À propos des relations entre infirmières, médecins et gouvernements. L’histoire de la commission Régnier (1962-1964)

Publié le 22 mars 2018

Par Alexandre Klein, chercheur postdoctoral au département des sciences historiques de l’Université Laval et coordonnateur du réseau de recherche Historiens de la santé

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Membres du conseil d’administration et du bureau médical du Sanatorium Prévost, Lucien Desjardins, Avril 1948, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, BAnQ Vieux-Montréal, Fonds Charlotte Tassé, P307,S3,SS1,D8,P9

Voilà maintenant plusieurs semaines que la colère gronde parmi les infirmières du Québec. La tribune d’une infirmière de l’Abitibi, puis le cri du cœur d’Émilie Richard ont attiré l’attention de l’opinion publique sur la très grande difficulté de leurs conditions de travail. Des tribunes de soutien ou de combat, des sit-in, des états généraux, des prises de position syndicales, des enquêtes, des requêtes et des manifestations ont ensuite mis à jour une situation plus inacceptable encore qu’imaginée, et dénoncé la gestion d’un système de santé devenu proprement injuste et déshumanisant. Or, la seule réaction du gouvernement à cette prise de parole sans précédent fut le mépris, et une bonne dose de paternalisme. D’abord, le premier ministre Philippe Couillard – ancien médecin spécialiste – a affirmé qu’il était « admirable » que les gens qui travaillent en santé soient toujours poussés à leur maximum. Mépris. Ensuite, le ministre de la Santé, un autre médecin spécialiste, a pour sa part invité les infirmières « à se montrer plus positives ». Mépris doublé de paternalisme. Comme si des décennies de professionnalisation, d’autonomisation et de syndicalisation n’avaient rien changé au mythe de l’infirmière docile et douce (même lorsqu’elle est en colère[1]), on assistait ébahi au retour du vieux schéma d’un médecin – un homme – rappelant au silence et à ses obligations l’infirmière – toujours une femme – considérée comme une simple exécutante.

Pourtant, l’histoire des infirmières nous rappelle que, loin d’être de simples auxiliaires, ces soignantes à part entière ont été au cœur de la formation et de la gestion du système de santé au Québec et dans le reste du Canada. Depuis les premières sages-femmes de la Nouvelle-France, qui assuraient, au plus près des familles, la gestion quotidienne de la santé, jusqu’aux infirmières militaires, qui ont rejoint l’Europe et ses champs de bataille pendant la Première ou la Seconde Guerre mondiale, en passant par les religieuses hospitalières[2], les infirmières de colonie[3] ou du Victorian Order of Nurses[4], toutes ont œuvré de manière autonome et efficiente afin d’offrir des soins de qualité, ainsi qu’un système de prise en charge digne de ce nom, à la population canadienne[5]. Seulement, l’émergence, au cours du XIXe siècle, d’un corps médical organisé et puissant, obtenant de l’État le monopole de la pratique de soins et la possibilité de contrôler les autres professions de santé, a conduit à auxiliariser cette caste de femmes pourtant incontournable[6] et à minorer ses apports historiques. Depuis, les relations entre médecins, gouvernements et infirmières restent marquées par l’alliance historique des deux premiers (qui a fait l’objet d’un précédent billet) au détriment de ces dernières.

C’est ce dont témoigne un évènement majeur, mais pourtant peu connu, de l’histoire contemporaine québécoise : la commission Régnier. En 1962, le gouvernement de Jean Lesage a mis sur pied une commission d’enquête, dirigée par le juge André Régnier, afin de régler un conflit qui opposait depuis plusieurs mois les psychiatres de l’Institut Albert-Prévost, menés par un certain Camille Laurin, aux deux gardes-malades propriétaires de cette institution psychiatrique montréalaise, Charlotte Tassé et Bernadette Lépine. Son résultat a été l’expulsion, la spoliation et l’humiliation des gardes-malades au profit de l’instauration d’un pouvoir psychiatrique qui n’est finalement pas parvenu à faire perdurer la stabilité de l’établissement instaurée et maintenue depuis plus de trente ans par les deux femmes. C’est sur cette histoire[7], que je crois représentative des relations établies entre infirmières, médecins et gouvernants au Québec depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles maintenant, que je me propose de revenir.

