hui se trouve à des années lumières de l’époque de la dynastie Han, la prise de parole publique semble parfois accompagnée d’un risque comparable. Quand on observe à partir d’un regard extérieur le monde des intellectuels de la Chine contemporaine, plus spécifiquement depuis la rupture provoquée par les événements de 1989, on est d’abord tenté d’opter pour le récit dominant de la censure étatique récurrente et de l’impossibilité de traiter certaines questions sensibles avec toute la liberté académique requise. Même si les dernières années de la présidence de Xi Jinping semblent donner raison à cette représentation simplifiée de la relation entre le pouvoir politique et la liberté d’expression, il existe tout de même une diversité de prises de parole chez bon nombre d’intellectuels engagés. Les sujets que ces derniers abordent sont non seulement très nombreux et variés, touchant à un large éventail de questions sociales, juridiques, culturelles et économiques, mais ils entrent aussi bien souvent en conflit direct avec certains discours associés à l’establishment politique et à la vision proposée par l’idéologie du parti unique.

Liu Xiaobo et la lutte pour la liberté politique en Chine

Par Dimitris Fasfalis

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Lui Xiaobo, défenseur des droits de l’homme et prix Nobel de la paix. Crédit : R Mendez (Flickr).

« Nul n’est prophète dans son pays » dit le proverbe biblique. Liu Xiaobo en sait quelque chose. Intellectuel dissident chinois, il a reçu le 8 octobre dernier le prix Nobel de la paix alors qu’il est emprisonné par le régime chinois pour « subversion du pouvoir de l’État ». Encensé par la presse occidentale, son combat pour les libertés en Chine pourrait remettre en question un des piliers de la mondialisation néolibérale, à savoir le « capitalisme avec des valeurs asiatiques ».

Un intellectuel engagé pour la liberté

L’homme d’abord. Celui qui répond à sa condamnation à onze ans de prison le jour de Noël 2009 : « Je suis rempli d’optimisme à l’idée qu’un jour la liberté règnera en Chine, car aucune force ne peut s’opposer au désir des hommes d’être libres. » Liu Xiaobo est né en 1955 de parents intellectuels et communistes. Il entre à l’université en 1977, enseigne dans les universités de son pays la littérature chinoise à partir de 1982, puis part enseigner à l’étranger – Oslo, New York – en 1987, avant de rentrer à Pékin au début de la révolte de Tien Anmen (1989) à laquelle il prend part.

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