Une institution unique

Inauguré le dimanche 27 juillet 1919, dans une banlieue calme du nord de l’île de Montréal, le sanatorium du Dr Albert Prévost se voulait avant tout un havre de paix pour soigner, par le repos et la psychothérapie, les maux de nerfs de patients privés. Son fondateur, premier titulaire de la chaire de neurologie de l’Université Laval à Montréal, entendait ainsi offrir une alternative à la prise en charge non spécialisée des hôpitaux généraux ainsi qu’aux conditions d’accueil du très grand asile, déjà bondé, de Saint-Jean-de-Dieu. Pour assurer le bon fonctionnement de cette petite maison bourgeoise, située sur le bord de la rivière des Prairies, il recruta dès le mois de septembre suivant une jeune garde-malade du nom de Charlotte Tassé.

Alors âgée de 25 ans, cette infirmière originaire d’Henryville, qui s’était formée à Montréal avant de se spécialiser aux États-Unis, s’imposa rapidement comme un pilier de l’institution. En plus d’assurer sa tâche de garde-malade en chef, elle inaugura, un mois seulement après son arrivée, une école d’infirmières en vue de former du personnel spécialisé aux exigences des patients nerveux. Lorsque le Dr Prévost mourut prématurément à la suite d’un accident de voiture en 1926, c’est donc tout naturellement elle, l’« âme »[8] de la maison selon les mots d’Édouard Montpetit, qui reprit les choses en main. Aidée des médecins de l’institution, les frères Charles-Antoine et Edgard Langlois auxquels vinrent s’ajouter Jean Saucier et Roma Amyot, elle assura la gestion quotidienne de l’établissement avant d’intégrer, en 1928, la corporation de l’institution renommée, depuis la mort de son fondateur, « Sanatorium Albert-Prévost ».

S’imposant progressivement comme un lieu de soin, mais surtout de formation de qualité (en plus des infirmières, il accueillait de nombreux internes de l’Université de Montréal), le sanatorium, qui s’était beaucoup agrandi depuis sa création, fut profondément touché par le contexte économique difficile des années 1930. La mort, en 1941, d’Edgard Langlois contribua d’autant plus à son affaiblissement, au point qu’en 1945, l’établissement était sur le point de fermer du fait d’une situation financière catastrophique. C’est alors que Charlotte Tassé et Bernadette Lépine – une garde-malade formée au sanatorium et rapidement devenue le bras droit et la plus fidèle compagne de Tassé – rachetèrent l’institution. Les deux femmes, qui avaient engagé tous leurs avoirs personnels pour soutenir le prêt nécessaire au rachat, transformèrent le sanatorium en une corporation à but non lucratif afin de lui permettre, sur le modèle des grands hôpitaux de la province, de recevoir des malades de l’Assistance publique. Un comité de femmes, dont Tassé et Lépine furent nommées présidentes et membres à vie, fut créé pour diriger l’institution. La direction médicale demeura, quant à elle, entre les mains des médecins de l’établissement. Le petit sanatorium privé, devenu en 26 ans un centre de soins et de formation psychiatriques majeur, était désormais une institution unique, entièrement possédée et gérée par des femmes, qui plus est des laïques.

L’argent du gouvernement aida à redresser les finances de l’institution et à la faire croître : en plus de faire construire de nouveaux bâtiments, Tassé et Lépine augmentèrent l’offre de formations en ouvrant, en 1951, la première école d’infirmières auxiliaires du Québec puis en offrant, en 1953, le premier cours de perfectionnement en soins infirmiers psychiatriques de la province validé par un diplôme universitaire. Le rapprochement engagé avec l’Université de Montréal se concrétisa finalement en 1955 lorsque, sous le nouveau nom d’Institut Albert-Prévost, l’établissement devint officiellement un centre d’enseignement accrédité par la Faculté de médecine. Dix ans après avoir risqué la fermeture, l’Institut vivait son âge d’or, notamment grâce au travail patient de Charlotte Tassé, qui se vit d’ailleurs récompensée, cette même année, du grand prix de l’Association d’hygiène mentale du Canada pour l’ensemble de ses accomplissements. Le vent allait toutefois bientôt tourner.

Un loup dans la bergerie

 En 1957, un jeune psychiatre sans trop d’expérience, revenant tout juste de quatre années de formation en France, intégrait l’Institut Albert-Prévost sur la recommandation du doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, le Dr Wilbrod Bonin. Ce nouveau venu aux dents longues et aux idées bien arrêtées se nommait Camille Laurin, le futur ministre et père de la loi 101. Son arrivée dans l’institution et surtout son caractère affirmé provoquèrent immédiatement des remous, conduisant notamment le directeur scientifique, le psychanalyste Karl Stern, à démissionner. Il faut dire que Laurin, qui rêvait de réformer la psychiatrie québécoise et la prise en charge des malades dans la province, entendait bien faire de l’Institut Albert-Prévost son laboratoire d’expérimentation. Nommé dès janvier 1958 à la place de Stern, il commença par recruter de nouveaux psychiatres en accord avec ses orientations psychanalytiques et réformatrices. Rapidement, la nouvelle équipe, se sentant à l’étroit dans l’organisation de l’institution, tenta de la modifier. Elle vota la création, en 1961, d’un nouveau bureau médical duquel tous les anciens psychiatres étaient exclus[9]. Sous l’égide de Laurin, les nouveaux venus entendaient ainsi former un bureau plus conforme à la réalité de l’Institut. Les anciens psychiatres, comme Roma Amyot ou Jean Saucier, n’y étaient en effet présents que ponctuellement, tandis que les plus jeunes y travaillaient, eux, à plein temps. Cette manœuvre déplut profondément à Charlotte Tassé qui retira alors sa confiance à Laurin. Mais l’évènement décisif, « la goutte d’eau qui a fait renverser le verre »[10], selon les mots de la garde-malade, fut la parution en août 1961 du livre de Jean-Charles Pagé, intitulé Les fous crient au secours.

Cet ouvrage, dans lequel un ancien patient de Saint-Jean-de-Dieu dénonçait les conditions indignes d’internement qu’il avait vécues dans ce qui était alors le plus grand asile du Québec, était en effet postfacé par Laurin. Ce dernier, qui y voyait un moyen opportun de faire avancer ses projets de réformes psychiatriques à l’échelle de la province[11], n’avait d’ailleurs pas hésité à organiser une importante campagne médiatique pour s’assurer du succès de l’ouvrage[12]. Or, ce soutien massif apporté par le déjà influent psychiatre montréalais (il avait en effet pris, dès 1958, la tête de l’enseignement de la psychiatrie à l’Université de Montréal) conduisait à associer le nom de l’Institut Albert-Prévost à une critique à peine voilée du travail des religieuses dans les institutions psychiatriques (notamment les Sœurs de la providence de Saint-Jean-de-Dieu), ce qui blessa profondément Charlotte Tassé. Bien qu’elle soit une infirmière laïque, très attachée à ce statut qu’elle défendait d’ailleurs vigoureusement dans la revue La garde-malade canadienne-française qu’elle dirigeait depuis 1928, Tassé était aussi liée au monde des infirmières catholiques (elle était elle-même très croyante) et voyait d’un mauvais œil cette critique, à la fois acerbe et sous-jacente de ses consœurs, associée au nom de sa maison. D’autant plus que Laurin ne l’avait pas avertie de cette parution[13], alors même qu’il avait consulté les membres de l’équipe médicale de l’Institut avant la parution du livre. Cet évènement rompit définitivement la communication entre la garde-malade et le psychiatre. Dès lors, les incompréhensions, les provocations et, donc, les conflits se multiplièrent.

La montée des tensions

 D’autant que le temps était au changement. L’entrée en vigueur le 1er janvier 1961 de l’assurance-hospitalisation avait en effet déjà bouleversé l’organisation de l’Institut. Ainsi, le salaire des médecins avait été diminué pour correspondre aux critères des hôpitaux publics de la province, tandis que la perception de leurs honoraires n’était plus gérée par l’administration, mais devait désormais être prise en main par les praticiens eux-mêmes. Ces derniers avaient donc décidé de mettre en place un pot commun, un « pool », afin de permettre à ceux qui enseignaient beaucoup de ne pas être désavantagés par cette nouvelle mesure[14]. Rapidement enterré par l’administration qui n’y voyait aucun avantage pour les patients, ce projet fut néanmoins mis sur pied par les médecins qui marquaient ainsi leur défiance à l’égard du conseil d’administration. C’est dans ce contexte de tensions entre le bureau médical et l’administration que les employés de l’Institut reçurent, à la fin du mois d’août 1961, une lettre de cette dernière leur demandant de pointer à leur arrivée et à leur départ. Cette requête, qui était la conséquence de la mise en place de l’assurance-hospitalisation, fut perçue comme une mesure hostile par le personnel soignant. Lors de sa réunion du 11 septembre 1961, le bureau médical statua pour que toutes les décisions du conseil d’administration concernant les membres du personnel passent désormais par lui. Mais l’administration n’en prit pas acte. Lorsque les trois travailleuses sociales de l’Institut déposèrent leur démission, fatiguées par les demandes d’une administration qui restait pourtant mutique face à leurs revendications répétées concernant leurs salaires et le recrutement de personnel supplémentaire, le conseil l’accepta sans prendre en compte la requête du bureau médical[15]. Le 15 novembre 1961, l’Institut perdait donc son équipe de travail social. La guerre était définitivement déclarée.

Dès la semaine suivante, les tensions entre Laurin et Tassé s’affichèrent au grand jour. Alors qu’il accordait une entrevue à un journaliste, le psychiatre fut interpellé par la garde-malade venue lui reprocher son manque de loyauté à l’égard de l’institution et sa tendance à toujours privilégier ses propres intérêts[16]. La protestation contre cette intervention, émise par le bureau médical lors de sa réunion du 4 décembre 1961, resta lettre morte. Mais celui-ci revint à la charge, le 8 janvier 1962, en adoptant une résolution demandant au conseil d’administration de nommer en son sein un directeur médical[17] – ce que les statuts de l’établissement prévoyaient depuis 1955, mais qui n’avait jamais encore été appliqué – et de nommer Laurin à ce poste. Au lieu de répondre, le conseil, qui se réunit le 25 janvier suivant, décida plutôt de limoger la nouvelle directrice du nursing, Mme Thérèse Bélanger[18], qu’il jugeait incompétente, de suspendre l’enseignement au sein de l’Institut et donc de ne renouveler le contrat des psychiatres que jusqu’en juillet (et non décembre comme habituellement). Cette prise de position allait conduire Tassé et le conseil d’administration à leur perte. En effet, l’obligation d’enseignement était inscrite dans l’acte d’incorporation de l’Institut et les raisons avancées, selon lesquelles l’enseignement détournait les personnels de l’objectif premier du soin, semblaient assez peu crédibles. Mais surtout, l’Institut Albert-Prévost était alors le principal centre de formation psychiatrique de la province de Québec, pour les médecins comme pour les infirmières. La fermeture de l’enseignement avait donc des conséquences bien au-delà de ses propres murs.

Une bataille politique

Alertés par les psychiatres, qui avaient aussi informé les médias de la situation, la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, le Collège des médecins, l’Association psychiatrique de la Province de Québec ainsi que le Ministère de la Santé[19] tentèrent sans succès de faire revenir le conseil sur sa décision. Il fallut que le ministre de la Santé lui-même, Alphonse Couturier, ainsi que le responsable de l’assurance-hospitalisation, le Dr Jacques Gélinas, mais aussi un représentant du Collège des médecins, le Dr Lachaine, se rendent à l’Institut[20], certains à plusieurs reprises, pour que le conseil d’administration commence à assouplir sa position. Le 1er mai, il adopta une résolution faisant état du maintien en poste des médecins jusqu’au 31 décembre, à l’exception notable des Drs Camille Laurin, Pierre Lefebvre et Jean-Baptiste Boulanger qui étaient, eux, définitivement démis de leurs fonctions. Dix jours plus tard, une autre résolution fut votée confirmant que l’enseignement reprendrait bien l’année suivante, mais selon des conditions à déterminer entre les parties. Le sort des trois psychiatres, considérés comme « indésirables », n’était, lui, pas remis en question. Par conséquent, le 12 mai, Camille Laurin remit sa démission, valable à partir du 1er juillet 1962. Deux jours plus tard, c’était l’ensemble des psychiatres, accompagnés de la psychologue de l’Institut, qui démissionnaient à leur tour, en soutien avec leur directeur scientifique. Il ne s’agissait pas là d’une simple menace, puisque les démissionnaires, accompagnés des anciennes travailleuses sociales et de la directrice du nursing remerciée, travaillaient déjà depuis plusieurs mois à la création d’un autre lieu de soin et de formation psychiatriques : l’Institut psychiatrique de Montréal[21].

Mais le gouvernement avait alors d’autres objectifs puisque le 21 mai 1962, à la demande du premier ministre Lesage, le ministre de la Santé tapa violemment du poing sur la table pour réclamer au conseil d’administration qu’il continue l’enseignement et reprenne les médecins démissionnaires. Celui-ci répondit positivement, confirmant qu’il avait même nommé un nouveau directeur médical en la personne du Dr Bélanger, un obstétricien travaillant avec l’Institut[22]. Mais le 30 mai, les psychiatres remirent à leur tour au ministre de la Santé un mémoire comportant leurs exigences en vue de leur potentiel retour à l’Institut. Il était notamment question de réintégrer la directrice du nursing et les travailleuses sociales, de nommer Laurin directeur médical, d’engager de nouveaux psychiatres, et surtout de mettre Tassé et Lépine à la retraite.

Le gouvernement se fit finalement le porte-parole des psychiatres, puisque le 8 juin, le Dr Dominique Bédard, directeur de la toute nouvelle division des services psychiatriques du ministère de la Santé, créée à la suite de son rapport d’enquête produit en réponse à la parution du livre de Pagé, vint à l’Institut soumettre au conseil d’administration un ensemble de propositions de réformes de l’institution. Celles-ci reprenaient l’essentiel des propositions de l’équipe Laurin, en y ajoutant la nomination d’un administrateur nommé par le gouvernement. Le conseil d’administration répondit alors, sans surprise, par la négative à la majorité des dix propositions qui consistait, selon ses mots à « une expropriation pure et simple, sans indemnité[23]. » Le 2 juillet, Maître Ferland, conseiller juridique de l’Institut, confirmait, lors d’une conférence de presse, que l’Institut ne se laisserait jamais contrôler par l’État[24].

Pourtant, une semaine plus tard, profitant de la nouvelle loi sur les hôpitaux du Québec votée quatre jours auparavant, le gouvernement annonçait la suspension du conseil d’administration de l’Institut, la nomination d’un administrateur par intérim et la création d’une commission d’enquête dirigée par le juge André Régnier[25]. Dès sa nomination, Thomas Pogagny, le nouvel administrateur, interdit aux gardes-malades Tassé et Lépine l’accès à leur bureau et les confina dans leurs chambres respectives. Il réengagea tout le personnel congédié ou démissionnaire et reconstitua le bureau médical voté en 1961 par les jeunes psychiatres[26]. La commission d’enquête se vit quant à elle repoussée, dès son ouverture le 27 juillet 1962, à l’automne suivant, l’ancien conseil d’administration ayant contesté sa légalité devant la Cour supérieure. Il fallut attendre le 5 juin 1963 pour que la requête de l’ancien conseil soit rejetée et que la Commission débute enfin ses travaux, à huis clos. Le 20 juin, Tassé et Lépine annonçaient publiquement leur démission[27], envoyée 10 jours auparavant à l’administrateur, laissant le soin au juge Régnier de trancher l’affaire. Son rapport ne fut rendu public qu’un an plus tard, le 4 juin 1964.

La « victoire » des psychiatres

Sur 126 pages, le rapport Régnier revenait sur les différents épisodes de cette guerre, avant de proposer, en tentant d’accommoder tous les partis, que la gestion se fasse de manière conjointe sous le regard du gouvernement. Un nouveau conseil d’administration de sept membres devait être formé, incluant Charlotte Tassé (Bernadette Lépine étant décédée entre-temps), ainsi qu’un directeur général et un directeur médical choisis parmi des personnes n’ayant pas été impliquées dans la crise. Les relations du conseil d’administration et du bureau médical devaient, en outre, être gérées au sein d’un comité mixte. Ces recommandations furent validées le 21 juillet 1964 par l’adoption du bill 61 qui modifiait la corporation de l’Institut[28].

Mais, pour la composition du conseil d’administration, le gouvernement ne suivit finalement pas les recommandations de la commission : outre Tassé qui fut nommée membre à vie, deux membres furent élus pour trois ans par la corporation actuelle et quatre autres par le gouvernement, dont Laurin au poste de directeur médical et Pogany au poste de directeur général. Les psychiatres avaient finalement gagné. Ultime signe de ce changement de régime, la garde Tassé quitta définitivement, en cette année 1964, cette maison où elle avait vécu 45 ans (alors qu’elle ne devait, au départ, y rester que deux semaines), pour s’installer dans un petit appartement à quelques pas de là, sur le boulevard Laurentien. Une page s’était définitivement tournée.

La situation ne s’améliora pas pour autant puisque 15 mois plus tard des employés de l’Institut réclamaient une nouvelle enquête, insatisfaits du travail de Laurin et Pogany[29]. Pour apaiser cette nouvelle crise, l’administration remercia finalement Pogany et divisa le poste de Laurin en deux, coupant le psychiatre de l’administration de l’Institut (du moins en théorie, car Gilles Lortie, qui prit le poste de directeur administratif, était un proche de Laurin). Le calme fut ainsi ramené, pour quelques années au moins. Quatre ans plus tard, une autre crise éclata[30] conduisant finalement au rattachement, en 1973, de l’Institut à l’hôpital du Sacré-Cœur dont il est toujours aujourd’hui le département de psychiatrie, sous le nom de Pavillon Albert-Prévost.

Un épisode symbolique

La crise qui a secoué l’Institut Albert-Prévost, et avec lui l’opinion publique québécoise, entre 1961 et 1964, n’est pas si éloignée que l’on pourrait croire de la situation que nous connaissons actuellement. Certes, elle ne peut être entièrement détachée du contexte des années 1960 qui vit l’affirmation des psychiatres comme principaux acteurs des soins de santé mentale au Québec et l’implication de l’État provincial, désormais providence, dans le domaine de la santé et notamment dans la gestion et la supervision des hôpitaux[31]. Elle est également très liée, comme le notera d’ailleurs le rapport Régnier[32], aux fortes personnalités de ses principaux acteurs qui ont contribué à l’éclosion comme à la dureté du conflit. Néanmoins, force est de constater qu’elle trouve surtout son origine et sa raison d’être dans une réalité encore très actuelle : l’organisation hiérarchique du système de santé autour du monopole accordé au corps médical par l’État (et défendu par ce dernier, même au détriment du bon fonctionnement de l’ensemble), et le mépris teinté de sexisme qui en découle souvent à l’égard des revendications d’autonomie des infirmières.

Pour Laurin en effet, comme pour les jeunes psychiatres qui œuvraient à l’Institut ou au ministère, il apparaissait inenvisageable que des gardes-malades, censées être les auxiliaires des médecins, puissent être responsables d’une institution de soins de santé mentale, qui plus est l’une des plus importantes de la Province. C’est aux médecins de donner des ordres aux infirmières et non l’inverse! C’est pour cela que Laurin a défendu envers et contre tou(te)s « l’adoption d’une structure médico-administrative[33]. » Il convenait en effet de remettre les gardes-malades à leur place, celle de subordonnées, d’auxiliaires de soins, et de mettre fin à cet hôpital administré par des femmes qui faisait encore la surprise des journalistes en 1961[34]. Laurin profita donc de son accointance avec certains membres du gouvernement (c’est lui qui avait suggéré au ministère les membres de la commission Bédard devenus ensuite les piliers de la direction de services psychiatriques[35]), mais aussi du vent de réforme qui soufflait sur le monde de la santé québécois (et qui conduisait notamment à la reprise en main par l’État des structures historiquement gérées par les religieuses) pour prendre le pouvoir sur l’Institut Albert-Prévost. Cela sans aucun égard pour les gardes-malades propriétaires qui furent spoliées de leur bien et de leurs droits[36], dans des conditions particulièrement rudes (Tassé et Lépine ayant notamment été confinées dans leurs chambres pendant plusieurs semaines et interdites d’accès au reste de l’Institut sous la menace de leur expulsion[37]). Bien au contraire, le fait que ce soient des femmes, et déjà d’un certain âge, joua pleinement en la faveur du jeune psychiatre. La conclusion du rapport Régnier nous donne d’ailleurs un aperçu de cette vision genrée des plus sexistes qui fut au cœur de la crise :

À la lumière de ce qui précède, notre Commission d’enquête en est arrivée à l’opinion que tout le conflit de l’Institut Albert Prévost, monté en épingle par une publicité sans doute inspirée, où les psychiatres ont joué un rôle malheureux, à l’administration s’est cantonnée dans un mutisme regrettable, a pour origine un conflit de personnalités entre le Docteur C. Laurin, entreprenant et audacieux et Garde C. Tassé, femme digne, mais avancée en âge, jalouse de son autorité, inquiète de l’ascendant que le Dr. Camille Laurin exerçait sur le corps médical et de la puissance qu’il détenait par l’octroi de bourses généreusement distribuées, à même la caisse dont il tenait les cordons[38].

Ainsi renvoyée à son statut de vieille femme « jalouse » et « inquiète » face à un Laurin « entreprenant et audacieux », Tassé ne pouvait éviter d’être écartée, puis finalement oubliée. La modernité des psychiatres se trouvait en effet valorisée en creux de ce portrait cinglant d’une garde-malade âgée, donc nécessairement passéiste et traditionaliste (mais qui ne disait rien de ses réalisations multiples et pour beaucoup avant-gardistes). Et même si les commissaires affirmaient, à la page suivante, qu’ils n’avaient pas « trouvé chez Garde Tassé et Lépine les femmes ambitieuses, autoritaires [et] acariâtres » qu’on voulait les faire condamner, l’histoire a retenu que cette crise n’avait été qu’un épisode de la valeureuse conquête des psychiatres modernistes pour l’amélioration du système de santé mentale au Québec[39]. L’époque était aux psychiatres, et les gardes-malades, que l’on nommait déjà infirmières, se devaient désormais d’appartenir au passé ou de garder leur place de subordonnées, à l’instar de toutes les autres femmes travaillant dans le domaine de la santé.

Alors certes, le langage est aujourd’hui peut-être plus policé, mais les choses n’ont pas véritablement changé. Ici comme ailleurs, toute revendication d’autonomie des infirmières se voit encore freinée, voire interdite par un corps médical toujours dirigé pour beaucoup par des hommes[40], soutenu par le gouvernement (ou directement représenté en son sein) et n’hésitant pas à faire preuve d’un paternalisme éhonté pour atteindre son but. C’est ainsi qu’en 2010, l’installation de super-infirmières dans la province a été en grande partie sabordée par la résistance du Collège des médecins du Québec, tandis qu’en 2016, le ministre de la Santé refusait de financer une clinique d’infirmières si elle ne se rattachait pas un groupe de médecine familiale, donc à des médecins. Le médico-centrisme du système de santé québécois instauré au cours du XIXe siècle, et qui a été au cœur de la crise de l’Institut Albert-Prévost, semble encore avoir de beaux jours devant lui, et ce bien qu’il nuise clairement à l’amélioration de la qualité comme de l’accessibilité des soins de santé.

Pour en savoir plus

« Plus de femmes que d’hommes médecins au Québec, une première ». Radio-Canada (22

janvier 2018). [En ligne]http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1079586/college-medecins-bilan-annuel-charles-bernard.

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[1] Madeleine Morgan, La colère des douces. La grève des infirmières de l’hôpital Sainte-Justine en 1963, Montréal, Confédération des syndicats nationaux, 2003, 215 p.

[2] Yolande Cohen, Profession infirmière. Une histoire des soins dans les hôpitaux du Québec, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2000, 320 p.

[3] Nicole Rousseau et Joanne Daigle, Infirmières de colonie. Soins et médicalisation dans les régions du Québec, 1932-1972, Québec, Presses de l’Université Laval, 2013, 496 p.

[4] Sheila M. Penney, A Century of Caring, 1897-1997: The History of the Victorian Order of Nurses for Canada, Ottawa, VON Canada, 1996, 148 p.

[5] Christina Bates, Diane Dood, Nicole Rousseau, dir., Sans frontières. Quatre siècles de soins infirmiers canadiens, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa/Musée canadien des civilisations, 2005, 248 p.

[6] Marie-Claude Thifault, dir., L’incontournable caste des femmes. Histoire des services de santé au Québec et au Canada, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2012, 372 p.

[7] Le travail de recherche à l’origine de ce billet s’inscrit dans un projet plus vaste sur l’histoire des infirmières psychiatriques au Québec financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (2015-2019) et intitulé Des institutions et des femmes : Évolution du nursing psychiatrique au Québec, 1912-1974, auquel participe également Marie-Claude Thifault et Karine Aubin de l’Université d’Ottawa. Les propos tenus ici n’engage néanmoins que leur auteur.

[8] Édouard Montpetit, « Albert Prévost », Revue trimestrielle canadienne, no 19, septembre 1926, p. 365.

[9] Commission d’enquête sur l’administration de l’Institut Albert Prévost, Rapport de la Commission d’enquête sur l’administration de l’Institut Albert Prévost quant à son personnel médical et hospitalier, Montréal, Commission d’enquête sur l’administration de l’Institut Albert Prévost, 1964, p. 15 (désormais Rapport Régnier).

[10] Idem.

[11] Voir à ce propos, Alexandre Klein, « Préparer la révolution psychiatrique depuis Paris. Camille Laurin et l’histoire médicale française au service de la réforme du système québécois de santé mentale », Revue d’histoire de l’Amérique française, 2018, à paraître.

[12] Jean-Claude Picard, Camille Laurin. L’homme debout, Montréal, Boréal, 2003, p. 139-141.

[13] Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Charlotte Tassé, P307 S3, SS2, D1, « Procès-verbal de la quarantième-deuxième assemblée des membres du conseil d’administration de l’Institut Albert-Prévost, tenue au siège social de la corporation, sis au numéro 6555 ouest, boulevard Gouin, Cartierville, Montréal, lundi le 9 octobre 1961, à 8 h. p.m. ».

[14] Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Charlotte Tassé, P307 S3, SS2, D1, « Procès-verbal de la quarantième assemblée des membres du conseil d’administration de l’Institut Albert-Prévost, tenue à l’Hôtel Elisabeth, 900 ouest rue Dorchester, Montréal, vendredi le 24 mars 1961, à 8 h 30 ».

[15] Archives de l’Institut Albert-Prévost, Mémoire à la commission royale d’enquête concernant l’Institut Albert-Prévost présenté par l’équipe psychiatrique de l’Institut Albert-Prévost, p. 63.

[16] Rapport Régnier, p. 20.

[17] Françoise Boudreau, De l’asile à la santé mentale. Les soins psychiatriques : histoire et institutions, Montréal, Éditions Saint Martin, 1984, p. 78.

[18] Rapport Régnier, p. 60.

[19] Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Charlotte Tassé, BAnQ, P307 S3, SS2, D1, « Procès-verbal d’une assemblée spéciale des membres du Conseil d’Administration de l’Institut Albert-Prévost tenue le vendredi vingt-trois mars 1962 ».

[20] Rapport Régnier, p. 22.

[21] Le Devoir, 3 mai 1962.

[22] Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Charlotte Tassé, « Procès-verbal d’une assemblée spéciale des membres du Conseil d’Administration de l’Institut Albert-Prévost tenue le jeudi dix-sept mai 1962, à 9 h 30 ».

[23] Rapport Régnier, p. 35.

[24] La Presse, 3 juillet 1962.

[25] La Presse, 11 juillet 1962.

[26] La Presse, 19 juillet 1962.

[27] La Presse, 19 juin 1963.

[28] Le Devoir, 22 juillet 1964.

[29] Le Devoir, 9 février 1966.

[30] La Presse, 2 novembre 1972.

[31] Voir à ce propos, François Guérard, Histoire de la santé au Québec, Québec, Boréal, 1996, coll. « Express », p. 79-82.

[32] Rapport Régnier, p. 73.

[33] Rapport Régnier, p. 14.

[34] H. Roberge, « Un hôpital administré par des femmes! », Photo-Journal, semaine du 8 au 15 avril 1961, p. 28 et 37.

[35] Voir à ce propos Denis Lazure, Médecin et citoyen. Souvenirs, Montréal, Boréal, 2002, p. 88.

[36] G. Poisson, « Dangereux précédent à l’Institut Albert-Prévost », Le Devoir, 26 octobre 1964.

[37] La Presse, 17 juillet 1962.

[38] Rapport Régnier, p. 73.

[39] Voir notamment Françoise Boudreau, « De l’asile à… » et Hubert A. Wallot, La danse autour du fou. Histoire de la prise en change de la folie au Québec, Beauport, MNH, 1998, 456 p. À noter que ce dernier ouvrage est préfacé par Camille Laurin.

[40] Alors qu’il y a désormais plus de femmes que d’hommes médecins au Québec. Voir « Plus de femmes que d’hommes médecins au Québec, une première », Radio-Canada, 22 janvier 2018, en ligne.